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l'Islam est il une religion

 

 

 

L’ISLAM EST IL UNE RELIGION ?

 

 

Après un XXème siècle marqué par l’émergence d’idéologies totalitaires prétendant imposer leurs systèmes au monde, le XXIème siècle s’est ouvert sur l’apparition d’un autre projet dominateur : celui de l’islam conquérant. Les attentats spectaculaires et très meurtriers commis le 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles de New-York ont inauguré cette nouvelle forme de totalitarisme paré de couleurs religieuses qui, depuis lors, se répand dans tout l’univers, perturbant un monde largement touché par la sécularisation. Face à cette situation imprévue et déroutante, une interrogation revient de plus en plus souvent : l’islam est-il vraiment une religion ? N’est-il pas plutôt une idéologie ?

Il convient d’abord de situer la question dans l’ordre général, comme le fait le philosophe Rémi Brague dans son dernier ouvrage, Sur la religion (Flammarion, 2018), où il développe une pensée puissante sur ce thème, en accordant à l’islam une place importante. Observant le foisonnement de réalités que le terme « religion » recouvre (panthéon de dieux, monothéisme, religion séculière, etc.), l’auteur refuse d’y voir un concept unique qui répondrait à une seule et même définition. En fait, écrit-il, « le christianisme est la seule religion qui ne soit qu’une religion et rien d’autre ». Et de remarquer : « Toutes les autres religions ajoutent au religieux une dimension supplémentaire » (p. 40). C’est pourquoi « la nature exclusivement religieuse du christianisme explique le fait que le concept de religion, appliqué à des phénomènes aussi divers que le bouddhisme, l’islam, le confucianisme, le shinto, etc. – bref, ce que nous avons pris l’habitude d’appeler “des religions” – ait été forgé dans un contexte intellectuel chrétien et s’applique mal aux autres “religions” » (p. 42).  L’auteur exprime bien la complexité de la question posée. Il ne nie pas la dimension religieuse de l’islam mais il sait que celle-ci n’est pas exclusive.

Les musulmans se placent sous le regard d’un Dieu unique (Allah) en qui ils reconnaissent leur Créateur, auquel ils rendent un culte dans des lieux appropriés (mosquées) et dont ils espèrent la miséricorde, tout comme ils aspirent à une vie après la mort. Il n’est donc pas possible de refuser à l’islam la qualité de religion. Mais de quel genre de religion s’agit-il?

 En 1994, évoquant l’islam dans son livre Entrez dans l’espérance, saint Jean-Paul II parlait de « la religiosité des musulmans », sans définir le sens du mot « religiosité » (Plon-Mame, p. 153). Or, comme l’explique le philosophe Patrice Guillamaud dans un ouvrage d’une profonde intelligence, religiosité n’équivaut pas à religion. La religiosité se réfère à l’attitude de tout homme, naturellement religieux et donc disposé « à rapporter chacune de ses actions à l’absolu divin », tandis que la religion est un ensemble d’éléments de doctrine et de culte (cf. Le sens de l’Islam, éd. Kimé, 2017, p. 21-26).

En ce sens, la religiosité est d’autant plus frappante chez les musulmans pratiquants que le culte se doit d’être ostensible et sonore. En admirant « le musulmansuperlativement pieux », les chrétiens « confondent sa vertu de religion avec celle de foi », constate avec pertinence l‘historien Alain Besançon (Problèmes religieux contemporains, Ed. de Fallois, 2015, p. 181). Cette visibilité a frappé le bienheureux Charles de Foucauld et l’a conduit à s’interroger sur la religion de son baptême qu’il avait délaissée (cf. Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, Biographie, Salvator, 2016).

 Ch. de Foucauld a néanmoins compris que si la religiosité des musulmans peut s’accorder avec la vertu de religion, classée par saint Thomas d’Aquin parmi les vertus morales (la justice), elle ne ressort pas de la foi.

