EVOLUTION
BERNARD TRÉMEAU
LE PHÉNOMÈNE CREATIF
(Un glossaire et une table des matières se trouvent à la fin de ces pages)
INTRODUCTION
C'est en 1970 que l'idée directrice de ce travail m'est venue à l'esprit. De formation médicale, j'étais à l'époque devenu parlementaire. Mes connaissances en biologie et en physiologie ont alors été confrontées à l'esprit des lois et aux mécanismes mis en place par l'homme pour essayer d'introduire un peu d'ordre dans sa société. Rapidement des analogies me sont apparues, par exemple entre les mécanismes régulateurs de la tension artérielle et les mécanismes régulateurs des flux monétaires. Ainsi s'est formée en quelques mois ma vision du phénomène créatif et j'ai écrit un manuscrit intitulé alors"La Montée de l'Organisé".
M'étant intéressé par ailleurs à certains problèmes monétaires, j'avais demandé aide et conseil à Jacques Rueff. Il venait d'écrire "Des Dieux et des Rois", livre dans lequel il abordait le problème de la création. Je l'ignorais totalement lors de notre première rencontre, mais la conversation a dévié des problèmes monétaires vers le problème qui nous tenait à coeur tous deux : la création. J'ai ainsi été amené à lui soumettre mon manuscrit. Jacques Rueff l'a vivement apprécié et m'a conseillé de le faire éditer. Mais d'autres tâches ont été prioritaires et je ne me suis plus préoccupé de ce sujet. Les années ont passé.
En 1989, un de mes fils, de formation médicale également, prend connaissance de ce manuscrit. Il se passionne pour les thèses qui y sont développées, au point d'en faire sa propre écriture.
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Je ne sais si l'exquise politesse de Jacques Rueff l'avait seule poussé à faire l'éloge de mon ouvrage. Je ne sais si l'amour filial a seul poussé mon fils à écrire. Ce qui est certain, c'est que l'attitude de mon fils a fait que les idées avancées dans mon manuscrit ont occupé à nouveau la première place dans ma pensée. Je réactualise donc mon texte et décide aujourd'hui de le publier, avec vingt ans de retard et un titre nouveau : "Le Phénomène Créatif
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LE BESOIN D'EXPLIQUER LA CREATION
"Je n'ai pas le souvenir d'une seule hypothèse première qui n'ait dû être abandonnée ou profondément modifiée après un certain temps"
C. DARWIN
La Création existe et l'homme a besoin d'en trouver une explication
Les sciences archéologiques et historiques accumulent patiemment depuis plusieurs siècles des documents de plus en plus précis sur les hommes qui nous ont précédés. Ces documents nous montrent que bien avant l'invention de l'écriture les hommes ont réagi devant la création, la vie ou la mort.
Ils ont orienté certains de leurs monuments en fonction de la marche du soleil dans le ciel. Ils nous montrent ainsi qu'ils avaient observé dans le déroulement des saisons la ronde du soleil autour de
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C'est faire participer l'ordre que l'homme essaie de créer sur terre à un ordre supérieur considéré comme extraordinaire. Cet ordre existait bien avant l'homme et résultait de l'action d'un être supérieur.
Des hommes ont décoré avec des peintures de nombreuses grottes. Ils ont représenté des êtres vivants, des hommes ou des animaux. Le sens profond de ces peintures reste encore pour nous sans véritable explication. Cependant ces grottes décorées nous montrent que les hommes observaient la vie autour d'eux, que leurs observations étaient précises et qu'ils savaient reproduire ces observations. De plus le décor peint des grottes de Lascaux, d'Al-tamira ou des murailles du Tassili semble ne pas avoir un rôle uniquement descriptif. Il montre que l'homme à cette époque utilisait son observation de la vie pour mieux la dominer et pour rendre la chasse plus fructueuse en y associant des êtres mystérieux, inconnus et supérieurs. Les peintures de Lascaux ou du Tassili sont déjà le témoignage évident d'une observation de la création par l'homme, mais aussi la preuve qu'une certaine tentative d'explication religieuse de cette création avait été entreprise. Et l'on utilisait les conclusions pour améliorer le tableau de chasse. Les statuettes de femmes enceintes, aux gros seins et aux grosses fesses, retrouvées dans de très nombreuses civilisations primitives, nous donnent des renseignements intéressants. Les hommes savaient observer la création et faire la statuette d'une femme enceinte. Mais ils déformaient volontairement le corps de cette femme en lui donnant de gros seins ou de grosses fesses. Ils accentuaient dans leur statuaire les parties de la femme ayant un rapport avec la fécondité et l'allaitement. Ils créaient ainsi la représentation matérielle en argile ou en pierre d'un être responsable de la fécondité. D'un être qu'ils n'avaient pas vu, certes, mais dont ils avaient imaginé le pouvoir, un pouvoir bien supérieur à celui des hommes d'alors sur la fécondité. Il devenait logique de demander à cet être supérieur une aide pour les problèmes de fécondité.
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Les premiers hommes ont rapidement entouré de rites la mort de l'un d'entre eux. Ces rites sont différents selon les lieux ou les époques. Mais ils existent pratiquement partout. Ce respect
pour la dépouille corporelle et la fréquente découverte dans les tombes d'objets familiers nous poussent à penser que la notion de survie d'une partie de l'homme après sa mort est très vite apparue. Il est évident que cette survie pouvait, dans l'esprit de ceux qui enterraient leurs morts, être améliorée en fonction des rites funéraires.
