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L'Islam en mal de créativité

PFV n°61 : L’islam en mal de créativité

Par Clarifier  9 février 2019

Pour compléter les Petites Feuilles vertes n° 58 et 59, dans lesquelles Annie Laurent présentait le rapport ambigu que l’islam entretient avec l’histoire, nous vous proposons ici d’en découvrir l’une des conséquences essentielles, à savoir ce qui fait obstacle à la créativité humaine et donc au progrès dans les sociétés qui se réclament de cette religion (PFV n° 61).

Elle sera suivie prochainement par les PFV n° 62 et 63, dans lesquelles seront abordés d’autres aspects de ce problème, à la lumière du passé et d’expériences plus récentes, puis les conditions nécessaires pour une vraie réforme de l’islam, seule à même d’ouvrir la raison à la liberté humaine.

Il s’agit là d’un sujet capital pour comprendre la situation actuelle du monde musulman.


UNE SITUATION PARADOXALE

En 1900, le nombre de musulmans dans le monde était évalué à 200 102 000 fidèles ; aujourd’hui, soit un peu plus d’un siècle plus tard, ils sont environ 1, 800 milliards, soit 24 % de la population mondiale qui approche 8 milliards de personnes. L’islam est désormais présent sur tous les continents.

Ce spectaculaire « bond en avant » démographique et spatial, survenu en si peu de temps, manifeste une vitalité qui s’exprime aussi par d’autres signes : renouveau de la pratique religieuse, retour à des traditions sociales tombées en désuétude au milieu du XXème siècle, une puissance d’attraction et une capacité de nuisance. Cet ensemble d’éléments est largement soutenu par les richesses résultant de l’exploitation de matières premières (pétrole et gaz) ; elles servent au financement de mosquées et d’écoles coraniques, à la rétribution des femmes pour le port du voile dans ses différentes formes, ainsi qu’à l’endoctrinement et au financement du djihad. L’islam est ainsi l’un des acteurs majeurs dans la géopolitique mondiale.

Certains musulmans voient dans ce dynamisme l’annonce du succès final de l’islam garanti par le Coran et la préférence d’Allah pour leur religion.

  • C’est Lui [Dieu] qui a envoyé son prophète avec la direction et la religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion, en dépit des polythéistes (9, 33).
  • Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes : vous ordonnez ce qui est convenable, vous interdisez ce qui est blâmable, vous croyez en Dieu (3, 110).

Et pourtant, « la quasi-totalité du monde musulman souffre du sous-développement et de la tyrannie », remarquait en 2003 l’orientaliste américain Bernard Lewis. Il étayait son affirmation sur le bilan résultant d’enquêtes menées sous l’égide d’institutions internationales : analphabétisme, indigence culturelle et économique, chômage massif des jeunes, violations des droits de l’homme, aliénation des femmes, censures, atteintes aux libertés publiques, partis uniques, etc., sont autant d’indices qui montrent le retard des sociétés islamiques par rapport à l’Occident et à l’Asie non musulmane (L’Islam en crise, Gallimard, p. 129-135).

Cette situation affecte surtout les pays arabes, centre géographique, historique et culturel de l’islam, dont la population est d’environ 300 millions de personnes. Selon un rapport publié en 2015 par la Ligue arabe, il y avait à cette date 54 millions d’analphabètes, dont une majorité de femmes, dans les 22 Etats membres de cette institution dont le siège est au Caire.

Des intellectuels musulmans admettent et déplorent cette réalité.

En 2004, Ahmed Zweil, savant égyptien émigré en Californie et prix Nobel de chimie 1999, dans une contribution au dossier « Arabes : sortir du marasme » publié par la revue Panoramiques, écrivait : « Où se situent-ils [les Arabes] sur la carte scientifique du XXIème siècle ? Cette région est riche en ressources humaines ; certains pays sont riches sur tous les plans. Cependant, l’ensemble des institutions scientifiques arabes réunies ne peut rivaliser avec une seule institution israélienne comme l’institut Wiseman. La population arabe […] n’a jamais créé une seule organisation scientifique de niveau international » (n° 66, éd. Corlet, p. 75-78).