Je voyais clairement qu’il [l’islam] était sans fondement divin et que là n’était pas la vérité »

écrivit-il à Henry de Castries (cité par A. Laurent, La Nef, n° 287, décembre 2016). La foi est une vertu surnaturelle, infuse dans l’âme par le baptême ; elle est précisément théologale parce que relative au Dieu trinitaire (au même titre que l’espérance et la charité).

La Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (2000), rédigée à la demande de Jean-Paul II par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a rappelé cet enseignement traditionnel de l’Eglise catholique. Puis, le texte précise : « On doit donc tenir fermement la distinction entre la foi théologale et la croyance dans les autres religions […]. Cette distinction n’est pas toujours présente dans la réflexion actuelle, ce qui provoque souvent l’identification entre la foi théologale, qui est l’accueil de la vérité révélée par le Dieu Un et Trine, et la croyance dans les autres religions, qui est une expérience religieuse encore à la recherche de la vérité absolue, et encore privée de l’assentiment à Dieu qui se révèle » (n° 7).

Cette distinction s’applique à l’islam, qui n’est pas accueil de la Révélation de Dieu mais, selon le Coran, religion originelle de l’humanité, voulue par Dieu parce qu’elle est appropriée à la nature de l’homme, innée en quelque sorte.

  • Aujourd’hui, j’ai rendu votre Religion parfaite ; j’ai parachevé ma grâce sur vous ; j’agréée l’islam comme étant votre Religion (5, 3) ;
  • Acquitte-toi des obligations de la Religion en vrai croyant et selon la nature qu’Allah a donnée aux hommes, en les créant. Il n’y a pas de changement dans la création d’Allah. Voici la Religion immuable ; mais la plupart des hommes ne savent rien (30, 30).

Pour l’historien des religions Gérard Van der Leeuw, la foi est « la confiance de l’homme envers Dieu personnellement rencontré ». C’est pourquoi sa première spécificité « ne consiste donc pas à croire que Dieu existe mais à croire que l’homme existe pour Dieu » (cité par le P. Bernard Sesbouë, Actes du colloque « Qu’est-ce que croire ? », Institut Catholique d’Etudes Supérieures, 15-16 avril 2013, p. 26).

Dans l’islam, Dieu est « l’Inconnaissable » (Coran 6, 50 ; 7, 188 ; 11, 31 ; 27, 65). Il ne se fait pas connaître des hommes, comme Il le fait à travers Jésus-Christ dans le christianisme ; Il ne dialogue pas avec eux dans une relation d’amour ; Il ne s’engage pas par une Alliance, comme Il le fait par Abraham dans la Bible (cf. François Jourdan, Islam et christianisme, comprendre les différences de fond, L’Artilleur, 2015, p. 254-260). La Révélation d’Allah ne concerne que sa volonté et sa loi. « Entre Créateur et créature, un abîme est béant » (R. Brague, Sur la religionop. cit., p. 186).

L’islam serait-il donc une religion païenne ? Alain Besançon l’exclut.

 Si nous restons dans la logique de la théologie chrétienne, on ne voit pas que l’islam connaisse le Dieu que cependant il adore. […] Ne connaissant pas le vrai Dieu et l’adorant néanmoins, il en résulte des conséquences qui mettent l’islam à part des paganismes antiques contre lesquels il s’est dressé. Les païens, même quand ils adoraient le dieu unique, adoraient un dieu immanent, qui faisait partie du monde. Un Dieu “moindre” par conséquent que le Dieu d’Israël, créateur du ciel et de la terre, omnipotent, transcendant. Mais à l’égard de ce Dieu incommensurable, l’islam demeure dans une position idolâtrique » (op.cit., p. 178).

 L’islam n’est pas une religion anodine ou neutre puisqu’il se veut réaction dogmatique au christianisme. Le Coran combat le cœur de la Révélation divine. « La négation de la Trinité est le sens premier de l’islam » ; elle est « son élément primordial de fondation […], le principe même de sa genèse » (P. Guillamaud, op. cit., p. 119).