Longtemps avant l'apparition de l'écriture, les hommes avaient déjà observé la création et consigné leurs observations. Ils avaient aussi commencé à en donner une explication. Ils pensaient que la création existant avant eux était l'oeuvre d'êtres mystérieux, inconnus et puissants, dont il était bon de s'attirer la collaboration pour améliorer la vie terrestre. Ils pensaient aussi que la mort du corps ne marquait pas la fin totale de l'être humain, mais qu'une partie de ce corps devait poursuivre une autre vie au-delà de la mort .
Zeus, Jupiter et tous les autres
Avec l'apparition de l'écriture, nous avons des textes nombreux sur le comportement de l'homme devant
Tout d'abord l'homme observe attentivement la création et utilise l'écriture pour consigner ses observations. Il découvre la marche du soleil, sa disparition tous les soirs et son éternel retour le lendemain matin. La nuit succède au jour, mais le jour renaît tous les matins, chassant
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il voit tomber la pluie ou la neige, il sent le souffle du vent, il tremble devant l'orage, le tonnerre et les éclairs.
Dans cet environnement, il observe la vie. Il voit les plantes et les animaux naître, grandir et mourir. Il découvre que le grain tombé dans la terre à l'automne donne au début de l'été un épi. Il voit que le bélier s'accouple avec la brebis et qu'ainsi naît l'agneau. Il observe la vie soumise au rythme des saisons. Avec la chaleur, la vie recommence au printemps. Les bourgeons éclatent et les graines germent dans le sol. Avec l'été, le soleil réchauffe encore plus la terre de ses rayons. Les plantes commencent à donner leurs fruits. Les animaux mettent bas. L'épi de blé mûrit tandis que dans les nids les oisillons frappent sur leur coquille. Mais dès le début de l'été, la course du soleil dans le ciel devient déjà moins longue et annonce le retour du froid et de la mort. L'automne apporte encore quelques tardives et somptueuses récoltes, mais les feuilles des arbres, après un merveilleux éclat, sèchent et tombent mortes. L'hiver froid et sans vie apparente lui succède. L'homme sait cependant, dès le début de l'hiver, qu'à nouveau le printemps reviendra: il a observé la course du soleil dans le ciel et il sait que, l'hiver à peine commencé, les jours augmentent du saut d'une puce.
Cette fantastique alternance du jour et de la nuit, cet implacable retour des saisons rythment d'une vigoureuse manière la vie animale et végétale. Les hommes n'y échappent pas non plus. Ils dépendent totalement pour leur vie et leur survie de ces deux perpétuels retours. Le jour et l'année sont rapidement devenus pour eux des unités leur permettant de mesurer l'écoulement inexorable du temps. L'homme naît, vit et meurt. La durée de sa vie correspond à quelques dizaines d'années. Mais tandis que le père approche de la mort, le fils devenu adulte peut prendre la place du père. Les générations succèdent aux générations comme les jours succèdent au jours ou les années aux années. Le temps d'Auguste fait suite au temps de César. On se sert alors pour compter l'écoulement du temps de la succession des rois .
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Pendant toute cette période, l'homme a aussi découvert l'espace dans lequel il vivait. Il a accumulé ses observations et les a consi-gnées dans ses papyrus, ses tablettes d'argile ou ses parchemins. Il a fait évoluer sa connaissance de l'espace selon deux axes. D'une part il a décrit avec de plus en plus de précision son milieu de vie. D'autre part il a repoussé sans arrêt les limites de son territoire, augmentant ainsi la taille de l'espace dans lequel il vit.
L'homme observe donc son environnement et consigne ses observations. Il les mémorise d'abord uniquement dans son cerveau, puis il les consigne dans ses écrits, donc hors de son cerveau. Il édifie en dehors de lui une image de
Tout l'environnement humain était à cette époque constitué de phénomènes totalement inexplicables. Mais à partir du moment où le soleil, le vent ou la source, phénomènes physiques, sont associés à un dieu qui les anime, le mystère est levé: il y a une explication à la marche parfaite du soleil, aux caprices du vent ou à la fraîcheur de
La Genèse et les six jours du Dieu créateur
L'homme accumulait chaque jour ses observations, inlassablement, patiemment. Il découvrait un espace de plus en plus vaste, de plus en plus complexe. Il découvrait que l'histoire se déroulait sur un nombre de plus en plus important de générations. La dimension du monde connu devenait plus grande tandis que la durée de l'histoire augmentait. De ce fait apparaissait aussi la notion de l'origine et de la fin de la création. De même que l'agneau et l'homme naissaient, la terre et le soleil avaient dû naître eux aussi. De nombreuses explications sont retrouvées dans toutes les religions polythéistes. Leur lecture est intéressante, souvent amusante, mais jamais convaincante. Les connaissances en astro-physique des Chinois, des Grecs ou des Egyptiens étaient bien rudimen-taires.
Avec la Bible et la création par un Dieu unique, immortel et tout-puissant de l'espace-temps, une nouvelle et grande étape a été franchie dans l'explication de l'univers. Un esprit infiniment puissant est à l'origine de toutes choses. Il décide par sa propre volonté de créer le monde et tout ce qu'il contient. Dieu, esprit tout-puissant, immatériel, crée un monde matériel. Il réalise en six jours cette oeuvre fantastique. Même si, bien sûr, ces six jours sont une représentation symbolique de la durée de la création, il est évident que, dans l'esprit de la Bible, le monde a été rapidement créé, en deux étapes essentielles. Dieu a d'abord créé le cadre de vie nécessaire à l'homme, en cinq jours. Puis il a créé spécialement l'homme, en empruntant de la matière à son cadre de vie d'une part, en lui insufflant son propre souffle d'autre part. Ainsi, tandis que le corps de l'homme était directement issu des matériaux constituant l'univers avant lui, l'esprit de l'homme était directement issu de l'esprit du Dieu créateur, immortel et tout-puissant. L'homme était ainsi à "l'image de Dieu". Le corps issu du monde matériel était mortel et retournerait en poussière, mais l'immortalité de l'âme se trouvait confirmée.