Le politologue algérien Nour-Eddine Boukhrouh qualifie la situation actuelle de « civilisation naufragée ». Il observe « la perte du sens de l’orientation chez les musulmans, leur obstination à regarder derrière eux au lieu de droit devant, leur attitude méprisante envers les autres civilisations qu’ils croient vouées à l’enfer quoi qu’elles fassent ». Pour lui, les musulmans sont organisés « en système figé qui vit de la créativité des autres, en échange de leurs ressources naturelles » (Islam, la dernière chance, entretiens avec Saïd Branine, éd. Entrelacs, 2018, p. 124). Cela se vérifie dans les grandes universités islamiques, notamment El-Azhar, au Caire, institution ayant un grand rayonnement sur l’ensemble du monde sunnite (elle accueille environ 40 000 étudiants musulmans venant de nombreux pays), où « l’on apprend par cœur des ouvrages au contenu obsolète » (Id., p. 118).

Le contraste est accentué par les moyens de communication modernes qui renvoient aux musulmans l’image de sociétés non islamiques en progrès constant. Les sentiments de frustration qui en résultent étaient d’ailleurs l’une des causes initiales du déclenchement des révoltes arabes en 2011. Depuis lors, non seulement aucune amélioration ne s’est produite mais la plupart des Etats du Proche-Orient et du Maghreb continuent de subir les effets d’une gestion publique désastreuse quand ils ne sont pas touchés par des désordres et affrontements confessionnels ou tribaux, annonciateurs de la dislocation de cette région.

Le monde musulman est ainsi en état de réactivité et non de créativité.

AUX SOURCES DE LA STAGNATION

Le Coran incréé

Au IXème siècle, la nature « incréée » du Coran a été imposée par le calife Mutawakkil siégeant à Bagdad comme un dogme qui n’a jamais été remis en cause officiellement. Contrairement à la Bible, écrite par des auteurs inspirés, le Livre saint des musulmans est considéré par eux comme une dictée divine préexistant à l’histoire, laquelle n’a sur lui aucune influence (cf. PFV n° 58).

« Cette théorie a acquis, à travers le temps et parfois la terreur, le privilège de se présenter aux consciences comme une vérité absolue. Beaucoup de fatouas ont assimilé son déni à de la mécréance », rapporte Razika Adnani, philosophe algérienne (Islam : quel problème ? Les défis de la réforme, éd. UPblisher, 2017, p. 143).

Selon le grand-imam Ahmed El-Tayyeb, recteur d’El-Azhar, « la lecture historique ne peut s’accorder à l’esprit du Coran qui est un texte divin, absolu, valable pour tous les temps et tous les lieux. C’est ce qu’on appelle le miracle inimitable du Coran » (Le Temps, Genève, 22 janvier 2011).

Intangible et immuable, le Coran échappe à toute analyse critique. Lui appliquer un traitement exégétique comparable à celui qui est admis et même encouragé par l’Eglise pour la Bible, impliquant la recherche de sources humaines, historiques ou littéraires à travers l’archéologie, la philosophie ou la linguistique, s’apparente à l’apostasie. Comment analyser « la » langue divine ?

La connaissance, attribut exclusif d’Allah

Il est de même impossible de prétendre connaître Allah « l’inconnaissable », « l’inaccessible » (Coran 42, 4), dont le « mystère est incommunicable » (6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31), et de scruter son intention, ce qui revient aussi à apostasier. C’est pourquoi il n’y a pas de théologie en islam. Il y a simplement une doctrine descendue du Ciel et transmise aux hommes par Mahomet, le « sceau des prophètes » (Coran 33, 40), dont l’analphabétisme supposé garantit l’origine et l’intégrité.