Son monothéisme – concept que l’on rencontre aussi en dehors du champ religieux (cf. le Divin Premier Moteur d’Aristote, le déisme des Lumières, signalés par R. Brague) -, et la présence de personnages « bibliques » dans le Coran ne font pas de l’islam une religion apparentée au judaïsme et au christianisme. « En son sens premier, l’islam est fondamentalement, non pas la simple continuation de la révélation biblique mais sa reprise dans la négation même de son accomplissement chrétien » (Guillamaud, ibid.).

Dans Le malentendu islamo-chrétien (Salvator, 2012), le Père Edouard-Marie Gallez explique que l’on considère généralement l’islam comme une religion « d’avant » le Christ au sens théologique, et pouvant éventuellement y conduire, alors qu’il se revendique comme post-chrétien au sens où il entend dépasser le christianisme et s’y substituer.

C’est pourquoi,

que ce soit du côté islamique ou du côté chrétien, il apparaît évident que la notion d’Ecritures saintes ne revêt pas la même réalité. Si le Coran voit dans les révélations qui ont précédé le temps de l’islam des “portions” du “Livre-Mère” envoyées par Allah sur des prophètes eux-mêmes envoyés à des peuples, l’Eglise catholique, elle, ne voit pas dans le Coran une quelconque continuité ou récapitulation de la Révélation judéo-chrétienne » (P. Laurent de Trogoff, « Révélation et Coran », in Sous le regard de Dieu, abbaye Sainte-Anne de Kergonan, n° 2017/2, p. 12-21).

Cette position a été rappelée par le Concile Vatican II : « L’économie chrétienne, étant l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ » (Dei Verbum, n° 4). L’Eglise n’a jamais considéré Mahomet comme un prophète ni le Coran comme un Livre révélé.

Père Samir-Khalil Samir, islamologue égyptien :

Je ne dirai pas globalement : “Oui, l’islam vient de Dieu”, et je ne dirai pas globalement : “L’islam est l’œuvre de Satan”. Je ne le pense pas non plus. L’islam est l’œuvre d’un homme qui a vécu une expérience spirituelle réelle, mais qui vivait en son temps, dans son contexte socio-culturel désertique fait de guerres et d’attaques de tribus contre tribus » (Site Aleteia, 10 janvier 2018).

 

On ne peut donc porter sur l’islam un regard indifférencié avec le judaïsme et le christianisme. D’où l’inexactitude de formules telles que « les religions monothéistes », « les religions abrahamiques » et « les religions du Livre ».

Leur usage banalisé fausse la compréhension des fondements anthropologiques, cultuels, sociaux, juridiques et culturels sur lesquels misent les dirigeants européens héritiers du christianisme pour organiser un « islam européen ».

 

Annie LAURENT

 

 

Chers amis,

L’islam est-il seulement une religion comme on l’affirme souvent, ou bien est-il plutôt une idéologie ? Il est difficile de ne pas associer les deux dimensions. Dans la dernièrePetite Feuille verte (n° 55), que vous avez reçue début avril, Annie Laurent expliquait les spécificités de l’islam comme religion. Celle que j’ai le plaisir de vous envoyer aujourd’hui (Petite Feuille verte n° 56) expose en quoi l’islam est aussi – et inséparablement - une idéologie, concept d’ailleurs revendiqué et assumé par bien des musulmans, tandis que d’autres reconnaissent cette spécificité tout en la critiquant.

Comme d’habitude, l’objectif de Clarifier n’est pas d’enfermer tous les musulmans dans un système uniforme et immuable car il convient de ménager leur liberté et leur responsabilité, mais il serait malhonnête de dissimuler ce qui, dans l’islam, fonde son incompatibilité avec la culture occidentale héritée d’Athènes, de Jérusalem et de Rome.
Je vous souhaite une bonne lecture.


