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LA CONNAISSANCE année 2024-2025

La Connaissance

 

 

 

                                                                                      La connaissance

                                      Cours de Henri Porte, Docteur en Philosophie

                                                     rédigé par Solange de Villenaut 

 

 

 

                                   Premier chapitre

 

                      I/   La connaissance selon notre expérience

 

      1-   La connaissance telles que nous en avonsl'expérience et ses bases rationnelles

La connaissance est un des phénomènes les plus habituels de notre expérience quotidienne. Dès le début de notre vie, nous connaissons: déjà le bébé dans le seiun de sa mère commence à connaitre puisque dès sa naissance il est capable de reconnaitre la voix de sa mère ou son odeur. Or pour connaitre il faut déjà avoir connu.

Au fur et à mesurequ'il grandit, le petit enfant manifeste de plus en plus son appétit et sa capaciité de connaissance, et prouve qu'il connait réellement quantiité de choses.

Quant à  nous, notre expérience quotidienne montre que lorsque ,nous sommes éveillés nous sommes le plus souvent en train de connaitre, ou en tréain d'utiliser des connaaissances déjà acquises.


                                                                                           

                                               La connaissance fait donc partie de notre vie habituelle, c'est un e évidence

 

 

La connaissance n'est cependant pas réservée à l'Homme, les animaux eux aussi connaissent et reconnaissent. Pas tout à fait de la même façon que l'Homme bien sûr, mais chacun d'une manière propre à son espèce. En effet, l'huitre ou l'escargot ne connaissent pas comme l'aigle, le chat, le chien ou le cheval, mais ils connaissent réellement, c'est l'évidence même.

Si maintenant, nous observons l'ensemble de la réalitéqui nous entoure, nous constatons que tous les êtres ne sont pas doués de connaissance. Les êtres inanimés du règne minéral ne manifestent aucune activité de connaissance pas plus d'ailleurs que les végétaux, qui eux, sont pourtant vivants. La faculté de connaitre n'appartient donc qu'à certaines catégories bien déterminées d'êtres vivants: les animaux et les humains.

Cependant certaines personnes n'en sont pas convaicues et disent qu'après tout on ne sait pas si le caillou ou le brin d'herbe ne sont pas doué de connaissance et même de pensée. La Philosophie qui est l'art de raisonner avec rigueur, précision et vé&rité, ne peut accepter de telles affirmations. Avec Aristote elle répondra que "chacun agit selon ce qu'il est", ce qui veut dire que , si un être est doué de connaissance ou de pensée, il doit le manifester ou l'avoir manifesté, alors seulement on pourra valablement affirmer queil connait réellement ou qu'il pense. Si on n'a pads la preuve d'une telle activité, dire que le caillou ou l'herbe connaît, est une affirmation gratuite, une pétition de principe, ou relève de la pure imagination et du conte de fée.

 

                                         Supposer n'est pas dire ce qui est, c'est proposer une hypothèsequi doit être prouvée

 

    2-  La connaissance: phénomène fondamental

 

        Pour l'animal comme pour l'homme la connaissance la connaissance est un phénomène de la plus haute importance car elle constitue la base et la condition indispensable de la vie.

-Pour l'animal :  selon son espèce,  il lui est indipensable de connaître les dangers qui le guettent et ce qui leui est favorable: abri, nourriture, comportements divers, etc., sa survie en dépend.

-Pour l'Homme: comme pour l'animal, il doit apprendre à connaître ce qui est nuisible ou favorable à son existence.

 Mais pour lui, la connaissance a un intérêt beaucoup plus large que la simple survie, c'est toute sa vie, tant physique que mentale et même spirituelle, qui en dépendet repose sur elle. En effet, pour penser il faut connaitre, car on ne pense pas rien, on pense quelque chose que l'on connait. Pour parler il faut connaître les mots, les sons et leur signification, ainsi que les réalités désignées. Pour faire ou fabriquer quelque chose, il faut connaitre ce que l'on veut faire et les moyens nécessaires pour y parvenir. Pour désirer et vouloir, ol faut connaître ce que l'on veut, on ne désire pas rien, on ne veut pas rien, on désire ou on veut toujhpours quelque chose de connu. Pour résister ou fuir un danger ou un mal il faut connaître ce qui menace, on ne résiste pas à rien mais à quelque chose de connu, on ne fuit pas rien mais un mal connu. Pour aimer, enfin, il faut connaître, on n'aime pas ce que l'on ne connaît pas, mais quelque chose ou quelqu'un qu'on connaît.

 

                                     La connaissance est donc la base et la condition d'abord de notre survie

                                             et ensuite de toute notre activité physique, mentale et spirituelle.

 

Pour le prouver, il suffit de constater comme il est difficiled'éduquer et d'éveiller l'intelligence d'un enfantqui a des difficultés à connaîtreparce qu'un ou plusieurs de ses sens ou de ses capacités nerveusessont deficients. Si le le handicap sensoriel ou nerveuxest important, il pourra laisser croire que l'intelligence est atteinte, alors que c'est la grande difficulté à connaître qui est en cause d'un retard qui peut être important. On costate la même chose chez les personnes victimes d'un accident cérébral atteignant leur faculté de connaître. On peut penser qu'elles n'ont plus qu'une vie végétatives, alors qu'elles n'ont plus une claire perception de leur environnement et qu'elles ont en plus de la difficulté à exprimeer ce qu'elles arrivent à connaîte malgré tout.

 

                                                            L'intelligence pour se développer et agir dépend don c de la facuté de connaîte

 

 

3- La connaissance: phénomlène paradoxal, unio et dualité

 

          Qu'est ce que connaître ?