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L'explication de la Bible, d'abord limitée à la religion juive, fut reprise par la religion chrétienne et de ce fait diffusée dans le monde entier. Son succès humain correspond à la solidité même de l'explication. Un Dieu créateur, unique et tout-puissant, met en place le décor de l'aventure humaine. Puis il installe dans ce cadre l'acteur privilégié qu'est l'homme, créé à son image. Il confie à cet homme, animé par l'esprit de Dieu, la création. Mais l'homme, non pas du fait de l'action du créateur qui ne peut par principe être source de mal, mais du fait de la mauvaise utilisation des dons reçus de son créateur, n'est pas parfait dans son comportement. Adam et Eve ont mangé le fruit défendu. La domination de la création par l'homme est loin de se dérouler dans la perfection.
L'explication chrétienne de l'alpha à l'oméga
La Bible avait donné une description intellectuellement satisfaisante de la création. Mais dans la religion juive, le devenir de la création et celui de l'homme en particulier n'étaient pas nettement précisés. Avec la venue du Christ, les Evangiles, l'Apocalypse selon Saint Jean et les écrits de Saint Paul, le devenir de la création se précise. Le monde quitte la fixité biblique pour évoluer de l'alpha à l'oméga. Alpha est le point de départ de la création, oméga en est l'aboutissement. L'espace-temps a donc une naissance, une évolution et une fin. Cette fin, comme la propre résurrection de chacun d'entre nous, est annoncée par la mort puis la résurrection du Christ. Cette fin se caractérise par le difficile et douloureux triomphe du bien sur le mal.
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Une explication de notre devenir a été proposée avec la venue du Christ, sa mort, sa résurrection et son triomphe final. Les philosophes classiques, grecs ou romains, n'ont pas accepté cette résurrection qu'ils jugeaient irrationnelle. Puis l'empire romain s'est écroulé et les peuples nordiques se sont installés dans les territoires ainsi abandonnés. Pendant quelques siècles, la pensée chrétienne mûrit lentement, à l'intérieur des couvents irlandais en particulier. Avec le onzième siècle, cette pensée quitte le monde un peu clos des hommes d'Eglise et envahit tous les peuples de l'Europe. Chaque chrétien, chaque citoyen se doit de préparer son propre salut et le triomphe final du bien. Chaque jour le chrétien lutte pour éliminer le mal en lui et construire avec ses frères, en attendant le jugement dernier, la Jérusalem terrestre, reflet bien imparfait de la Jérusalem céleste qui nous attend tous si nous sommes les élus du Seigneur.
Cette vision du monde, donnant un sens à notre vie individuelle mais aussi à notre devenir collectif, s'est imposée à la chrétienté et a été acceptée comme une explication globale du passage de l'homme sur terre. A partir de cette époque, l'Europe a progressivement dominé le monde et la pensée chrétienne a été diffusée partout. Il est possible que le succès politique des peuples adhérant à la pensée judéo-chrétienne ait été secondaire à la cohérence qu'ils sentaient dans leur vie, du fait de cette religion. L'immense succès des religions chrétiennes montre que l'explication qu'elles proposaient était bien adaptée aux besoins des hommes de ce temps-là.
Galilée et la rotation de la terre
L'esprit humain a continué sans arrêt à accumuler de nouvelles connaissances sur la création. Dans tous les domaines, chaque jour, une précision nouvelle s'est ajoutée aux connaissances anciennes. Génétiquement l'homme cherche à perfectionner sa connaissance de l'environnement et à lui trouver une explication. Il n'est satisfait que lorsqu'il lui semble tout connaître d'un sujet. Il a par exemple aujourd'hui une connaissance de la géographie de la France qui lui semble complète: il ne reste plus un ruisseau, un village ou une colline à découvrir. Il ne va donc plus consacrer son temps et sa réflexion à poursuivre cette étude.
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Il est arrivé un moment où le niveau atteint par la connaissance scientifique de l'espace-temps a donné une vision du monde divergeant sensiblement de l'explication judéo-chrétienne. Jusqu'à Galilée, la vision chrétienne faisait tourner le soleil autour de la terre. Les observations et les calculs de Galilée l'ont amené à penser que la terre tournait autour du soleil. Un violent conflit est né entre Galilée et les partisans de l'explication judéo-chrétienne. Les hommes d'Eglise, défenseurs des Livres Saints, ont eu peur de l'explication donnée par Galilée. Ils ont senti que la dialectique, utilisée par Galilée et lui permettant de découvrir la rotation de la terre autour du soleil, pourrait être appliquée aux dogmes mêmes de l'Eglise et remettre ainsi en cause toute la foi sur laquelle reposait la civilisation. Galilée fut condamné, comme le fut en son temps Abélard qui avait usé lui aussi de la dialectique. Mais la brèche était ouverte et la terre tournait bien autour du soleil. L'explication religieuse de l'espace-temps, croyance dominante de l'époque, se trouvait de plus en plus inadaptée après chaque nouvelle découverte de la science. L'image de la création construite par les scientifiques s'éloignait de plus en plus de l'image révélée dans la Bible.