François Dary,
Président de CLARIFIER

 

 

 

 

L’islam est-il seulement une religion comme on l’affirme souvent, ou bien est-il plutôt une idéologie ? Il est difficile de ne pas associer les deux dimensions. Dans la dernière Petite Feuille verte (n° 55),  Annie Laurent expliquait les spécificités de l’islam comme religion. Cette Petite Feuille verte n° 56 expose en quoi l’islam est aussi – et inséparablement – une idéologie, concept d’ailleurs revendiqué et assumé par bien des musulmans, tandis que d’autres reconnaissent cette spécificité tout en la critiquant.

 


 Pour le philosophe Patrice Guillamaud, la prétention de l’islam à purifier le monothéisme trinitaire à travers le dogme de l’unicité divine en fait une religion du ressentiment dogmatique, de la régression et de l’orgueil face à la puissance créatrice du christianisme, ce qui se traduit notamment par une conception paroxystique de la puissance (Le sens de l’islam, éd. Kimé, p. 122-123).

Il faut sans doute voir dans ce constat les fondements de l’islam idéologique, lequel revêt plusieurs facettes.

 

L’islam est aussi « un système juridique », écrit Rémi Brague (Sur la religion, Flammarionp. 40), faisant ici allusion à l’importance du rôle de la loi (la charia) puisque celle-ci, sensée émaner directement d’Allah et/ou de Mahomet, englobe tous les aspects de la vie publique et privée, parfois jusque dans les moindres détails (nourriture, habillement, comportement de chacun, etc.). L’auteur rappelle d’ailleurs qu’au Moyen Age, saint Thomas d’Aquin désignait volontiers l’islam comme étant la « loi des Sarrazins ».

 Contrairement à une idée répandue, selon laquelle l’islam serait indistinctement « religion et régime politique » (dîn wa-dawla), R. Brague montre que cette formule, adoptée par le mouvement islamiste des Frères musulmans, fondé en Egypte en 1928, ne se réfère qu’à une situation éphémère : les dix années (622-632) durant lesquelles une seule et même personnalité, Mahomet, a détenu à la fois les pouvoirs temporel et religieux. Autrement dit, « le principat et le pontificat », selon la formule d’Abdelwahab Meddeb (1946-2014). Même si ce précédent nourrit la nostalgie des djihadistes actuels, ceux-ci ne peuvent se référer à aucun texte sacré de l’islam (Coran, Sunna, Sîra) pour imposer une forme particulière de régime (monarchie, république, dictature, démocratie), le califat lui-même, institué par les successeurs de Mahomet, n’ayant été qu’une sorte de décalque des empires orientaux et européens.

En revanche, l’islam est une religion vouée au service d’un projet politique universel : soumettre le monde entier à Allah et à sa Loi.

  • N’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur insouciant envers notre Rappel « de la vraie religion » (Coran 18, 28) ;
  • L’islam domine et ne saurait être dominé (sentence de Mahomet, contenue dans la Sunna).

De là résulte la confessionnalité qui caractérise l’organisation de l’Etat, quelle qu’en soit la forme, dans tout pays où les musulmans sont majoritaires, à l’exception du Liban (sur ces sujets, cf. Annie Laurent, L’Islam, éd. Artège, 2017, p. 85-86 ; Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ?, Salvator, 2017, p. 97-110).

L’islam est un messianisme temporel et non pas spirituel. Cette conception résulte de l’absence de salut : le Coran occulte le péché originel et ses conséquences néfastes sur le dessein initial de Dieu, sur toute la création, et donc la nécessité d’une rédemption.

La victoire doit advenir dès ici-bas.

  • C’est nous [les musulmans] en vérité, qui hériterons de la terre et de tous ceux qui s’y trouvent(19, 40).

Le triomphe est d’ailleurs garanti par Allah.

  • C’est Lui [Allah] qui a envoyé son Prophète avec la Direction et la Religion vraie pour la faire prévaloir sur toute autre religion, en dépit des polythéistes (9, 33).