Avant d'examiner les nombreuses théories philosophiques de la connaissance, essayons par nous mêmes, en analysant note expérience la plus courante et en utilisant notre sens commun(1) de décrire le plus simplement possible  ce phénomène de la caonnaissance. Nous pourrons ainsi en dégager des élelments principaux et évidents, ce qui nous permettra par la suite de voir comment la diverses doctrines philosophiques respectent ce données et les expliquent. Nous aurons ainsi un moyen sû d'appréciation et de vérification de ces dites dooctrines.  (1)Retenons pour le moment que le sens commun c'est l'intelligence spontanée-commune à tous les Hommes et qui, en fait, distingue l'Homme de l'animal. Le sens commun n'est pas le bon sens. Il est ce sens de l'invisible réalité cachée derrière les apparences sensibles; ou si l'on préfère, ce sens de l'écart  qui existe entre ce qu'ion voit, ce qui nous apparait et ce qui est

 

1° Constation: La connaissance implique deux acteurs le sujet et l'objet.

Il y a connaisance lorsque qquelqu'un connaît quelque chose. Ainsi Pierre connaît sa mère, Sophie sa maison, Louis son crayon et Lucas son chien. Dans tous les cas il ya :

  - Celui qui connaît, c'est le sujet ou le connaissant

  - Celui qui est connu, c'est l'objet ou le connaissable.

(Lobjet peut être un humain, un animal ou une chose)

 

la connaissance nécessite toujours la présence de deux acteurs: le sujet et l'objet. (Nous ne prenons pas en compte ici le cas de la connaissance de soi ou conscience, qui est un cas particulier de comnnaissance qui seera étudié plus loin)  Cette précision peut paraitre simplisteet sans intérêt, tant elle semble évidente, elle est pourtant nécessaire car nous verrons plus loin que certains philosophes omettentou supprimentcarrément soit le sujet soit l'objet.

2° constation: parla connaissance une relation s'établit entre les deux acteurs.

Avant de se connaître, les deux acteurs: le sujet et l'objet, étaient sans relations, étrangers l'un à l'autre, du fait de la connaissance, un lien, une relation s'établit entre eux? Et cette relation n'est pas purement passive ou subie, c'est une relation où chacun des acteurs eest réellement actif.

On sonne à ma porte, j'ouvre et me trouve face à un visiteur inconnu. Nous faisons connaissance. Avant son arrivéée, je ne l'avais jamais rencontré, nous étions totalement étrangers l'un à l'autre. Maintenant nous faisons connaissance, une relation réelle s'établit.Elle est due, d'une part à mon action: le fait d'être là et de me manifester à lui par tout ce que je suis, voix, attitude, caractéristiques physiques, et d'autre part et réciproquement, elle est due aussi à son action c'est à dire la fait d'être là et de se manifeter à moi de la même façon.

         Le sens commun sent l'existence de cette relation et essaye de l'exprimer par des expressions et des comparaison imagées et courantes.

-Comparaison de contact: on dit: "toucher du doigt" pour montrer que l'on connait directement. d'une question connue, on dit qu'on la "domine".

-Comparaison des possessions: Com-prendre ne veut aps dire autre chose que prendre avec soi et garder. Lorsqu'un esprit connaît tous les aspects d'un problème on dit qu'il "embrasse" la question, qu'il la "possède", Inversement, d'une chose qui ne vient pas à l'esprit, que l'on ne sait pas, on ditqu'elle nous "échappe"

-Comparaison de nourriture, de digestion: D'un texte bien compris, on dit qu'il a été "digéré". On "dévore" un roman, on se "nourrit" de la Bible, on parle d'un crâne "bourré", d'un texte "indigeste"

Toutes ces métaphores essaient d'exprimer cette relation active qui se produit entre le connaissant et le connaissable.

 

        Le Sens commun   se rend compte égalent que la condition préalable à toute connaissance est une certaine ouverture à l'égard du connaissable. On parle ainsi d'un "esprit ouvert", d'un "esprit large", ou inversement, d'un esprit "borné", d'un esprit "fermé", etc.

       Le Sens commun se rend compte que le résultat de cette relation active est l'entrée du connaissant dans le connaissable. On parle de la "pénétration d'un esprit"

        Le Sens commun se rend compte que le resultat de cette relation est aussi l'irruption du connaissable dans le connaissant. On dit d'un texte appris qu'il est bien "entré",d'un penseur, d'un  conférencier qu'il est "plein" de sion sujet, etc..

 

Le langage spontané, sans cesse repensé et utilisépar chacun de nous, exprime ainsi spontanément le fait de la connaissance, sans y ajouter une interprétation discutable. Certes ces expressions sont des métaphores,  mais elles révèlent le fond des choses. Et c'est le rôle de la philosophie que de découvrir à travers ces formules du sens commun  les intuitions qu'elles expriment.

 

4 - Les données du problème philosophique de la cponnaissance avant toute théorie.

             

          Essayons maintenant d'exposer clairement les faits essentiels, ainsi repérés, pour comùprendre les problèmes philosophiques qui se posent.

                     La première chose qui ressort de nos onbservationsc'est que la connaissance est:

- un processus , (en philosophie on dit un devenir)

- qui réalise une union du connaissant et du connu

-tout en respectant leur dualité.

 

                        La connaissance est ujn processus, c'est à dire qu'elle quelque chose qui se déroule dans le temps. Il y a un avant de la connaissance proprement dite: ainsi si je reprend l'exemple du visiteur inconnu qui sonne à ma porte,avant de me trouver en sa présence je ne le connaissais pas, nous étions étrangers l'un à l'autre, sans qu'aucun lien ne nous unisse: il était lui, j'étais moi tout simplement. Il y a le moment de la connaissance: c'est le passage pour moi de l'état d'ignorant à celui de connaissant et pour mon visiteur de l'état d'inconnu à celui de connu. C'est là que nous avons fait connaissance et qu'une union s'est établie entre nous. Il y a enfin l'après de la connaissance:  je connais l'autre, c'est un fait qui demeure et qui, d'une manière ou d'une autre, nous modifie l'un et l'autre plus ou moins profondément. (dans la suite de nos recherches nous devrons faire attention à ne pas confondre le phénomène proprement dit de la connaissance, c'est à dire ce passage de l'ignorance à mla connaissance avec ce qui le précède et le suit.)

