LE VÉRITÉ

QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ ?   

La réponse deClaude Paulot

Ancien élève de l'École Normale Supérieure, professeur d'université en physique, honoraire, dirige le Centre d'Études Religieuses fondé par Jean Daujat, marié, père de 7 enfants.

La vérité est la conformité entre ce qui est dans notre pensée et le réel. Notre intelligence doit se soumettre avec humilité à la réalité et la rechercher pour la reconnaître telle qu’elle est au niveau naturel comme au niveau révélé.

  • 1. 

Nous partageons avec les animaux le mode de connaissance sensible, qui connaît les phénomènes physiques (son, lumière, etc.), mais le propre de l’homme est la connaissance intellectuelle qui permet de connaître par l’abstraction les natures intelligibles universelles (découvrir ce qu’est une étoile à partir du regard que nous portons sur elle pour comprendre ce qu’elle est). Il y a trois degrés d’abstraction : le niveau physique (sciences expérimentales), le niveau mathématiques (quantités) et le niveau métaphysique (l’être même des choses).

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Il faut distinguer la connaissance sensible et la connaissance intellectuelle

La connaissance sensible est partagée avec les animaux. Elle connaît les phénomènes physiques qui agissent sur les organes des sens : le son agit sur ceux de l’ouïe et la lumière sur ceux de la vue. Elle est limitéeau niveau du physique. Les animaux ont un instinct et des automatismes, mais pas d’intelligence au sens réel du mot. Les ordinateurs non plus : il n’y a pas d’intelligence artificielle. Si un ordinateur bat aux échecs un champion, c’est par l’application de règles techniques et mécaniques, inscrites dans des programmes préparés par des êtres humains, mais il n’y a là aucune intelligence autonomes.

La connaissance intellectuelle est le propre de l’homme

Elle permet de connaître les natures intelligibles universelles, la nature des choses : ce que la chose est, ce qui la constitue dans son être. L’intelligence connaît l’être lui-même. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle perçoit l’être d’une chose, sa nature, et il y a là une différente radicale avec les animaux. C’est le propre de l’homme. En grandissant, l’enfant dont l’intelligence s’éveille pose sans cesse la question : « Qu’est-ce que c’est ? ».

L’intelligence procède par l’abstraction pour accéder à la nature des choses

L’homme perçoit la réalité par les sens : on voit des étoiles, des girafes, on se demande ce que c’est.
Par l’abstraction, l’intelligence élimine les déterminations individuelles et accède à la nature de l’étoile, de la girafe. Elle extrait les natures intelligibles. C’est de cette façon que la connaissance progresse et que l’on en tire des idées.
L’intelligence humaine perçoit l’être et est ouverte sur l’infini. Mais ce qui lui est adapté ce sont les natures des êtres que nous percevons par la connaissance sensible.

Il y a trois degrés d’abstraction : les niveaux physique, mathématiques et métaphysique

Le premier niveau, celui de la physique, est celui des sciences expérimentales.
Le deuxième niveau, celui des mathématiques, abstrait l’expérience pour traiter des quantités.
Le troisième niveau, celui de la métaphysique (« au-delà de la physique »), abstrait les quantités pour  s’intéresser à l’être.
Plus le regard de l’intelligence pénètre à l’intérieur des choses, plus on progresse dans les degrés d’abstraction. Les animaux n’ont en rien accès à ces degrés d’abstraction. Ils n’ont que la connaissance sensible. Les débats actuels sur ce sujet sont souvent remplis d’une grande confusion.

Il y a une hiérarchie entre les trois degrés d’abstraction

Le supérieur peut imposer des règles à l’inférieur mais cela ne fonctionne pas dans l’autre sens.
On ne peut pas, par un raisonnement physique ou expérimental, démontrer un théorème de mathématiques : si l’on découpe des triangles, qu’on les pèse et qu’on prétend démontrer ainsi un théorème mathématiques,  on ne démontre rien.
De même, on ne peut démontrer ce qui concerne Dieu avec la physique ou les mathématiques : ce qui relève de l’existence de Dieu appartient à un degré d’abstraction supérieur. Mettre en équations les raisonnements philosophiques n’a pas de sens, car ils sont d’un niveau d’abstraction supérieur.

  • 2. 

En faisant abstraction des déterminations individuelles, l’intelligence forme des idées, qu’elle relie entre elles par des jugements (analytiques ou synthétiques), qui sont eux-mêmes combinés en des raisonnements.

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Ensuite l’intelligence relie les idées entre elles à travers des jugements, puis des raisonnements

Les jugements affirment ou nient quelque chose : par eux, l’intelligence se prononce, puis les raisonnements relient les jugements entre eux.
Idées, jugements, raisonnements développent la connaissance intellectuelle.