L’islam légitime tous les moyens pour atteindre ce but. Et tous ceux qui œuvrent à cette fin, notamment par le djihad, seront gagnants également dans l’Au-delà.

  • Il [Allah] ne rendra pas vaines les actions de ceux qui sont tués dans le chemin d’Allah (47, 4).

Pour l’Eglise catholique, la foi est inséparable de la liberté de religion et de conscience. « La foi est d’abord une adhésion personnelle de l’homme à Dieu ; elle est en même temps, et inséparablement, l’assentiment libre à toute la vérité que Dieu a révélée » (Dominus Iesus, 2000, n° 7).

Quant à l’islam, il enferme l’homme dans une prédestination.

  • L’islam est la religion naturelle de l’être humain. Rien ne saurait justifier un changement de religion (Déclaration des droits de l’homme dans l’islam, approuvée en 1990 par l’Organisation de la Coopération islamique, art. 10).

Symptomatique de cette conception, fin 2017, le Parlement égyptien a annoncé l’examen d’un projet de loi visant à criminaliser l’athéisme (La Croix, 12 janvier 2018).

En fait, la liberté du musulman dépend étroitement de son appartenance à l’Oumma, la communauté des « vrais » croyants, qui prévaut sur lui et le prend en charge (cf. A. Laurent, L’Islam, Artège, p. 97). Dans un livre engagé, Lydia Guirous, musulmane française d’origine algérienne, proteste contre ce système :

Je ne reconnais pas l’Oumma, je refuse son aliénation et je rejette la privation de liberté qu’elle sous-tend » (« Ça n’a rien à voir avec l’islam » ?, éd. Plon, 2017, p. 30).

La dimension idéologique est donc consubstantielle à l’islam. Elle est inscrite dans ses textes sacrés qui mêlent sans ordre le temporel et le spirituel. D’où les influences réciproques qu’ils peuvent exercer l’un sur l’autre et l’emprise de l’islam sur les consciences. Ce qui, paradoxalement, répond au même principe de fonctionnement que les idéologies athées qui avancent sur les consciences en se présentant comme des messianismes mondains, en une eschatologie immanente, les fameux « lendemains qui chantent ». D’où aussi l’ambiguïté qui consiste à séparer islam et islamisme (cf. A. Laurent, L’Islamop. cit., p. 53).

Il arrive pourtant que des intellectuels musulmans, sans renier leurs croyances religieuses et tout en attestant la réalité de ce lien, s’exercent à dégager l’islam de son emprise idéologique.

Voici quelques exemples datant du XXème siècle. Ali Abderraziq (1888-1966), universitaire égyptien, auteur de L’islam et les fondements du pouvoir (Le Caire, 1925 ; traduction française, éd. La Découverte, 1994) ; Mahmoud Taha (1909-1985), philosophe soudanais, auteur de Le second message de l’islam, dans lequel il préconisait de ne retenir du Coran que les aspects spirituels et moraux (il a été condamné à mort et pendu à Khartoum) ; sa thèse a été reprise par Abdelmajid Charfi, universitaire tunisien, dans L’islam entre le message et l’histoire (Albin Michel, 2004) ; Nasr Abou Zeid (1943-2010), universitaire égyptien, auteur de Critique du discours religieux (traduction française, Sindbad, 1999), qui entraîna sa condamnation pour apostasie et le contraignit à l’exil.

Voici aussi quelques prises de position d’auteurs musulmans contemporains.

Boualem Sansal, écrivain algérien.