                     La connaissance réalise une union entre ses deux acteurs.  A première vue, une telle affirmation peut étonner. Comment parler d'union alors aue mon visiteur et moinous restons évidemment physiquement indépendant l'un de l'autre, et que notre rencontre peut n'avoir duré que quelques instants pour ne jamais se renouveler ? C'est ici que les petites phrases du sens commun vont nous éclairer. Nous avons noté que lq connaissance  semblait produire comme un contact, une possession, une irruption de l'un dans l'autre. On a digéré, on a touché, on a pénétré , on est plein  de... Et force est de constater que ces intuitions spontanées correspondent à queqlue chose de bien réel dont nous avons tous l'expérience.  En effet la connaissanc enous fait , d'une part,réellement entrer en contact avec ce que nous connaissonset, d'autre part, elle crée un lien subtil mais bien réerl entre celui qui connait et de queil connaît. L'autre, mon visiteur, par exemple, ou la rose que je connais, parce qu'on vient de me l'offrir, sont bien entrés en moi d'une certaine façon, et même absents ils demeurent en moi. Une heure, huit jours, un mois, ou des années après les avoir connus, je peux faire ressurgir  leur image en moi;$, je peux penser à eux, me souvenir de la conversation, de la voix, de l'allure de mon visiteur, oue de la couleur et de  l'odeur de la rose. c'est bien la preu ve que d'une certaine façon (qui reste à définir) le fait de laes connaître les a fait entrer en moi et y demeurer. En quelque sorte, on peut dire qu'ils font désormais partie de moi, que d'une certaine manière, ils sont devenus moi, et que je suis devenu eux.

     On cconstate aussi que la connaissance réalise  une union d'un genre particulier entre ses deux acteurs, elle produit aussi en eux un changement. ici encore, l'expérience quotidienne le prove: le fait de connaître quelqu'un ou quelque chose me change, m'enrichit, ce que je ne connaissais pas je le connais, ce que j'ignorais je le sais. Et c'est tellement vrai, qu'ensuite je vais pouvoir utiliser à mon gré toutes les connaissances accumulées au fil des jours et des années. Elles font partie de moi, elles m'ont changé, elles ont enrichi "le trésor de mon esprit". Si je suis changé, celui que je connais Homme ou animal l'est évidemment aussi. Mais la chose que j'ai connue, la rose, par exemple, comment peut on dire qu'elle soit changée, puis qu'elle ne pense pas? On peut néanmoins affirmer qu'elle est réellement changée, simp^lement par le fait que pour moi elle n'est plus un objet anonyme. Si elle disparait, si elle est détruite, elle continue d'exister dans ma pensée, dans mon souvenir, elle n'est pas totalement ané&antie, le fait d'avoir été connue lui donne une surexistence cetrtaine. Elle n'existe plus simplement en elle même, mais elle existe encore d'une certaine façon  en celui qui le connaît.

La connaissance respecte la dualité de ses deux acteurs. Si l'union qui s'établit du fait de la connaissance est réelle, comme on vient de le démontrer, il est non moins vrai que chacun des deux acteurs garde son identité propre et son indépendance. La connaissance n'a pas réalisé une fusion ou un unification, elle respecte la dualité, chacun demeure ce qu'il est en lui-même, chacun conserve son identité propre et son indépendance à l'égard de l' autre. 


5 — Le problème philosophique tel qu'il se pose 


De tout ce que nous venons de dire il ressort que :

- La -corinaissatice est un devenir qui fait que ses deux acteurs deviennent un

- Cette unité réalisée respecte pourtant la dualité et l'indépendance de chacun. 


                                           Comment expliquer cette unité dans la dualité ?

                                 C'est tout le problème philosophique de la connaissance. 


II - LES BASES RATIONNELLES DE LA CONNAISSANCE 


1— Le sens commun 


Avant de pousser plus loin l'étude des théories philosophiques de la connaissance, il faut comprendre quelles sont les bases rationnelles de la connaissance et de la pensée en général. Tout le monde ne fait pas de la philosophie ou des études scientifiques, et même bien des civilisations se sont construites en les ignorant ou avant de les avoir développées, et pourtant les hommes ont toujours pensé, créé, inventé, jugé, discuté. Comment cela a-t-il été possible ? 


Avant de connaître les choses de façon scientifique et certaine, dès leur naissance et de tout temps, les humains ont observé et compris le monde de façon quasi immédiate, grâce à l'activité spontanée de leur intelligence naturelle, enrichie des leçons de l'expérience, et des traditions. Les connaissances et les principes ainsi acquis s t vu_ en quelque sorte; des connaissances imparfaites, incomplètes, et préscientifiques qui relèvent souvent de l'opinion.
(L'opinion n'est pas la vérité, c'est un jugement fondé sur la croyance ou l'avis d'autres personnes  ou du plus frand nombre, qui n'est pas justifié rationnellement; Dans le langage courant c'est le "on dit que.." ou encore "tout le monde pense"). Cette activité spontanée de l'intelligence, c'est ce qu'on appelle en philosophie le sens commun ou connaissance vulgaire, qu'il ne faut pas confondre avec le bon sens. « Le sens commua est une qualité commune à tous les horrunes„ égale chez tous et à peu près invariable. C'est dire qu'il n'y a pas évolution de l'intelligence de l'homme primitif à l'homme contemporain, ni d'ailleurs chez l'individu. Ce qui « évolue », c'est le nombre des connaissances retenues par une société ou un individu, sur lesquelles opère l'intelligence. Ce qui progresse ou régresse, donc évolue, ce sont ces données et non l'intelligence. (...) Quant au bon sens, c'est une qualité de degrés différents selon les personnes, car il est l'aptitude à bien juger des cas particuliers. 


Le sens commun, c'est l'intelligence spontanée et naturelle qui voit ce qui, au delà des apparences, est réellement. Ou si l'on veut, ce sens de l'écart qui existe entre ce que l'on voit et ce qui est. Il est commun à tous les hommes : il fait que l'homme est homme, c'est à dire un « animal raisonnable », selon l'expression d'Aristote. Le sens commun n'est autre que ce don d'intelligence propre à cet « animal raisonnable » qu'est l'homme : mais ce don à l'état brut, premier. Il est l'intelligence avec son caractère même, qui est d'être vivante relation au réel, à l'être — à ce qui est. (...) 