Voici la conclusion qu’en tirait au siècle dernier un Marocain, ancien musulman converti au christianisme. « Dieu, par conséquent, est absolument inaccessible à la “saisie” humaine. Et en même temps, Il est omniscient, omniprésent et omni-agissant, au point que l’homme ne peut être dit “créateur” de quoi que ce soit, pas même de ses actions propres. “Créer” est un acte divin, exclusivement divin ; aucune créature ne peut participer à une telle efficience […]. Aussi les penseurs musulmans auront-ils une profonde répugnance à admettre une réelle causalité – même seconde – chez les créatures » (Jean-Mohamed Abdeljalil, Aspects intérieurs de l’Islam, éd. du Seuil, 1949, p. 53).

La connaissance et l’initiative dans l’action n’appartiennent qu’à Allah.

  • Il est celui qui entend et qui sait (54, 7).
  • Il est celui qui connaît ce qui est caché et ce qui est apparent. Il est le Grand, le Très-Haut (13, 9).

C’est d’ailleurs Allah qui enseigne au premier homme le nom de tous les êtres vivants qu’Il a créés. Adam ne les nomme pas lui-même, contrairement à ce que rapporte la Bible où Dieu lui laisse ce soin (Genèse 2, 18).

  • Il apprit à Adam le nom de tous les êtres (2, 31).
  • Dieu, tout est soumis à sa Puissance ; Il exerce sur ses serviteurs une domination absolue. Il est le Sage, l’Informé (6, 17-18).

Le Coran et la science

Simple « intendant » d’Allah, le musulman ne coopère pas avec le Créateur pour féconder la terre, toutes les découvertes scientifiques étant réputées avoir été prévues par le Coran.

Cette théorie, négligée depuis plus d’un siècle, jouit d’un regain de faveur dans l’Oumma (la communauté ou nation islamique), y compris dans certains milieux scientifiques, comme le montre l’universitaire tunisienne Faouzia-Farida Charfi, physicienne. « Aujourd’hui, on ne compte plus les articles sous toutes les formes traitant du caractère miraculeux du Coran et montrant qu’il contient les dernières avancées scientifiques telles que la physique nucléaire, l’envoi de fusées dans l’espace ou la théorie du Big Bang expliquant l’évolution de l’univers » (La Science voilée, éd. Odile Jacob, 2013, p. 87-89).

Cet auteur cite un professeur de mathématiques qui se base sur un verset coranique pour justifier ce concordisme.

  • Le tonnerre grondant célèbre ses louanges. Les anges saisis de sa crainte le glorifient. Il lance la foudre et en atteint qui Il veut. Et l’on ose encore disputer de la puissance de Dieu dont les ripostes sont terrifiantes ? (13, 13).

Des musulmans s’appuient sur certains versets pour affirmer que la terre est plate.

  • La terre ! Nous l’avons étendue (50, 7).
  • Et la terre ? Nous l’avons déployée comme un tapis, et nous l’avons parfaitement étendue (51, 48).
  • Dieu a établi pour vous la terre comme un tapis afin que vous suiviez des voies spacieuses (71, 19). Cf. aussi 78, 6 et 79, 30.

Pour le cheikh Abdoul Aziz Ibn Baaz, autorité suprême de l’islam en Arabie-Séoudite, « la terre est plate, et quiconque dit qu’elle est ronde est un athée et mérite d’être puni » (Cité par Jean-Jacques Walter, Les 2 Islams, éd. Télémaque, 2017, p. 146).

Des organismes officiels, spécialisés en chimie, physique, astronomie, mathématiques, biologie, médecine, géologie, se vouent même à ces démonstrations : le Conseil suprême pour les affaires islamiques (Egypte) ; la Commission internationale du miracle scientifique du Coran et de la Sunna (Tradition mahométane), basée à La Mecque. F.-F. Charfi observe à cet égard : « Un nombre non négligeable d’étudiants musulmans se laissent endoctriner par ces discours qui prolifèrent sur la Toile et à la télévision. C’est un des moyens utilisés pour calmer la frustration de la jeunesse, séduite par les applications de la science moderne dans le domaine de la communication, dont elle n’est que consommatrice ».

Pour cet auteur, tout cela éclaire « la raison de la fermeture du monde musulman à la science : elle n’est acceptée qu’à condition d’être intégrée à la religion, elle n’a pas de domaine autonome » (La Science voilée, op. cit., p. 112-118).