La rapide évolution des connaissances scientifiques allait remettre en cause fondamentalement l'explication judéo-chrétienne. Chaque jour était proposée une vision du monde plus cohérente et de plus en plus éloignée de l'explication religieuse. Cette remise en cause est allée en s'accélérant. L'explication religieuse a reculé devant l'explication scientifique. L'esprit humain a découvert alors le principe de causalité. La génération spontanée n'existait pas. Pasteur l'a démontré. Tout ce qui existe a une explication non divine. La source n'est plus la naissance miraculeuse d'eau pure au milieu du désert: elle n'est que la résurgence d'eau de pluie tombée du ciel en amont. Dieu n'avait finalement rien à voir avec la pousse du blé, la reproduction des moutons ou la rotation de la terre autour du soleil. Sa responsabilité diminuait au fur et à mesure que la science fournissait ses propres explications.
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L'Eglise, parfaitement consciente du risque que lui faisait courir une explication scientifique de plus en plus solide et éliminant Dieu de toute la création, s'est progressivement repliée sur les textes sacrés et révélés. Elle a abandonné aux scientifiques l'explication de l'univers tout en livrant un combat d'arrière-garde contre les hommes de science. Bien des scientifiques se sont alors séparés de la pensée judéo-chrétienne et ont pris des positions anti-religieuses de plus en plus violentes. Certains ont même eu tendance à leur tour à imposer leur vision athée, sans exiger d'eux-mêmes toute la rigueur scientifique nécessaire. La spécialisation issue de l'immense augmentation de la connaissance humaine a favorisé une telle évolution. Un philosophe ou un théologien ne pouvait plus opposer d'arguments à un spécialiste de la biochimie moléculaire ou de l'astrophysique. Un homme spécialisé dans un domaine très limité de la science ne pouvait plus avoir une vision suffisamment globale de la création pour en percevoir toute l'immense complexité.
Darwin et l'évolution des espèces
Les temps de la remise en cause fondamentale de l'explication judéo-chrétienne étaient venus. Tout craquait de toute part. L'Eglise s'accrochait désespérément à sa vision statique de la création du monde. Dans le monde scientifique, le courant anti-religieux prenait de plus en plus de force.
Darwin découvrit en 1859 dans les îles Galapagos une dizaine d'espèce de pinsons. Si toutes ces espèces différaient les unes des autres par la taille, la forme du bec ou le coloris du plumage, les observations de Darwin l'amenèrent à constater qu'il s'agissait cependant d'espèces voisines. Celles-ci, à l'évidence, semblaient toutes dérivées d'un ancêtre commun qui, d'une île à l'autre, avait évolué d'une façon différente selon la pression du milieu naturel. Dans telle île, un pinson ayant acquis par une mutation fortuite un bec plus long que celui de ses parents devenait mieux adapté que ceux-ci à la chasse des insectes dans les anfractuosités des arbres. Ainsi ce "mutant" pouvait non seulement subsister de manière préférentielle par rapport à l'espèce originelle mais également imposer sa descendance face à celle des pinsons classiques.
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La sélection naturelle, découvrant par un processus aléatoire une particularité anatomique plus performante, engendrait une évolution au sein d'une espèce donnée. De la même manière, sur une autre île, une sous-espèce de pinsons ayant obtenu une taille plus petite, devenait prépondérante car plus capable de se protéger de ses prédateurs en se glissant sous les rochers. Darwin observait de manière scientifique que le monde animal ne restait pas immuable comme le prétendait la Bible. A partir de ces constatations élaborées lors de son étape aux îles Galapagos, il échafauda sa théorie dite "restreinte" de l'évolution des espèces . '"Les espèces vivantes ne demeuraient pas figées, mais subissaient un glissement très progressif, induit par des mutations fortuites, elles-mêmes sélectionnées sous la pression du milieu naturel". Selon le même procédé, on pouvait expliquer l'apparition du long cou de la girafe ou celle de la couleur du pelage de l'ours polaire. L'un permettait de mieux saisir les feuilles situées à la cime des arbres, l'autre autorisait un camouflage parfait dans la neige.
Ainsi la théorie restreinte ou "micro-évolutionniste" expliquait les changements observés au sein d'une même espèce. A partir de cette théorie, Darwin élabora une vision beaucoup plus générale du phénomène créatif. En extrapolant à partir des observations faites sur les pinsons des îles Galapagos, il émit l'hypothèse que l'ensemble du monde vivant provenait d'un ancêtre commun. Il imagina une "théorie générale" de l'évolution. Toutes les espèces végétales ou animales descendaient d'un unique organisme. Même s'il restait discret sur les origines de la vie, il supposa en fait qu'à partir d'une amibe s'étaient différenciés les ordres, les familles, les genres et les espèces de toute la biosphère. Et ce, grâce à la sélection naturelle seule. Cette "théorie générale", soutenant une évolution et aussi, de façon plus implicite, une création due au hasard pur, se trouvait donc en total désaccord avec ce que prétendait la Bible. Plus question d'un dieu, quel qu'il soit, à l'origine de l'univers vivant: celui-ci s'était édifié au gré des mutations présidées par le hasard.
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Les observations de Darwin sur les pinsons étaient justes. Bien que les chromosomes et les mutations chromosomiques n'aient pas encore été connus, les théories de Darwin sur l'évolution générale eurent un immense succès dans le monde scientifique. L'évolution observée sur un petit groupe animal fut étendue sans beaucoup d'esprit critique à tout le phénomène vivant. Une explication scientifique globale de la vie sur terre était proposée et acceptée. De la cellule vivante initiale, née un jour sur terre, sont issus les poissons qui évoluèrent vers les reptiles. Des reptiles, on passa aux batraciens et enfin on aboutit aux mammifères. Parmi les mammifères, une branche évolua vers les primates dont les singes et les hommes sont issus. L'homme n'est plus créé à l'image de Dieu. L'homme devient le cousin germain du grand singe et tous deux ont l'amibe pour ancêtre commun.