Car l'être est l'objet propre de l'intelligence, en effet on ne pense pas rien on pense ce qui est, on ne connaît pas rien, on connaît ce qui est. L'intelligence, même non cultivée, voit dans le réel, dans ce qui est, ces vérités premières et fondamentales que sont les nrini,inac rationnels, tels nue. le ririticinp efirlpritifA nrincinp cala. etc. (HP) 


Ces principes constituent des certitudes absolues et inébranlables, reconnues et admises spontanément par tous. Et ce qu'il est important de comprendre, c'est que les principes rationnels constituent les lois du monde et de la réalité dans lesquels nous vivons. L'intelligence humaine saisit spontanément et de façon quasi intuitive ces lois, elle les observe journellement et elle comprend que tout ce qui l'entoure fonctionne ainsi. On pourrait dire que les principes rationnels sont les « la règle du jeu » du monde, du réel, de ce qui est


Ayant ainsi compris que le réel fonctionne selon des principes et des lois, l'intelligence fait de ces principes et de ces lois de la réalité, les principes et les lois de sa propre pensée. C'est ainsi qu'elle peut comprendre le monde, y vivre au mieux, l'aménager, le transformer. C'est ainsi, aussi, qu'elle peut comprendre et communiquer avec les autres hommes soumis aux mêmes lois. 


                                               Les principes rationnels sont donc à la foi les lois du réel et de la raison.

                              Ils sont évidents par eux-mêmes et constituent des certitudes communes à toute l'humanité. 


« C'est parce que ces principes sont communs au réel et à la raison que la vérité se définit comme : l'adéquation (égalité) de l'intelligence avec la chose. » (Aristote) Autrement dit, je suis dans la vérité lorsque ce que je dis ou ce que je pense est conforme à ce qui est. La parole ou logique* doivent se fonder sur ce qui est (l'ontologique*) pour dire le vrai — la verité. 


C'est parce que ces principes sont communs au reel et a la pensee, que le sens commun non seulement pose les grands problemes philosophiques, mais aussi y repond de maniere spontanee. C'est ainsi par exemple, que le sens commun affirme l'ordre et affirme qu'il n'y a pas de hasard, que la nature n'agit jamais en vain, que toutes choses ont une cause ou une raison qui en determine l'existence et la valeur meme si cette raison lui echappe et le &passe et qu'elle demeure un mystere. Tout mystere qu'il soit, it en pose cependant l'existence necessaire, et c'est ainsi qu'il affirme l'existence necessaire d'un Etre Supreme, cause premiere de toutes choses que l'on appelle Dieu. 


Cependant les verites premieres que pose le sens commun sont en lui eparses. L'intelfigence spontanee est impuissante a determiner leurs rapports, a les classer et a les subordonner en un corps de doctrine, et a justifier sa propre certitude. Cet ultime travail appartient a l' intelligence reflechie, c'est a dire a la philosophic. Celle-ci, en effet, n' est autre qu'une reflexion savante sur les verites fondamentales proposees par le sens commun. » (HP) 


2 — Analyse sommaire des principes rationnels 


« Ce sont des verites fondamentales, parce qu'elles fondent toutes les autres verites. Ainsi, par exemple, les- affirmations les plus ordinaires- et les plus evidentes supposent le principe d'identite ou de contradiction : comment affirmer que la porte est fermée si la parte à la fois peut être fermée et ouverte ? Toute reflexion sur la cause d'un evenement ou sur les effets possibles d'un phenomene se fonde sur le principe de raison suffisante (raison d'être) : si nous ignorions que tout a sa raison suffisante, sa raison d'être, nous ne chercherions pas a comprendre et a prevoir ; nous resterions dans une absolue inertie de l'esprit. » (HP) 


Parmi les principes rationnels, tous ne se placent pas sur le meme rang, l'un deux : le principe de non contradiction ou d'identité est premier, tous les autres en dependent et se ramenent a lui quand on les analyse. Ce principe est le suivant : Il est impossible que la meme chose soit ou ne soit pas, et dit Saint Thomas : « C'est le premier principe de la demonstration, le principe des principes, lui-meme indemontrable, mais sans lequel on ne peut rien demontrer. 


Classification des principes rationnels : 


* Principe de contradiction (on dit aussi de non contradiction) it ne taut pas le confondre avec la contradiction, laquelle est une pure negation et non un principe. Il s'enonce :Une chose ne peut a la fois et sous le meme rapport etre et n'etre pas. Une porte ne peut a la fois etre ouverte et fermee. Un homme ne peut a la fois etre present et absent. 
* Principe d'identite : il s'énonce : Ce qui est, est necessairement ce qu'il est — ninon Il ne serait pas ce qu'il est et done ne serait pas. C'est ainsi que l'on dit : un chat est un chat, un chien est un chien. (Le principe d'identit" est la forme positive du principe de non contradiction, en réalité ces deux principes n'en font qu'un) 
* Principe du tiers exclus s'enonce une chose est ou n'est pas, il n'y a pas de milieu  c'est a dire de troisieme hypothese. C'est ainsi que l'on dit : de deux choses l' une. (Ce principe est in developpement du principe de contradiction

Deux importantes utilisations du principe d'identité sont : 


- Le syllogisme qui. affirme « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme donc Socrate est mortel », utilise le principe d'identité : en effet, si Socrate est un homme il possède en lui tout ce qui est propre à l'homme donc, le fait d'être mortel.

- La démonstration mathématique s'appuie sur ce principe lorsqu'elle énonce, par exemple que : deux choses égales à une même troisième sont égales entre elles. On appelle ces principes premiers des mathématiques des axiomes. 