« “Allez jusqu’en Chine requérir la science des hadiths”, fait-on dire au Prophète, maxime que les modernes apologistes de l’islam ne cessent d’ânonner pour prouver l’ouverture de l’Oumma à l’égard de la technique occidentale », remarque le journaliste franco-algérien, Slimane Zéghidour (Le voile et la bannière, Hachette, 1990, p. 107). Mais, explique-t-il, outre que cette citation est réputée non authentique, le mot « science » ne se réfère ici qu’à la religion et en aucun cas aux matières profanes.

POUR CONCLURE

L’islamologue tunisien Mohamed ben Assur (mort en 1973), chercheur au CNRS, déçu par cet attachement au passé de ses jeunes compatriotes, écrivait : « Je suis affligé de constater que nos étudiants continuent de réfléchir comme des personnes du VIIIème siècle » (cité par Karim Ifrak, La réforme en islam, éd. Albouraq, 2018, p. 81).

A SUIVRE

Annie Laurent

 

 

 PFV 62  L’islam en mal de créativité (suite)

Par Clarifier  13 mars 2019

 

AUX SOURCES DE LA STAGNATION 

 

Outre la doctrine réservant à Allah la connaissance exclusive de toute chose, et donc de tout ce qui relève de la science (PFV n° 61), d’autres éléments tirés du Coran participent au blocage de la créativité au sein de l’Islam.

Allah est le seul agissant

  • Ayant « été créé faible » (4, 28) par volonté divine, l’homme ne peut pas être le créateur de ses propres actes. Dans les domaines de la connaissance et de l’action, le Coran ne retient que la cause première (Allah) et néglige toute cause seconde (l’être humain)
  • C’est Lui [Dieu] qui vous a créés, et tout ce que vous faites (96, 37).
  •  
  • Dieu, tout est soumis à Sa puissance ; Il exerce sur ses serviteurs une domination absolue. Il est le Sage, l’Informé (6, 17-18).

Le principe de l’impuissance humaine s’applique même dans le cadre du djihad où le musulman est amené à tuer les ennemis d’Allah.

  • Ce n’est pas vous qui les avez tués ; mais Dieu les a tués. Tu ne lançais pas toi-même les traits quand tu les lançais mais Dieu les lançait pour éprouver les croyants au moyen d’une belle épreuve venue de Lui (8, 17).

Bien que l’inventivité humaine ne soit pas encouragée, on peut être frappé à quel point celle-ci se manifeste dans ce domaine, surtout depuis le milieu du XXème siècle : les djihadistes imaginent des méthodes nouvelles qui leur sont propres : attentats-suicides, même par avion (cf. le 11 septembre 2001), voitures piégées, égorgements publics, éventrations, crucifixions, bûchers, etc.

Asservissement de l’homme

Le Coran ne laisse aucune autonomie au sujet humain, lequel ne dispose par conséquent ni de liberté ni de responsabilité personnelle. « Si Dieu est tout-puissant, personne d’autre ne saurait revendiquer une puissance créatrice. Le bonheur ou le malheur que Dieu veut à quelqu’un l’atteindront fatalement ; personne n’est capable de s’interposer » (Jacques Jomier, Dieu et l’homme dans le Coran, Cerf, 1996, p. 48). L’homme est même incapable par lui-même d’agir sur la nature, de faire croître les plantes, d’aménager l’espace, etc.

Dans la célèbre conférence, « L’islamisme et la science », qu’il donna à la Sorbonne le 29 mars 1883, l’académicien Ernest Renan cite la lettre qu’un cadi (juge) musulman de Mossoul (Irak) adressa à un voyageur français, M. Layard, qui désirait connaître les caractéristiques et le passé de l’antique Ninive. Il reçut cette réponse : « Ce que tu me demandes est à la fois inutile et nuisible. Bien que mes jours se soient écoulés dans ce pays, je n’ai jamais songé à en compter les maisons, ni à m’informer du nombre de leurs habitants […]. Pour l’histoire antérieure de cette cité, Dieu seul la sait, et seul il pourrait dire de combien d’erreurs ses habitants se sont abreuvés avant la conquête de l’islamisme. Il serait dangereux à nous de vouloir les connaître […]. Dieu a créé le monde ; devons-nous tenter de l’égaler en cherchant à pénétrer les mystères de sa création ? ». Et Renan d’en déduire : « “Dieu sait mieux ce qui en est” est le dernier mot de toute discussion musulmane » (Journal des Débats, 30 mars 1883).