Il y a deux grands types de jugements : les jugements analytiques et les jugements synthétiques

Les jugements analytiques analysent par exemple la nature humaine et arrivent à la conclusion que l’homme est libre. Il suffit d’analyser le sujet pour le découvrir.
Les jugements synthétiques ne résultent pas de la nature des choses : ils nécessitent de regarder la réalité. Si je dis que Pierre a les yeux bleus et les cheveux blonds, il faut que je connaisse Pierre en tant qu’individu. Je ne peux le déduire de rien.

  • 3. 

Le point important pour un jugement ou un raisonnement, c’est qu’il soit vrai, c’est-à-dire qu’il doit y avoir conformité entre ce que j’exprime dans ma pensée et la réalité extérieure objective, qui existe qu’on le veuille ou non. Pour accéder ainsi à la vérité, l’intelligence doit accepter de la rechercher avec une certaine ascèse, et se soumettre au réel avec une grande humilité.

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La recherche de la vérité suppose une ascèse

La vérité est un grand bien qui doit être recherché. Il ne faut pas se laisser influencer par les passions ni par les intérêts. Si quelqu’un que j’aime dit quelque chose de faux, il faut le reconnaître. De même, si quelqu’un avec qui je n’ai aucune affinité dit vrai, il faut le reconnaître aussi. La seule chose qui importe pour un jugement, c’est d’être vrai. Il y a une objectivité de la vérité – c’est-à-dire qu’elle n’est pas soumise aux a priori de mes désirs, ou de mes craintes, ni de mes sensations immédiates.

La vérité est l’adéquation de ma pensée avec le réel

Nous sommes là au cœur de la notion de la vérité. Les Anciens disaient : Veritas est adæquatio intellectus et rei. Fondamentalement, c’est le lien entre ce que j’exprime dans ma pensée et la réalité extérieure : c’est la conformité entre ma pensée et la réalité extérieure qui est constitutive de la notion de vérité.

  • 4. 

Il y a différents types de vérités accessibles à l’intelligence : les vérités naturellement connaissables (de type scientifique, morale, philosophique) et les vérités révélées (que nous ne pouvons pas connaître par nous-mêmes), qui sont d’un niveau de certitude plus grand que toutes les autres vérités, car c’est Dieu lui-même qui s’exprime.

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Les vérités du domaine moral montrent ce qui est bien pour l’homme

Elles résultent de la nature humaine. Par exemple, on constate que consommer trop d’alcool est mauvais pour la nature humaine. Les choses sont perçues bonnes ou mauvaises en fonction de la nature humaine et la morale demande d’agir en vue du vrai bien de l’homme : rejeter ce qui est mauvais et faire ce qui est bon pour l’homme.
Cela se combine avec une autre dimension essentielle de l’homme : sa liberté. Car nous sommes vraiment libres par rapport à toutes ces réalités. Dieu a créé l’homme avec intelligence et liberté et il respecte infiniment cette liberté.

Les vérités du domaine de la révélation accessibles par la foi

Le Verbe s’est fait chair et il nous apporte une vérité que nous ne pouvons pas découvrir par nous-mêmes. Alors que dans  le domaine physique, mathématiques ou moral on peut découvrir la vérité par soi-même, dans le domaine de la Révélation, Dieu nous révèle des choses que nous sommes incapables de découvrir par nous-mêmes : par exemple le mystère de la Sainte Trinité.
Ce sont aussi des vérités car elles sont conformes à la réalité de ce que Dieu est en lui-même, mais elles ne sont pas accessibles de la même façon. On y adhère par la foi, qui est d’un ordre de certitude plus grand que toutes les autres vérités, car c’est Dieu lui-même qui s’exprime et Dieu ne peut ni se tromper ni nous tromper.

Il ne peut pas y avoir de contradiction entre la foi et la raison

Il ne peut pas y avoir de contradiction entre la raison qui nous permet de découvrir les vérités naturellement connaissables et la foi par laquelle nous croyons les vérités révélées, parce que c’est la même et unique source pour les deux : le même et unique Dieu qui est créateur de tout ce qui existe et l’auteur de la Révélation. Il ne peut pas y avoir de contradiction entre la raison et la foi. Jean-Paul II (Encyclique Foi et raison) et Benoît XVI ont beaucoup insisté là-dessus.

  • 5. 

Notre époque a un problème avec la vérité, qui n’est ni estimée, ni recherchée, ni valorisée. On se laisse saisir par l’immédiateté du sentiment, du spectacle, de la communication, ce qui conduit au relativisme et à une société déboussolée, toujours plus virtuelle et déconnectée du réel. Mais la vérité finit toujours par l’emporter sur l’illusion et le mensonge.