* Principe de raison suffisante, il se formule : tout a sa raison suffisante — tout a sa raison d'être. Ce principe n'est qu'un développement du principe d'identité « l'être est ce qu'il est », ce qui veut dire que tout être possède en lui tout ce qui lui est nécessaire pour être ce qu'il est C'est pourquoi on l'appelle aussi le « principe d'universelle intelligibilité, qui s'énonce alors : « tout est intelligible, tout est rationnel, tout est explicable » - non pas évidemment pour l'homme, mais en soi. Tout est intelligible, donc explicable, pour l'être qui connaîtrait l'essence de toutes choses. Comprendre, en effet, c'est voir la raison des choses, et expliquer, c'est la faire voir
.( Différence entre- raison et. cause . lâ cause est un principe d'existence -de l'ordre de l'activité., ainsi tout ce qui commence, tout ce qui advient a une cause. La raison est de l'ordre de l'intelligibilité (ce que l'intelligence peut comprendre). Ainsi l'arrêt de la voiture a une cause : la crevaison, mais n'a pas de raison. La raison n'existe que dans l'intelligence du chauffeur ou du réparateur qui comprend pourquoi la voiture s'est arrêtée. )      

* Principe de causalité (efficiente) Il se formule : tout changement a une cause ou tout ce qui commence a une cause. (Ce qui ne commence pas, ce qui n'a pas de commencement, Dieu, à une raison suffisante, mais n'a pas de cause.) Le principe de causalité dérive du principe de raison suffisante : si tout a sa raison suffisante, il faut donner les raisons du changement du devenir. Et si dans des circonstances identiques, les mêmes causes produisent un i-ff-t. rsett,. Aiffér-ince n'aurait pas circonstances raison viii fi santé. 


* Principe de finalité : Tout a une fin (un but). Si on supprime la fin, le but : plus rien ne se fait, car nous agissons toujours en vue de quelque chose, et la nature, elle non plus, ne fait rien en vain. Si on supprime le but du devenir, du changement, du mouvement, de l'action, il n'y aura plus ni devenir, ni changement, ni action, donc plus de cause non plus à l'origine de ces phénomènes. 


* Principe de substance : Tout accident* , c'est à dire, tout phénomène, toute manière d'être qui arrive, arrive à une substance*, c'est à dire à quelque chose qui existe et qui en est le sujet.

C'est Aristote qui a précisé le plus complètement les notions de substance et d'accident. 


La substance désigne tout être qui existe par lui-même ; ce qui ne veut pas dire qu'il soit sans cause ni ne dépende de rien et de personne, mais tout simplement qu'il existe de façon autonome. Par exemple un caillou, une plante, un animal ou un homme sont des substances.

L'accident désigne tout ce qui arrive et s'ajoute à une substance. L'accident est une manière d'être de la substance. La substance a donc une existence autonome, alors que l'accident n'existe qu'en s'ajoutant à la substance. Il n'existe donc que par elle et il lui est tout relatif, il n'a pas d'existence autonome. 


« Dans cette. relation substance-accident, la substance est cc qui est par soi, donc a sa raison d'être en elle-même, l'accident ce qui est par un autre. » (HP) 

Pour mieux nous faire comprendre, Aristote donne l'exemple de Socrate qui est un homme, donc qui a une existence autonome, donc qui est une substance. Socrate comme toute substance peut avoir neuf manières d'êtres ou accidents, qui sont :

- la quantité : il a une certaine grandeur

- la qualité : il est de race blanche

- la relation : il est plus petit que Phédon

- le lieu : il se trouve sur l'Agora

- le temps : il a 70 ans

- la position : il est debout

- l'état : il est armé

- l'action : il marche

- la passion : il est malade 


Ainsi, on voit bien que la taille de Socrate n'existe pas en elle-même, elle n'existe que parce qu'elle est la taille de quelqu'un, de cet homme-là Socrate, elle n'existe que par lui, grâce à lui, en relation avec lui. C'est la même chose pour son âge, sa position, ou son action, et tous les autres accidents possibles. Dix, vingt, ou soixante dix ans n'ont pas d'existence propre, ils sont toujours l'âge de quelqu'un. La position assise ou debout n'existe pas en elle-même, c'est toujours quelqu'un qui est assis ou debout. La marche, la maladie ne sont pas des substances en soi, mais toujours la marche de quelqu'un ou la maladie de Socrate. « Plus généralement il n'est pas de rouge ou de vert, de chaud ou de froid, de dureté ou de mollesse, de grandeur ou de petitesse, de rapidité ou de lenteur, de rien, mais bien de quelque chose, et c'est ce quelque chose qui est sujet de ces accidents. ("Pst la suhsfn,-.e qui en est le sujet, en qui arrive » (BP) 


3 — Importance des principes rationnels 


« Si nous nous sommes permis d'aborder succinctement les principes rationnels et de montrer qu'étant les lois de la rationalité des choses ils sont aussi les lois de la raison, c'est parce que depuis Descartes on nie qu'ils soient tels, c'est à dire communs au réel et à la pensée, et même qu'on les nie totalement ou en partie » (HP) 


« Pourtant le sens commun a le droit et le devoir de résister à toute doctrine philosophique qui nierait quelques unes des vérités dont il a la certitude naturelle, comme l'inférieur a le droit et le devoir de résister au supérieur qui agirait d'une manière évidemment insensée. (...) Ainsi, on raconte que Diogène devant qui Zénon d'Elée développait ses arguments contre la possibilité du mouvement, se contenta pour toute réponse de se lever et de marcher. De même à Descartes, qui soutenait que le mouvement est relatif ou « réciproque », en sorte qu'il est indifférent de dire que le mobile se meut vers le but ou le but vers le mobile, le philosophe anglais Henry More répondait que lorsqu'un homme court vers un but en s'essoufflant et se fatigant, il sait bien qui du mobile ou du but est réellement en mouvement. Ces protestations du sens commun fondées sur l'évidence étaient parfaitement justes. (...) On voit par là combien déraisonnable est la philosophie qui sous prétexte- de- connaître scientifiquement les choses, méprise à priori el systématiquement le sens commun, et brise avec ses certitudes naturelles. Descartes (qui sous d'autres rapports, et dans sa conception même de la science, donne trop au sens commun) a commencé cette oeuvre de séparation, d'une part en admettant comme certitudes valables que des certitudes scientifiques, et en niant par conséquent la valeur intrinsèque des certitudes du sens commim d'autre part en professant dans sa philosophie plusieurs thèses incompatibles avec ces mêmes certitudes. (Par exemple dire que parce que nos sens nous trompent quelquefois nous ne devons jamais leur faire confiance) Son disciple Malebranche, et surtout les philosophes criticistes* issus de Kant, puis certains philosophes « modernistes » ont porté cette tendance à son dernier excès : à la fin pour certains de ces philosophes il suffit qu'une proposition soit conforme au sens commun pour qu'elle soit suspectée ou niée par la science qui serait souillée par la « naïveté » du vulgaire si elle n'affirmait pas le contraire de ce que tous les hommes tiennent pour vrai. 