Une telle vision du phénomène vivant allait rapidement être diffusée dans tous les esprits. Bien qu'elle ne fût démontrée que sur de très petites séquences, la théorie générale de l'évolution des espèces fut en pratique acceptée par l'ensemble du monde scientifique sans qu'il soit fait appel à toute la rigueur nécessaire pour la confirmer ou l'infirmer. En effet une explication scientifique cohérente et globale était proposée : elle fut rapidement acceptée. Elle se substituait à l'explication globale issue de la religion. La science triomphait, Dieu disparaissait, remplacé par le hasard. Les hommes de foi livraient un combat desespéré, critiquant les points faibles d'une théorie loin d'être parfaitement démontrée. Mais ces critiques étaient rapidement éliminées par les adeptes de la théorie évolutionniste. L'Eglise continuait cependant à considérer que l'explication religieuse n'était pas nécessairement remise en cause par les nouvelles données de la science.
Teilhard de Chardin et le phénomène humain
Dans cette atmosphère de lutte scientifico-religieuse, d'où les coups bas n'étaient pas toujours absents, une nouvelle explication de la création fut avancée par un homme d'Eglise, un Jésuite, Teilhard de Chardin. Explication audacieuse pour un homme de foi, car Teilhard acceptait globalement la théorie darwinienne.
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Pour lui le monde vivant avait bien évolué depuis la création jusqu'à l'homme et le grand singe pouvait être le petit-cousin de l'homme. L'homme n'en gardait pas moins ses extraordinaires qualités: il observait l'espace-temps, il essayait de le comprendre, d'en trouver les origines et il cherchait à en connaître le devenir. L'homme se servait de la science pour trouver une réponse aux questions métaphysiques qui n'étaient pas toutes résolues par la théorie générale de l'évolution. Le hasard n'expliquait pas tout.
Pour Teilhard, l'évolution de la société humaine se faisait dans une direction donnée, vers une "mégasynthèse" finale: le Point Oméga, synthèse où se retrouveraient unis dans le Christ tous les hommes. Teilhard, en s'appuyant sur les théories évolutionnistes, voyait les hommes avancer vers un immense ensemble dans lequel chacun, du fait de sa nécessaire spécialisation, devenait dépendant des autres hommes. Il nommait ce phénomène "socialisation", donnant ainsi à ses écrits une résonance politique, alors que le terme de "socialisation" n'avait dans son esprit aucun rapport avec la politique.
Tout en s'appuyant sur les données de l'évolution, Teilhard proposait, du fait même de cette évolution, une nouvelle eschatologie. Il reprenait l'alpha et l'oméga chrétiens en les éclairant des dernières données de la science. L'Eglise a immédiatement estimé que ces explications sentaient terriblement le soufre et Teilhard fut mis à l'index, comme Abélard et Galilée l'avaient été. Ses manuscrits ne purent être publiés de son vivant. Les scientifiques opposés à l'Eglise ne firent pas non plus un bon accueil aux idées de Teilhard: ils ne virent dans son oeuvre qu'une annonce prophétique de la fin du monde, annonce n'ayant pas de support scientifique. Ainsi Teilhard fut rejeté par les hommes d'Eglise et par les hommes de science, exceptionnellement réunis. Mais le succès populaire de la pensée de Teilhard, offrant une nouvelle explication globale de la création, fut grand: le remplacement de Dieu par le hasard était loin de satisfaire tous les esprits. Depuis Vatican II, l'Eglise a finalement adopté toute une partie de la vision teilhardienne du monde.
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La percée des astrophysiciens et la théorie du Big Bang
Les travaux de Louis de Broglie sur la physique quantique, puis les travaux d'Einstein sur la relativité firent décoller de façon fantastique les connaissances scientifiques sur les origines du monde, tandis que la puissance des engins qui fouillaient l'espace faisait reculer à des distances fabuleuses les limites du monde connu . Bientôt la théorie du "Big Bang" vit le jour. Théorie selon laquelle, il y a une quinzaine de milliards d'années, dans une immense explosion de particules primordiales d'énergie, naissait notre espace-temps. Le monde dans lequel nous vivons aurait eu un immense feu d'artifice comme point de départ. Même si, pour les spécialistes de la question, les notions classiques de temps ou d'espace ne peuvent s'appliquer à cette période tout à fait initiale de notre univers, les astrophysiciens nous décrivent maintenant, minute après minute, les premiers temps de notre monde. L'alpha de toutes choses n'est plus une abstraction, il devient un fait concret absolument extraordinaire, à l'origine d'un enchaînement de mieux en mieux connu d'événements très précis. Il donne à l'espace-temps une origine et une évolution.