L’islamisme est une doctrine totalitaire, il ne vise pas que la prise de pouvoir, il entend transformer le monde et le soumettre définitivement à la charia. Il est d’autant plus dangereux qu’il puise sa raison d’être et ses arguments dans un livre, le Coran, que les musulmans, unanimement, considèrent comme étant la parole de Dieu, indiscutable et éternelle. Comment pourrions-nous donc contrer l’islamisme sans nous voir accusés de porter atteinte au Coran et indigner toute l’Oumma ? C’est en ce sens que le problème est un défi redoutable pour nous. Les islamistes le savent et en font le coeur de leur stratégie de conquête » (La Nef, n° 297, novembre 2017). Cf. aussi de cet auteur Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013.

Hamed Abdel-Samad, universitaire égyptien, réfugié en Allemagne, Le fascisme islamique, Grasset, 2014.

On ne peut pas séparer le phénomène islamiste de l’islam car le virus du djihad puise sa force explosive dans l’enseignement et l’histoire de l’islam. Ce ne sont pas les islamistes modernes qui ont inventé le concept de djihad, c’est le prophète Mahomet » (p. 127).

 

L’islamisme demeure la proposition la plus forte de l’islam car il renferme la raison d’être de cette religion. Il renferme une promesse sacrée. […] Dès le départ, l’islam a été politique » (p. 229).

 

Si l’on veut établir une distinction entre islam et islamisme, on doit soit condamner Mahomet, soit au moins concéder qu’un tel homme n’a pas la légitimité de servir de modèle à l’individu moderne. L’intangibilité du Coran et du Prophète constitue le fond du problème de l’islam» (p. 230).

 

Pourquoi parler d’abus quand on trouve dans le Coran deux cent six passages faisant l’apologie de la violence et de la guerre ? » (p. 231).

Lydia Guirous, écrivain franco-algérienne.

Ne nous leurrons pas, l’islamisme n’est pas une déviance sectaire. Ce n’est malheureusement rien d’autre que l’islam dans sa lecture violente et politique, un islam radicalisé qui prend sa source dans le Coran, et en est une partie intégrante. On ne peut l’isoler de la religion musulmane et faire semblant de croire qu’il concerne seulement des groupuscules fanatisés, des terroristes isolés, une secte en pleine dérive » (p. 11).

 

La distinction entre islam et islamisme est de plus en plus ténue… et nous le savons… car les textes sacrés contiennent les germes de ce dogme mortifère » (p. 25).

Pour cet auteur,

 L’islamisme n’est rien d’autre qu’un projet totalitaire ».

Elle relève des similitudes entre islamisme et nazisme : le culte de la pureté, la propagande, l’anéantissement de la culture non autorisée, les autodafés, la violence, l’embrigadement de la jeunesse, le projet génocidaire, la liquidation de l’opposition politique.

 L’islamisme substitue à la “pureté de la race” “la pureté de la religion”. Si sa quête n’est pas celle d’une ethnie “aryenne”, elle vise à créer et façonner un musulman fidèle à l’islam “des compagnons du Prophète”, un “musulman pur” » (p. 42-45).

Mohamed Louizi, ingénieur français. Déjà auteur de Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans (Michalon, 2016), il vient de publier Plaidoyer pour un islam apolitique(Michalon, 2017). Il y préconise « un droit d’inventaire, sans concessions » des textes sacrés dont il revisite la genèse en recourant à la critique scientifique, remettant même en cause la tradition selon laquelle Mahomet aurait été illettré, croyance destinée à prouver qu’Allah est le seul auteur du Coran.

L’islam, une idéologie religieuse ou une religion idéologique ? Quelle que soit la formule retenue, il semble évident que l’on est en présence d’un système totalisant apte à devenir totalitaire.

 Les actes djihadistes commis au nom de l’islam sont généralement compris comme l’expression d’une radicalisation de la religion. Patrice Guillamaud s’élève contre cette définition.

La radicalisation n’est pas dans la violence en tant que telle mais dans la religiosité elle-même. La violence n’est ainsi rien d’autre que la forme exacerbée, hypertrophiée ou pervertie de cette radicalité essentielle ou de cette aspiration essentielle à la radicalité. Ce n’est donc nullement en condamnant la radicalité que l’on peut combattre la violence puisque la radicalité est le moteur dynamique, elle-même constitutive d’un aspect essentiel de l’humanité » (op. cit., p. 26-27).

