Burkhini

17/08/2016

A poil ou en burkini ?

Un demi-million de français sont adeptes du naturisme et donc candidats à la baignade à poil sur les plages publiques. Pour eux, c'est quasi une religion. En tout cas une philosophie et un art de vivre. N'empêche que c'est interdit et qu'ils sont parqués dans des endroits réservés, pour la propriété ou la location et l'entretien desquels ils paient des cotisations.
Pour ma part, je suis frappé par les arguments déplacés des défenseurs du burkini. De deux choses l'une: soit les baigneuses en burkini y sont contraintes par leurs proches et alors c'est une oppression de la femme, innaceptable en soi. Soit c'est par conviction personnelle. Mais alors, soyons honnêtes, c'est beaucoup moins une question de religion que d'idéologie. Ces femmes ou jeunes filles se baignaient en bikini ou en maillots une pièce jusqu'à ces dernières années.
Ce n'est rien de plus ou rien de moins que l'affirmation d'une revendication, d'un droit à la différence, d'une volonté d'influencer la société. Il y a un peu plus de 40 ans, nous trouvions très cool de nous baigner en jeans de tailles variables et troués ça et là... Du temps de Calvin, comme de la Contre-Réforme, le noir était de rigueur et l'on fermait les bains publics à tour de bras. Des Pouilles à l'Andalousie en passant par la Corse et la Catalogne, dans les années cinquante, les femmes vêtues jusqu'au cou ne se trempaient que les mollets...
Comme d'habitude, les affaires de mode sont aussi le résultat de conflits de génération. On oublie un peu vite que le tiers des djihadistes européens (et des porteuses de burkini) ne sont pas nés musulmans. Après les hippies chevelus et défoncés, qui partaient à Kathmandu ou au Larzac élever des chèvres, on a eu les punks à crête qui se plantaient des épingles à nourrice un peu partout. Cela devient de plus en plus compliqué à chaque génération, de trouver de quoi choquer le simple pékin qui en a vu d'autres... Le djihad, ou moins extrême, le burkini, sont exemplaires dans leur radicalité.

Reste que ce constat ne dit pas tout. Le problème est que personne n'a jamais réellement craint que les baba-cools ou les punks prennent le pouvoir. Ou plus exactement, ils l'ont pris, mais comme chaque génération finit par arriver à le prendre, naturellement, en mettant de l'eau dans son vin. Avec l'Islam, c'est différent. Parce que c'est exogène, que le côté terroriste de ses éléments les plus extrémistes est tout de même extrêmement flippant, et parce qu'une immense majorité d'occidentaux n'a aucune envie de se retrouver demain ou après demain contraint à faire la prière 5 fois par jour.
Du coup, qu'on le veuille ou non, si l'on ne parvient pas à des réglementations claires et respectueuses des principes républicains, on rejette vers les partis extrémistes de droite des pans entiers de la population et au final, ceux qui paieront les pots cassés seront les musulmans eux-mêmes. Qui n'ont absolument pas intérêt à se singulariser. Nous sommes dans une période délicate. A chacun de bonne volonté de mettre du sien en évitant les provocations.
les milieux musulmans prennent souvent exemple de la fierté avec laquelle les communautés juives défendent leurs intérêts. Certes. Mais jamais avec ostentation, ni provocation. Etre minoritaire dans un pays et y vivre en paix implique de savoir faire respecter ses droits à l'égalité et à se fondre dans la masse. Pas à s'affirmer sans cesse davantage, de manière visible et provocante. Les juifs s'indignent à raison quand on désigne l'un d'eux comme juif, sous prétexte de son nom ou autre, car cela fut longtemps l'outil de la discrimination. Des musulmans au contraire, du moins leurs associations communautaires et revendicatives, s'évertuent à se montrer toujours plus visibles et à se singulariser par ce qu'il faut bien appeler des provocations. C'est une mauvaise approche, porteuse de haine et de dissensions.
Une jeune fille en burkini ou en burkha peut foutre en l'air en quelques instants des années d'efforts d'intégration de sa maman qui a offert avec succès des gâteaux au miel à tout l'immeuble à chaque rupture de jeûne.
Alors oui, l'intégration n'est pas chose facile, et des tas de jeunes restent sur le carreau. Victimes de leurs noms et des préjugés qui demeurent ou parfois de leurs propres carences scolaires. Mais il y en a tout autant qui réussissent et se fondent dans la masse, en gardant pour eux leurs convictions religieuses. C'est ça, une république laïque.

ps: que l'on ne vienne pas me dire que c'est différent, que la vue d'un corps nu est choquante alors que celle d'un corps en abaya ne l'est pas. Parce que c'est faux. Ou du moins, c'est purement culturel. Durant des millénaires, nos ancêtres se sont baladés à poil, ou plus exactement dans la tenue que mère nature - ou dieu pour les croyants - avait jugé utile de leur donner.  La vision d'un corps nu n'est choquante que si l'on a l'esprit déformé par des interdits religieux ou par des ukases consuméristes... C'est une construction culturelle.
A l'inverse, dans l'esprit de beaucoup de gens, abaya ou burka, ou burkini, signifie intégrisme islamique et par les temps qui courent cela peut être très choquant. C'est tout autant une construction culturelle, parce que si toutes les djihadistes portent la burqa, toutes les filles en burka, ou en burkini, ne sont pas des djihadistes en puissance. Mais toutes sont des militantes d'une interprétation rigoriste de l'Islam.  
Il me semble qu'il est sain en tout cas, d'avoir un débat démocratique sur les limites à poser ou pas. Car ne soyons pas naïfs. Derrière tout ça, il y a un projet politique visant à occuper le terrain et à lutter contre une intégration des musulmans de France qui pourrait se faire en s'éloignant des critères de l'Islam le plus traditionnel. De même qu'en face, il y a un projet de l'extrême-droite de raidir la société française (et les sociétés européennes) sur des positions le plus traditionaliste possible. Je ne crois pas qu'on s'en sorte en se contentant de compter les points en regardant les balles voler.