La théorie du big bang a rapidement été acceptée par la majorité du monde scientifique: elle était issue de calculs scientifiques. Différentes observations sont venues lui apporter par la suite une solidité qu'elle n'avait pas au départ. L'observation de la radiation fossile, née de la séparation de la matière et du rayonnement, ou l'analyse chimique des constituants du nuage primordial de matière ont confirmé a posteriori ce qu'avaient prévu les calculs des théoriciens. Mais aujourd'hui, bien que ces confirmations de la théorie la rendent encore plus crédible, un courant de pensée tend à la rejeter, pour des raisons d'ordre plus métaphysique que scientifique d'ailleurs. Si en effet on admet la théorie du big bang comme description scientifiquement valable de l'origine du temps et de l'espace, le big bang devient le début de "notre histoire". Il est le point de départ d'un phénomène créatif qui va aboutir en quinze milliards d'années à installer sur la terre un être doué de pensée réfléchie, un être qui aura, grâce à cette qualité, les moyens
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La percée des astrophysiciens et la théorie du Big Bang
Les travaux de Louis de Broglie sur la physique quantique, puis les travaux d'Einstein sur la relativité firent décoller de façon fantastique les connaissances scientifiques sur les origines du monde, tandis que la puissance des engins qui fouillaient l'espace faisait reculer à des distances fabuleuses les limites du monde connu . Bientôt la théorie du "Big Bang" vit le jour. Théorie selon laquelle, il y a une quinzaine de milliards d'années, dans une immense explosion de particules primordiales d'énergie, naissait notre espace-temps. Le monde dans lequel nous vivons aurait eu un immense feu d'artifice comme point de départ. Même si, pour les spécialistes de la question, les notions classiques de temps ou d'espace ne peuvent s'appliquer à cette période tout à fait initiale de notre univers, les astrophysiciens nous décrivent maintenant, minute après minute, les premiers temps de notre monde. L'alpha de toutes choses n'est plus une abstraction, il devient un fait concret absolument extraordinaire, à l'origine d'un enchaînement de mieux en mieux connu d'événements très précis. Il donne à l'espace-temps une origine et une évolution.
La théorie du big bang a rapidement été acceptée par la majorité du monde scientifique: elle était issue de calculs scientifiques. Différentes observations sont venues lui apporter par la suite une solidité qu'elle n'avait pas au départ. L'observation de la radiation fossile, née de la séparation de la matière et du rayonnement, ou l'analyse chimique des constituants du nuage primordial de matière ont confirmé a posteriori ce qu'avaient prévu les calculs des théoriciens. Mais aujourd'hui, bien que ces confirmations de la théorie la rendent encore plus crédible, un courant de pensée tend à la rejeter, pour des raisons d'ordre plus métaphysique que scientifique d'ailleurs. Si en effet on admet la théorie du big bang comme description scientifiquement valable de l'origine du temps et de l'espace, le big bang devient le début de "notre histoire". Il est le point de départ d'un phénomène créatif qui va aboutir en quinze milliards d'années à installer sur la terre un être doué de pensée réfléchie, un être qui aura, grâce à cette qualité, les moyens de reconstituer l'image de toute cette longue création. Le big bang devient l'alpha de toutes choses. Avant sa découverte, il y avait les physiciens qui expliquaient scientifiquement le comportement des particules fondamentales, les chimistes celui des atomes ou des molécules, les biologistes celui des êtres vivants, les astronomes celui des étoiles ou les météorologues celui des nuages. Chacun restait confiné dans sa spécialité.
Le big bang, origine de toutes choses et de toutes sciences, est décrit. Il devient la source commune de tout ce qui existe dans l'espace-temps. Mais il n'est pas expliqué. Son immensité, sa puissance, ses fantastiques caractéristiques laissent éblouis ceux qui essaient de le cerner. Certains scientifiques recommencent même à parler d'un "Créateur", au nom même de l'esprit scientifique qui ne peut accepter la génération spontanée. Il faut pourtant bien donner une explication à l'inexplicable. La puissance du Dieu créateur unique de la Bible éblouissait déjà nos ancêtres alors que ce qu'ils connaissaient de la création se réduisait à quelques milliers d'arpents. L'espace et le temps étaient pour eux bien rétrécis du fait de leur ignorance. L'espace-temps issu du big bang est au contraire fabuleux dans ses dimensions, son contenu, sa puissance, ses potentialités évolutives. Quel phénomène peut avoir engendré une telle créature? L'esprit religieux, en découvrant il y a quelques milliers d'années son Dieu créateur, ne pouvait voir que très petit. L'esprit scientifique, en découvrant les origines et l'évolution de l'espace-temps, ne lésine pas sur les dimensions de la création et il n'arrive pas à en saisir la réalité tellement le monde révélé par ses calculs est immense et complexe, incroyablement immense et complexe.
Le big bang, dernier-né de l'esprit scientifique, pose à nouveau le problème du créateur et de la création. La physique remet en selle la métaphysique.
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La biologie moléculaire et l'automne du Darwinisme
Tandis que les astro-physiciens, tout en nous ouvrant des horizons sans limites, nous plongent dans d'insolubles problèmes
scientifiques et nous poussent à nouveau vers la métaphysique, tout un apport des sciences modernes remet en cause très sérieusement la théorie générale de l'évolution de Darwin. La découverte des chromosomes et de leurs mutations avait donné le support scientifique solide à la théorie restreinte de la micro-évolution. L'évolution des pinsons, telle que Darwin l'avait présumée, avait été confirmée pour d'autres espèces sans que personne ne conteste sérieusement une telle transformation du vivant. Mais la mutation génétique survenue sous l'influence de différents facteurs présidés par le hasard dans le cadre d'une espèce particulière est une chose, la théorie générale de l'évolution est une toute autre chose.
Tout d'abord, à de trop rares exceptions près, aucune fouille n'a permis la découverte d'un des nombreux ancêtres communs à deux espèces, ancêtre dont la théorie de Darwin rendait indispensable l'existence. On n'a toujours pas trouvé l'hypothétique ascendant commun du chat et du lion, ni celui des félins et des canidés ou des mammifères et des reptiles. Alors que les fouilles se multiplient, deviennent de plus en plus minutieuses et crédibles, font découvrir les restes de nombreuses espèces disparues, donc augmentent de façon importante le nombre des espèces de transition exigé par la théorie, ces fouilles ne nous fournissent jamais de tels êtres fossiles. La paléontologie moderne nous éloigne de la vision darwinienne du vivant.