« Remarquons pourtant que plus l'intelligence d'un homme est naturellement forte, plus ses convictions naturelles doivent l'être aussi. En sorte que faire profession de mépris pour le sens commun est signe non de force mais de débilité intellectuelle. (...) 


« On voit aussi par tout ce qui vient d'être dit quel râle important doivent jouer les certitudes du sens commun dans l'initiation à la philosophie. Ceux qui commencent les études philosophiques, et qui vont entrer en contact avec les problèmes les plus nouveaux et les systèmes parfois les plus déroutants, doivent s'appuyer avec une confiance absolue sur les certitudes du sens commun qu'ils trouvent en eux déjà présentes, et qui les aideront à passer à une connaissance supérieure et plus parfaite, et aux certitudes de la science elle-même. » (Jacques Maritain.Jntroduction générale à la philosophie) 


4 — Les conceptions teaditionnefies de la nature hurhaine 


                               « Si nous nous sommes permis d'aborder succinctement les principes rationnels et de montrer qu'étant constitutifs de la rationalité des choses, ils sont par là constitutifs de la raison humaine, ou si l'on préfère qu'étant les lois de la rationalité des 'choses ,ils sont par là même les lois de la raison, c'est parce que depuis Descartes on ,nie queils sooient communs au réel et à la pensée et même qu'on les nie tout ou en partie.


                                Descartes affirme que l'homme est une association de deux substances hétérogènes se suffisant chacune à elle-même : une substance matérielle, le corps, et une substance spirituelle, 1 'âme ou, comme il l'appelle, la pensée ou la conscience. 


                               Affirmer un tel dualisme anthropologique conduit à un dilemme absurde : quelle est la substance qui assume l'être de l'homme ? En raison des prémisses, il n'est que deux hypothèses possibles — c'est l'application du principe du tiers exclus : ou bien le corps et le corps seul, c'est l'homme, ou bien l'âme, et l'âme seule c'est l'homme. 


                              Au plan du problème de la connaissance, la conséquence est immédiate : tout passage de la connaissance sensible à la connaissance intellectuelle est inexplicable, et, en fait, nié. C'est à dire que connaissance sensible et connaissance intellectuelle ne peuvent être considérées que comme deux pouvoirs, deux réalités séparées et absolues, c'est à dire indépendantes l'une de l'autre, hétérogènes l'une à l'autre. 


                              Ce dualisme anthropologique va induire deux options contraires d'où jailliront nécessairement des philosophies, des idéologies, des systèmes qui s'opposent comme contradictoires ? Il n'y a pas d'autre origine à l'idéalisme et au subjectivisme, d'une part, et de l'autre à l' empirisme, ou au sensualisme, bref au matérialisme. 


                               Analysons les options que provoque ce dualisme anthropologique, affirmé par Descartes. » (HP) 


1 — L'Option l'âmpe et l'âme seule, c'est l'Homme


C'est celle de Platon et de Descartes. 

Platon, on l'a vu, affirme que l'âme immortelle, tombe dans le corps comme en un tombeau, et qu'elle peut ainsi revêtir successivement plusieurs corps humains ou animaux. Ce qui est important donc pour lui, ce n'est pas le corps qui n'est qu'un vêtement éphémère, et même une entrave et une déchéance pour l'âme, mais bien l'âme elle-même ; c'est elle qui par une vie bonne et vertueuse doit se dégager du corps pour retrouver les ailes qui lui permettront de rejoindre le monde divin et sa béatitude. 


Descartes : pour lui aussi, l'homme est essentiellement âme : « moi ou mon esprit », écrit-il. Ce qui fait l'homme c'est la pensée, c'est ce qu'exprime son fameux Cogito : «Je pense donc je suis ». Notons encore que, pour Descartes, la connaissance ne résulte que de la pensée et de ses idées innées, donc de l'activité de l'âme et non des sensations qui, elles proviennent du corps. 


« Une telle option revient à faire de l'homme un pur esprit — un ange, et â lui attribuer, le mode de connaître relatif à un pur esprit C'est dire que, comme pour un esprit pur, on nie en l'homme toute action du corps sur l'esprit ; et que le mode de connaître qu'on lui attribue est privé de lien avec l'expérience sensible. » (HP) C'est dire que le monde sensible est considéré ici comme strictement matériel. N'étant que matière, il est, comme tel, d'une autre nature que l'esprit.I1 ne peut y avoir alors, aucune action de l'un sur l'autre, donc le inonde sensible est impensable. Les sensations ne peuvent fournir des objets à la connaissance intellectuelle, et la pensée ne peut donc rien connaître par leur intermédiaire ; elle ne connaît donc qu'elle même, ou comme le dit Descartes que ses faits de conscience 


« Dès lors, si le monde réel est hors de prise fie l'esprit, de la conscience que je suis — comme le veut le Cogito de Descartes — il en résulte que les principes rationnels constitutifs de la raison et instruments de tous nos raisonnements, ne sont pas vus et abstraits par notre esprit de l'expérience sensible que nous avons du monde et du réel. En sorte que, si l'on admet cependant l'existence de ces principes comme lois de la raison, comme le veulent les rationalistes, il faut admettre, puisqu'ils ne sont pas tirés et abstraits par l'intelligence de l'expérience du monde, qu'ils sont innés — bref qu'ils appartiennent à la nature de notre esprit, de notre intelligence. Et c'est ce qu'affirment Descartes et ses disciples. 