Faut-il, dès lors, suivre le vœu récemment émis par la chroniqueuse Natacha Polony ?

Il appartient aux sociétés européennes d’enfin comprendre l’enjeu et de réaffirmer leur modèle de civilisation, fait de sécularisation de la société et de valeurs d’émancipation. Mais il appartient à l’islam d’opérer une réforme de l’ampleur de celle de Vatican II, pour enfin nettoyer le Coran de tous les éléments qui peuvent permettre aux intégristes de se présenter comme les seuls véritables musulmans » (Le Figaro 24-25 mars 2018).

L’auteur de ces phrases ignore sans doute que l’islam méprise la sécularisation et l’émancipation car elles lui semblent contraires à la religion et à l’ordonnancement des rapports humains voulu par Allah. Elle ignore aussi que le concile Vatican II n’avait pas pour objectif de « nettoyer » l’Evangile et les textes du Magistère antérieur de quoi que ce soit, mais qu’il voulait actualiser la manière de vivre la foi, ce qui n’implique aucune réforme comme celle qu’elle espère des musulmans.

 

Annie Laurent

 

 

 

1/Le port du voile ne devrait pas poser de problème.

2/La France est un État laïque qui garantit la liberté d’expression et de culte. Pour les musulmans, le port du voile est une obligation religieuse qu’il faut respecter.

Réponse:

Deux versets du Coran (24, 31 et 33, 59) demandent aux musulmanes de recouvrir leurs « atours » afin de les dissimuler aux yeux des hommes et de les réserver à ceux qui, parmi ces derniers, leur sont « licites », c’est-à-dire qui appartiennent à leur proche parenté. Mais les atours en question ne sont pas définis. En particulier, le Coran ne mentionne pas la chevelure. Il ne décrit pas non plus la forme de vêtement approprié aux femmes. Ce sont les docteurs de la loi qui ont précisé tout cela, d’où la variété de costumes que l’on peut observer dans les diverses sociétés musulmanes, la plus courante étant le foulard qui recouvre les cheveux et le cou (hidjab), la plus rigoriste dissimulant l’ensemble du corps, y compris le visage et les mains (niqab et burqa). Au-delà de l’exigence de pudeur, il s’agit aussi pour les femmes de se faire reconnaître comme musulmanes. Le voile, marquage social, atteste donc l’islamité de celles qui le portent. Cette tenue symbolise alors l’enfermement des femmes, leur séparation d’avec le reste de la société et c’est cela qui fait problème quand elle est portée avec ostentation dans nos sociétés. Lorsqu’ils interdisent certaines formes de voiles incompatibles avec les nécessités de la convivialité, les pouvoirs publics le font légitimement au nom du respect de l’ordre public et de la sécurité : ce n’est donc pas une entrave à la liberté religieuse.

 

Si le voile des musulmanes gêne certaines personnes, celles-ci devraient aussi s’offusquer de l’habit que portent les religieux catholiques.

L’habit des religieux catholiques, en particulier le voile des religieuses, est le signe visible d’une consécration à Dieu. Les personnes qui choisissent cette forme de vie le font en toute liberté, sans aucune contrainte. En outre, hormis à l’intérieur des clôtures monastiques, l’habit religieux n’implique pas le rejet de la mixité entre adultes. Il ne dérange donc en rien la vie sociale, si bien que, sauf par haine anti-religieuse, rien ne peut justifier son interdiction.

 

Il n’empêche que les musulmans se plaignent de discrimination en cas de limitation du voile islamique.

Le problème avec l’Islam est qu’il sacralise tous les actes de la vie, même les plus anodins ou profanes. La propagation du voile inquiète car elle cherche à imposer à la société française un ordre social étranger à ses traditions et à sa culture.

 

Annie Laurent