Ensuite l'évolutionnisme s'appuyait d'une façon quasi vitale sur l'homologie. Cette spécialité compare les analogies de structures qui existent entre les organes ou les membres de différentes espèces animales. Grâce à elle, Charles Darwin crut tenir une des preuves irréfutables de ce qu'il avançait. Si par exemple il existait une grande similitude entre la configuration du squelette d'une aile d'oiseau et celle d'un membre supérieur de mammifère, il supposait que cela impliquait nécessairement un ancêtre commun aux espèces aviaire et mammifère. Une telle hypothèse sous-entendait implicitement que les processus embryologiques, hérités de cet ancêtre commun et qui conduisaient à la formation d'une aile ou d'un membre supérieur, étaient identiques.
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Selon le même raison-nement, le rein, organe partagé par tous les vertébrés, proviendrait d'un parent commun aux reptiles et aux mammifères d'une part, aux amphibiens et aux poissons d'autre part: il serait engendré à partir de tissus embryologiques identiques, appartenant tout à la fois à ce parent commun et à l'ensemble des vertébrés. Or une telle supposition est totalement démentie par la foetologie. Le mé-sonéphros est responsable du rein des poissons et des amphibiens, tandis que le métanéphros, totalement différent et indépendant du mésonéphros, est à l'origine du rein des reptiles et des mammifères. Que serait l'origine du rein de l'hypothétique ancêtre commun? L'homologie moderne nous éloigne de la vision darwinienne du vivant.
La biochimie moléculaire devrait également confirmer la filiation avancée par la théorie générale de l'évolution. On devrait retrouver dans la constitution biochimique des cellules des poissons, des batraciens, des reptiles et des mammifères une évolution des molécules allant progressivement du poisson à l'homme. L'hémoglobine du poisson devrait, en se transformant, aboutir à l'hémoglobine humaine en passant par la structure chimique intermédiaire de l'hémoglobine des batraciens et des reptiles. Or l'hémoglobine du poisson est plus proche de celle de l'homme que l'hémoglobine du batracien. Et dans toutes les structures biochimiques des êtres vivants, il en est ainsi. La biochimie moléculaire nous éloigne de la vision darwinienne du vivant.
Enfin les sciences statistiques nous permettent maintenant de calculer avec une fourchette de plus en plus précise le temps dont a besoin de disposer l'évolution du vivant pour pouvoir se réaliser. Si le hasard avait seul présidé à l'évolution des espèces, cette évolution aurait eu besoin de disposer d'un temps beaucoup plus long qu'elle n'a eu pour aboutir au milieu écologique actuel sur terre. Il aurait fallu un temps infiniment plus long pour "essayer" toutes les solutions possibles offertes par le hasard. La statistique moderne nous éloigne de la vision darwinienne du vivant.
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Ainsi le niveau atteint par la connaissance scientifique aujourd'hui rend la théorie générale de l'évolution obsolète. Au dix-neuvième siècle la science avait rendu non crédible l'explication religieuse de la création. La science rend tout autant non crédible aujourd'hui la théorie générale de Darwin.
Et cependant l'évolution s'est faite. Le big bang a eu lieu. L'énergie a engendré la matière, la vie a émergé de la matière et abouti, après une longue évolution, à l'homme, ce vivant génétiquement condamné à observer la création, à lui trouver une explication et un sens.
Le besoin viscéral d'expliquer est plus fort que jamais
Grâce à la science l'homme a une vision extraordinaire de la création. Il découvre par le calcul le fantastique et mystérieux big bang, alpha de toutes choses, qui projette dans tout l'espace une infinité de particules énergétiques. Il photographie les vastes et belles spirales que dessinent dans l'espace les étoiles rassemblées en galaxies, la surface des planètes ou l'oeil du cyclone autour duquel s'organise la ronde folle des nuages, les molécules ou les atomes. Il décrit la mobilisation de toutes les cellules concernées par l'introduction de microbes dans un organisme et suit dans le détail, minute par minute, les phases de ce combat où l'intelligence des moyens utilisés par l'agresseur le laisse tout aussi émerveillé que l'intelligence des moyens utilisés par l'agressé. Il découvre la perfection, la fantastique miniaturisation du sonar de la chauve-souris ou de l'oeil de l'aigle.
Plus la science progresse dans la connaissance de la création, plus cette création nous étonne par son extraordinaire complexité, ses fantastiques qualités, son incroyable perfection. Notre intelligence humaine découvre dans tout ce qui a été créé une infinité de solutions techniques dont la rigueur, la qualité ou la complexité éblouissent par l'extraordinaire intelligence qui a été nécessaire. Le hasard seul serait, selon certains, à l'origine de tout cela. Il semble que l'introduction des sciences statistiques rende une telle hypothèse obsolète. Mais si nous admettons cependant encore que le hasard a réellement présidé à la mise en place de tous ces mécanismes éblouissants d'intelligence, nous sommes obligés de nous poser des questions multiples et fondamentales sur la nature du hasard.
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L'homme devient à son tour créateur
La science moderne, non contente de décrire de mieux en mieux la création, offre à l'homme les moyens de créer. Il crée de nouvelles molécules que la nature n'avait pas jugé "utile" de créer et même maintenant de nouveaux atomes, qui n'avaient pas trouvé place dans le tableau de Mendeleïev. Il modifie chaque jour de nouvelles espèces vivantes et sélectionne ainsi des rosés aux coloris chatoyants, des blés performants ou des cochons maigres. Avec le génie génétique, l'homme peut modifier de façon radicale le capital chromosomique de tout être vivant. Il peut quitter la simple modification réalisée dans le cadre d'une espèce pour créer une espèce nouvelle. Il semble avoir trouvé non seulement les moyens utilisés par la micro-évolution des espèces, mais aussi ceux utilisés par la macro-évolution. Il commence actuellement à rédiger la carte génétique de certaines espèces vivantes comme il rédigeait, il y a quelques siècles, la carte de la terre. Le temps n'est pas éloigné où il pourra modifier cette carte génétique, remplacer un gène anormal par un gène normal.