Selon Ibn Hanbal, fondateur, au IXème siècle, de l’école juridique sunnite réputée la plus rigoriste (en vigueur en Arabie-Séoudite), « croire en une quelconque liberté humaine signifie que même si Dieu veut l’acte, mais que l’être humain ne le veut pas, les choses ne se feront pas ; l’être humain serait, dans ce cas, plus fort que Dieu. Or, les actes humains font partie de la volonté divine et sont l’œuvre de Dieu ; même ses rires et ses pleurs sont dictés par Dieu » (cité par Razika Adnani, Islam : quel problème ? Les défis de la réforme, éd. UPblisher, 2017, p. 56).

Le statut « divin » du Coran, souligne le dominicain Jacques Jomier, « lui donne sur les musulmans une puissance qu’il serait dangereux d’ignorer ou de sous-estimer. Ses versets déclenchent des réflexes ; même la façon de raisonner en terre d’Islam porte sa marque » (op.cit., p. 55). Cela peut entraîner dans les sociétés musulmanes une forme de fatalisme qui se traduit aussi par la patience résignée.

Certains commentateurs musulmans, soucieux d’inciter leurs coreligionnaires à ne pas demeurer passifs, s’appuient cependant sur un verset qui laisse entendre la possibilité pour l’homme d’agir avant toute intervention divine.

  • Avant de changer l’état d’un peuple, Dieu attend que celui-ci ait changé lui-même (13, 11).

La prédestination

Selon le Coran, Allah fixe irrévocablement le destin de chaque homme.

  • Dis : “Il ne nous adviendra que ce que Dieu a déterminé pour nous. Il est notre Maître ! Que les croyants se confient donc en Lui” (9, 51).
  • Aucune calamité ne se produit sur la terre ou chez vous sans qu’elle n’ait été auparavant consignée dans un livre, avant que nous ne le créions. Tout est facile pour Dieu (57, 22). aussi 8, 17.
  • Si Dieu te frappe d’un malheur, nul, en dehors de Lui, ne t’en délivrera ; mais s’Il t’accorde un bonheur, sache qu’Il est puissant sur toute chose (6, 17).
  • Il n’appartient à personne de mourir si ce n’est avec la permission de Dieu et d’après ce qui est irrévocablement fixé par écrit (3, 145).
  • Dis : “Même si vous étiez restés dans vos maisons, la mort aurait atteint dans leur lit ceux dont le meurtre était écrit, afin que Dieu éprouve ce qui se trouve dans vos cœurs et qu’Il en purifie le contenu” (3, 154).

Il est donc inutile d’envisager librement des actions à accomplir.

  • Ne dis jamais, à propos d’une chose : “Je la ferai sûrement demain”, sans ajouter : “Si Dieu le veut !” (18, 23-24).Allah,

De cette injonction résulte la formule que les musulmans récitent en toutes circonstances dans la vie courante : Inch’Allah = Si Dieu le veut !

La loi elle aussi relève de la souveraineté exclusive d’Allah. Il est le seul Législateur, car la raison humaine n’a pas la capacité de discerner le bien et le mal. Tout doit être révélé aux hommes, jusque dans les détails de la vie privée. Il en résulte que le musulman n’est pas sujet de droits fondamentaux attachés à sa nature. Ceux que Dieu lui accorde ne découlent pas de sa dignité d’être raisonnable, libre et responsable. C’est pourquoi la charia ne peut pas, en principe, être amendée. Pour beaucoup de musulmans, cela reviendrait à enfreindre la volonté d’Allah (cf. A. Laurent, L’islam, pour tous ceux qui veulent en parler mais ne le connaissent pas encore, Artège, 2017, p. 105-111).