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Le relativisme proclame qu’il n’y a pas de vérité, mais cette position est impossible

Il existe toujours une réalité objective qu’il faut reconnaître telle qu’elle est. Le relativisme et l’agnosticisme sont d’ailleurs des contradictions logiques. Si quelqu’un affirme que l’on ne peut pas connaître la vérité, on peut lui poser la question suivante : « Est-il vrai qu’il n’y a rien de vrai ? ». Alors deux réponses sont possibles : soit l’interlocuteur reconnaît que son affirmation est fausse et il abdique son erreur, soit il persévère dans celle-ci et alors il y a au moins une chose qui est vraie, c’est qu’il n’y a rien de vrai, ce qui contredit le propos initial.

Dans le monde médiatique, le souci de la vérité n’est plus prioritaire

Dans les débats, telle personne dit telle chose, un autre dit le contraire. Deux candidats à l’élection présidentielle se contredisent « les yeux dans les yeux » en affirmant des choses contradictoires et cela ne gêne personne. On cherche le spectacle pas la vérité. Les gens ne vont pas chercher les chiffres ni les faits : ce qui les séduit, c’est le divertissement, le spectacle d’un affrontement. Il s’agit de plaire, de susciter des émotions et non de solliciter l’intelligence en montrant ce qui est vrai. Par là, il y a une déconnexion d’avec le réel. L’information tend à présenter des fragments de réel qui accaparent l’attention et occultent le reste, empêchant ainsi la recherche de la vérité dans son entièreté cohérente et indivisible.

Le monde virtuel d’aujourd’hui accentue cette déconnexion du réel

Autre difficulté, plus forte qu’autrefois : le monde virtuel dans lequel on est.  Les gens sont enfermés dans ce monde virtuel qui fait perdre ce contact avec la réalité et avec le sens de la vérité. Les écrans sont partout et ils méritent leur nom plus qu’il ne paraît, car il « font écran » à la réalité. On s’intéresse à ce qui se passe au Mali ou en Ukraine, toutes choses sur lesquelles nous n’avons pratiquement aucune influence ; ou bien on s’évade dans l’imaginaire ou l’artificiel (les sports médiatisés, comme le foot, ou les jeux vidéo) et, ce faisant, on ne s’intéresse ni à son voisin, ni à son parent, ni à ses proches, qui sont, eux, dans le réel et qui ont besoin de nous. On arrive ainsi à ce paradoxe que les tsunamis d’informations qui assaillent nos contemporains limitent la connaissance de la réalité aux objets sélectionnés en fonction des sensations qu’ils suscitent et anesthésient la conscience.

La perte de la vérité laisse le monde désabusé et déboussolé

Le fait de vivre dans le divertissement et de renoncer à donner réponse aux questions essentielles conduit à une attitude désabusée, qui mine l’enthousiasme et ne donne aucun sens à notre vie. Il ne reste plus alors qu’à se laisser étourdir en consommant, en assouvissant ses passions, dans la jouissance de biens matériels, sans critères de discernement fondés sur la vérité. Mais la vie en dehors de la vérité ne peut satisfaire le cœur de l’homme et elle ne le conduit pas au bonheur.

  • 6. 

Il faut encourager les gens à chercher ardemment la vérité en toutes circonstances, et avec la meilleure bonne volonté, car cette quête rapproche du Christ et conduit inévitablement à lui, qui est la plénitude de la Vérité, laquelle nous rend libres.

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La vérité est importante et elle conduit à la joie

La question de Ponce Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? » retentit par delà les siècles et nous atteint tous au plus intime de nous-mêmes. Certains sont morts pour la vérité parce qu’ils l’avaient perçue, et d’autres y consacrent leur vie, même s’ils devinent qu’elle est trop grande et trop belle pour qu’ils se l’approprient. Il y a une connivence naturelle entre l’intelligence et la vérité, si bien que la découverte de cette dernière induit généralement une joie particulière et qu’elle est chemin vers le bonheur.

La vérité doit se rechercher dans tous les domaines

Simone Weil disait que la recherche scientifique n’est pas autre chose qu’une des formes de la contemplation : il s’agit de regarder la réalité telle qu’elle est pour la comprendre. Il faut regarder le réel tel qu’il est pour le comprendre.

La recherche de la vérité conduit au Christ qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie »

Il faut encourager la recherche et l’amour de la vérité : plus on cherche la vérité, plus on se rapproche de Dieu, que l’on en soit conscient ou non.
Jésus est la réponse chrétienne lui qui a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jean14,6).
Il faut pousser les gens à chercher la vérité et à progresser dans la vérité, car un jour ou l’autre ils rencontreront le Christ selon sa promesse : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jean 8,32).

 

 

Date de dernière mise à jour : 2017-09-27 09:43:38

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