                           D'où la conclusion : Les principes rationnels sont les lois de la raison, mais non les lois de la rationnalité des choses: ils ne sont pas communs au réel et à la raison" (HP)

Cependant les partisans de cette option — selon laquelle l'âme et l'âme seule c'est l'homme, ou comme l'on dit depuis Descartes, la conscience seule c'est 'homme- affirment « l'universelle intelligibilité du réel ». L'étudiant inattentif risque de ne pas comprendre : d'une part on affirme que le réel est impensable et d'autre part on dit qu'il est tout entier rationnel, donc compréhensible par l'intelligence. 


Pour comprendre, il faut se rappeler que pour Descartes et ses disciples, comme aussi pour Platon, et plus tard Saint Augustin, il n'y a pas que-, les prineim rationncls qui soient innés en nous, nos idées normatives (celles qui nous font concevoir les choses), ainsi que celles qui nous permettent de juger et de raisonner sur ces choses sont pareillement innées. Et, cela va de soi avec la doctrine : si le monde est impensable, nous avons cependant l'idée des choses qui le composent ; puisque ces idées ne peuvent nous venir du monde par les sensations, elles viennent obligatoirement de notre esprit; donc elles sont innées_ Descartes dit que c'est Dieu qui les a créées en nous en même temps qu'il nous a créés. Mais certains de ses successeurs rationalistes et idéalistes iront plus loin que lui et concluront que : le monde extérieur à notre pensée n'est que pure construction ou création de notre pensée à nous : il n'y a d'univers que l'univers créé dans la pensée par le jeu de la pensée même. 


Autrement dit : le monde extérieur à la pensée, le réel, n'est qu'une construction de notre esprit, réalisée à partir de nos principes rationnels innés, et de nos idées innées. D'où la formule de Descartes : il n'y a de réel dans le monde que ce que nous en concevons et tel que nous le concevons. Ce qui signifie que le monde extérieur à ma pensée n'a d'existence que de l'existence que ma pensée lui confère. Donc si le monde doit son existence à ma pensée, s'il provient d'elle, ou s'il est construit par elle, il est forcément rationnel et intelligible : il possède normalement l'intelligibilité que je luis confère en objectivant ma pensée : il est rationnel de ma rationalité. C'est pourquoi Hegel peut écrire en bon cartésien qu'il est : « Tout ce qui est réel est rationnel, et tout ce qui est rationnel est réel. » (...) 


On comprend qu'une telle doctrine séduise l'esprit scientifique et même l'esprit tout court, car ainsi on peut construire le monde à l'image de notre pensée, ce qui est le propre de la pensée pratique et fabricatrice ; on est tenté alors d'en faire un mode de pensée absolu, et même l'unique mode du penser humain. » (HP) 


Conclusion : « L'option qui pose que l'âme ou l'esprit constitue l'essentiel de la nature humaine et qui ne considère le corps que comme un revêtement accessoire donne, en ce qui concerne la connaissance, la priorité absolue à la pensée par rapport à l'objet, et affirme en même temps l'autonomie de la pensée humaine (et individuelle) par rapport, d'une part, au monde d'autre part à la Pensée créatrice, que rejette tout en conservant fallacieusement le mot Dieu 


En effet, lorsqu'on nie tout apport venant des sens en ce qui concerne la connaissance, le monde réel devient inconnaissable et impensable, et il apparaîtra aux successeurs de Descartes sans réalité concrète ; le monde que nous connaissons est alors celui que nous concevons, celui qui est le résultat de l'objectivation de nos idées innées, ou de la construction effectuée par notre pensée. 


Il en résulte que le monde concret, le monde réel n'existe pas ou qu'il n'existe que dans notre esprit, tel qu'il est pensé ou construit par lui. Il n'y a plus besoin, alors, de Créateur —donc Dieu n'existe pas. Ou s'il existe, il n'est lui aussi qu'une pure création de notre pensée. Bref, tout comme il n'y a d'univers que l'univers créé dans ma pensée, par le jeu de ma pensée même, il n'y a de Dieu que le Dieu créé dans ma pensée, par le jeu de ma pensée même. Tel est l'aboutissement logique de l'option selon laquelle l'âme et l'âme seule c'est l'homme. Et c'est à cela que l'on est parvenu depuis Kant. » (HP) 


2 — Option : Le corps, et le corps seul, c'est l'homme. 


« C'est celle des Encyclopédistes du XVIII° siècle. (La Mettrie, d'Holbach, Helvetius, Diderot, etc.) perpétuée par Cabanis, Karl. Vogt, Marx et Engels, Freud, Durkheim et leurs disciples. C'est l'option matérialiste. Puisque le corps et le corps seul, c'est l'homme, l'homme est donc « un être purement physique » - un pur animal, un animal social, à qui l'on ne reconnaît que la « vie mentale » d'un insecte social. Comme à l'animal, on ne lui attribue donc de connaissance que d'ordre sensible. C'est la négation en l'homme, de la connaissance et de la vie intellectuelle, puisque c'est nécessairement la négation de l'âme, de l'esprit et de ses pouvoirs_ Un an delà de la pure sensation n'existe pas. Bref on ne reconnaît à l'homme que le mode de connaître et le comportement de l'animal ; en sorte que la liberté qu'on lui attribue n'est autre que la liberté animale — la liberté du corps — bref le libre jeu de ses instincts. Enfin, comme l'animal, l'homme est forcément matérialiste et athée, puisqu'il est dépourvu de toute vie spirituelle et réduit à ses seules sensations. 