Même en matière religieuse et morale, l’homme est soumis à l’arbitraire divin, fût-il le plus injuste et le plus cruel.

  • Dieu égare qui Il veut ; Il guide qui Il veut (74, 31).
  • Celui que Dieu égare n’a personne pour le diriger (7, 186).
  • A chaque homme, Nous avons appliqué son destin sur son cou et, au jour de la résurrection, Nous sortirons pour lui un rôle qu’il trouvera déroulé (27, 47).

 Certains versets mêlent cependant déterminisme et libre-arbitre.

  • En vérité, ceci est un rappel. Celui qui le veut prendra un chemin vers son Seigneur mais vous ne le voudrez que si Dieu le veut (76, 29-30).
  • Dis : “La vérité vient de votre Seigneur. Celui qui le veut, qu’il croie donc ! Et celui qui le veut, qu’il soit infidèle !” (18, 29).

Selon le Père Antoine Moussali, lazariste libanais, aujourd’hui le musulman s’aligne plutôt sur les décisions souveraines et irrévocables de Dieu, sachant que le Créateur est également « le Seigneur sage et miséricordieux des hommes » (Judaïsme, christianisme et islam, étude comparée, Editions de Paris, 2000, p. 117).

L’exception chiite

            Au sein de l’islam, le chiisme (environ 10 % du monde musulman), dont le centre se trouve en Iran, l’ancienne Perse, présente une aptitude à la créativité et au progrès. Devenu musulman au VIIème siècle, ce pays a conservé une partie de l’héritage païen de l’antique mazdéisme, religion conçue par Zoroastre (VIIème siècle av. J.-C.) qui se caractérise par une ouverture à la philosophie grecque, à la littérature indienne, aux sciences et aux arts.

En fait, échappant à l’arabisation, contrairement aux pays du Levant, la Perse « a su garder son génie propre » (E. Renan, op. cit.). Elle iranisa son islam en y intégrant une partie de ses traditions et croyances antérieures. « Culturellement, politiquement et même religieusement, la contribution perse à la nouvelle civilisation islamique fut d’une importance énorme […]. Les Iraniens enrichirent considérablement la langue arabe de termes nouveaux, applicables à des notions nouvelles, la rendant plus précise et plus facilement exportable […]. L’Iran, a été par excellence la patrie des plus grands philosophes et mystiques de l’islam ». Ainsi, « le chiisme est une religion en perpétuelle évolution, quand le sunnisme est resté figé dans le temps » (Ardavan Amir-Aslani, De la Perse à l’Iran, éd. L’Archipel, 2018).

POUR CONCLURE

Entre l’islam et le christianisme, il y a « deux visions de Dieu qui commandent deux visions différentes de Dieu, de l’homme et de l’univers » (A. Moussali, op. cit., p. 117). Ces différences fondamentales se retrouvent à travers les doctrines relatives à la prédestination et à l’autonomie humaine.

Tout en précisant qu’Allah a « ennobli les fils d’Adam » et leur a « donné la préférence sur beaucoup de ceux que Nous avons créés » (17, 70), le Coran affirme que « Dieu, rien ne lui est semblable » (42, 11). Pour sa part, le récit biblique des origines précise que l’homme et la femme sont créés « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Genèse 1, 26-27). Il en résulte qu’ils prennent personnellement en charge des actes créateurs ; ils ne se contentent pas de gérer un domaine mais sont appelés à le « cultiver » : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28). Ainsi, Dieu fait confiance à ses créatures humaines ; Il les rend capables de concevoir, d’inventer, d’entreprendre, d’améliorer, d’embellir. Le travail devient dès lors une collaboration à l’œuvre créatrice de Dieu.

Mathieu Laine, auteur du Dictionnaire amoureux de la liberté (Plon, 2016), en tire la conclusion que la Bible est une invitation à la liberté.

Annie LAURENT

Date de dernière mise à jour : 2019-03-14 10:23:08

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