                                  Il en résulte que ce que nous appelons les principes rationnels n'existent pàs — pas plus d'ailleurs que n'existent les idées-essences des choses. En effet, si le corps et le corps seul, c'est l'homme, celui-ci ne possède ni âme, ni intelligence, ni raison, d'une part, et de l'autre, les principes rationnels et les idées générales universelles n'existent pas — ce ne sont là que des mots . Ce qu'on appelle la raison n'est qu'une mémoire-habitude, c'est à dire un « sens supérieur interne » de nature corporelle produit par le cerveau. En lui, s'accumule et s'imprime des associations d'images. Ce que nous appelons idées n'est « qu'une expérience qui se dépose dans le corps. » 


                                Ainsi, par exemple, l'idée de cause est une pseudo idée, car nous n'avons que l'expérience de coïncidences ou de succession, et non l'expérience de la causalité : la causalité est idée, c'est à dire quelque chose dont nous n'avons pas d'expérience sensible. Pour la philosophie classique issue d'Aristote et de Thomas d'Aquin, l'idée, en effet, est découverte par l'intelligence à partir de ce que nous connaissons de la réalité, grâce à nos sens ; elle est donc le résultat d'une abstraction à partir des objets ou des faits que nous connaissons. Ainsi, l'idée de causalité est abstraite à partir de la multitude des cas très différents où nous constatons que tout ce qui arrive, n'arrive pas de soi-même, mais résulte de quelque chose qui a provoqué cet évènement.La causalité, donc, en tant que principe ou idée générale, est évidement quelque chose que nos sens ne peuvent saisir, et dont nous n'avons aucune expérience concrète. 


                             « Ceux qui affirment que le corps et le corps seul c'est l'homme, disent que nous n'avons pas d'idées, au sens ainsi défini, mais seulement des images mentales. La succession répétée crée dans « le sens supérieur interne » une association entre des images sensibles qui se succèdent, et de cette association, écrit Humes, ( Hume David (1711-1776), philosophe empiriste et historien écossais.)  résulte une tendance incoercible à unir ensemble les évènements qui ont produit en nous des images mentales simultanées ou successives. Cette « tendance incoercible » c'est ce que nous appelons le principe de causalité ; mais comme, pour ce courant de pensée, il n'y a ni idées, ni principes rationnels, il ne s'agit que d'une « tendance habitude ». Cette explication donnée par les empiristes ou sensualistes, c'est à dire les matérialistes, vaut pour tous les principes rationnels dérivés du principe d'identité. 


Conclusion : l'option qui pose que le corps et le corps seul c'est l'homme, nie que les principes rationnels soient communs au réel et à la raison, et nie même leur existence. Soutenir que 1 'homme peut saisir la rationalité des choses par sa raison est un faux problème, puisque l'homme n'est qu'un animal dépourvu d'âme, d'intelligence et de raison. S'il en est ainsi, comment pourrait-il saisir l'intelligibilité du réel ? Tout est matière et seulement matière ! L'homme, comme l'animal, n'est lui aussi que matière, et ne connaît que grâce à ses sens, et à son cerveau. Pas plus que l'animal il ne conçoit ni ne raisonne : il imagine, c'est à dire qu'il ne fait qu'associer ou dissocier les images mentales imprimées en lui par la sensation. Sa raison n'est qu'une mémoire-habitude, « un sens supérieur interne ».C'est ainsi, qu'aujourd'hui, pour faire admettre cette option matérialiste et athée, l'on parle d'une « intelligence animale ». (HP) 


3 — Option : l'homme est un composé de corps et d'âme. Si les deux options précédentes résultent de la pensée de Descartes qui fait de l'homme une association de deux substances hétérogènes - l'âme et le corps, il existe une troisième option qui affirme que l'homme est un composé de corps et d'âme. C'est celle d'Aristote et de Thomas d'Aquin qui sont les seuls à rejeter et à réfuter le dualisme anthropologique. 


                          « Pour eux, l'homme n'est pas une association de substance, mais un composé, un mixte ontologique de corps et d'âme, de matière et d'esprit : l'homme est un, il est la substance homme. Il n'est ni un ange incarné, ni une bête arrivée : il est un degré d'être, « un tempérament d'âme et de corps », comme l'avait dit Saint Irénée. L'homme est de ce monde, il n'y est pas un étranger ni un naturalisé, il y est chez lui, bien que comme esprit il ait un autre chez soi. 


                           La doctrine du composé humain est la seule qui explique d'une manière satisfaisante la combinaison en l'homme de la connaissance sensible et de la connaissance intellectuelle. L'une n'est pas l'autre : l'image n'est pas l'idée. La première résulte du travail des sens sur les choses qui s'offrent à eux, la seconde résulte du travail de l'esprit sur les images mentales provenant de la connaissance sensible : c'est à l'idée ou concept qu'aboutit la connaissance, qui abstrait ou extrait l'idée incarnée dans les choses. 


                          Elle est la seule qui explique que les lois de la rationalité des choses deviennent aussi les lois de la raison : l'intelligence, là encore, les abstrait de l'expérience sensible. L'univers commence toujours ! C'est lui qui nous éveille à lui-même, et aussi, c'est lui, lorsque nous réfléchissons à nos actes de connaissance qui nous permet de nous connaître nous-mêmes. » (HP) Car, c'est lorsque nous avons connu quelque chose que nous sommes capables de savoir, d'abord : que par notre corps et nos sens nous sommes en relation mrnde, ensuite : nousavons une intelligence de penser l'universel, c'est à dire d'extraire des apparences sensibles, l'essence des choses sous forme de concept. 


                      « Elle seule encore, explique l'envahissement de l'âme par l'univers grâce à la connaissance, et l'action de l'âme sur l'univers. En effet, toute action est d'abord pensée (et pour penser quelque chose il faut d'abord le connaître), puis la pensée met en oeuvre le corps qui va agir sur les choses matérielles et ainsi les modifier. 


                       Elle seule enfin, interdit ce naufrage tragique de la pensée soit dans le rationalisme et l'idéalisme, soit dans l'empirisme ou sensualisme matérialiste, bref de sombrer dans l'option selon laquelle l'âme et l'âme seule c'est l'homme, ou dans l'option selon laquelle le corps et le corps seul c'est l'homme, à laquelle invite le dualisme anthropologique soutenu en nos temps modernes par Descartes. 


C'est à l'amorce de cette explication que ce premier cours sur la connaissance vous invite. » (HP) 

 

                                                                                                                                                                           *********************

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

Date de dernière mise à jour : 2024-11-16 16:49:03