Mais l'homme ne se contente pas d'agir sur ce qui avait été créé avant lui, il invente pour édifier sa propre société. Il fabrique des bateaux, des avions, des engins spatiaux, des villes ou des autoroutes. Il dote ses yeux de jumelles, de télescopes géants, de microscopes électroniques ou d'échographes. Il légifère pour donner une organisation solide à sa vie sociale.
La science au secours de la foi
Chaque jour la science nous offre le spectacle d'une création de plus en plus fabuleuse. Elle nous permet d'affirmer qu'il existe un phénomène créatif ayant débuté il y a quinze milliards d'années. Ce phénomène créatif poursuit inexorablement son chemin. Il nous apparaît fantastique par la complexité qu'il implique, par les solutions éblouissantes d'intelligence qu'il utilise. Or tous les acteurs de ce phénomène avant l'homme sont des êtres inconscients. Leur comportement est totalement programmé. Une programmation de chacun d'eux a donc été nécessaire.
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Puis l'homme est apparu. Il possède un cerveau qui est, dans le phénomène créatif, une innovation fondamentale: ce cerveau lui permet d'avoir un comportement non programmé alors que le comportement de tous les éléments créateurs l'ayant précédé était totalement prédéterminé. Avec son cerveau l'homme reconstitue l'histoire et l'image de la création dont il veut comprendre et expliquer toutes les étapes. Avant lui aucun existant n'avait eu ce souci. Enfin l'homme crée à la surface de la terre sa propre société, inventant tous les instruments dont elle a besoin, que ce soit des lois, des champs ou des moteurs. Il devient créateur à son tour.
La science nous permet de connaître cette fabuleuse histoire. Avant l'homme ce n'était qu'une création aux origines mystérieuses échelonnée sur quinze milliards d'années, une création continue. Avec l'homme surgit une intelligence qui va à la rencontre de l'intelligence contenue dans la création. Avec l'homme apparaît le créateur d'une nouvelle société. La science reconstitue ce fantastique édifice, elle ne lui donne pas d'explication. En rendant caduque l'explication darwinienne du vivant, elle a même détruit une explication qu'elle avait apportée. La métaphysique redevient indispensable à l'homme car, génétiquement, il ne peut vivre sans comprendre la création. Mais la métaphysique doit, avant même de formuler la moindre hypothèse, de donner la moindre réponse, intégrer toutes les données de la science sans en oublier aucune.
L'homme a donc, plus que jamais, du fait du haut niveau atteint par la science, besoin de comprendre l'ensemble de la création. Il veut avoir une vision globale de ce phénomène très complexe. Il veut surtout comprendre quelle est sa place à lui et quel est son rôle dans ce vaste édifice.
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Nous avons une très grande ambition: proposer une ébauche de réponse à ces questions.
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II
LA CREATION AVANT L'HOMME
La science a progressivement substitué une vision différente à celle proposée par la Bible, vision évolutive aboutissant à l'homme, après une longue histoire de 15 milliards d'années. Jusqu'au dix-septième siècle, l'explication religieuse de la création a été la seule admise par l'Occident chrétien. Seulement depuis cette époque, la science a commencé à substituer son explication à celle de la religion.
Un accord pratiquement unanime du monde scientifique se fait aujourd'hui sur la théorie du "Big Bang". Cette quasi-unanimité est une des réalités fondamentales de ces dernières années. Accepter la théorie du big bang, c'est accepter que notre espace-temps ait un début, une évolution, donc une histoire. Dans cette histoire, l'homme tient une place privilégiée : il est le premier existant capable de reconstituer dans sa tête l'image de l'espace-temps.
L'évolution de l'espace-temps est marquée par de très nombreux phénomènes. Parmi eux, nous ne retiendrons que celui qui nous apparaît comme le plus important: celui qui est caractérisé par une succession d'unions, de synthèses, de créations. Ainsi certains éléments privilégiés de l'espace-temps, que nous nommerons "Existants", possèdent en eux les qualités leur permettant de s'unir au moment précis où leur environnement rend cette union possible.
Il nous semble important de décrire les étapes successives de cette "Montée de l'Organisé" avant d'aborder le comportement humain. La montée de l'organisé est aujourd'hui un phénomène globalement accepté par le monde scientifique, même si de nombreux points particuliers n'ont pas encore reçu de la science une explication complète et totalement satisfaisante.
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Notre univers ne fut au début qu'un monde constitué d'éléments infiniment petits: les particules primordiales d'énergie. A partir de ces éléments infiniment petits, une succession de cinq synthèses a créé chaque fois, par l'union d'existants de rang inférieur, un existant de rang supérieur et a abouti ainsi sur terre aux métazoaires. Particules primordiales, particules fondamentales, atomes, molécules, cellules vivantes et métazoaires sont les cinq existants créés depuis le big bang. L'homme est un métazoaire.
Le temps fou des particules fantômes
Notre univers a un début, même si les spécialistes n'écrivent son histoire qu'une infime fraction de seconde après le temps zéro. L'univers du début, dans sa totalité, est encore des milliards de fois plus petit qu'un noyau d'atome d'hydrogène. Par contre sa chaleur, sa densité et son énergie atteignent des niveaux absolument fabuleux. Ce monde, plus petit qu'une pointe d'aiguille, a déjà une dimension et un volume. Il semble que, dans ce monde infiniment chaud, les quatre forces qui agiront ensuite dans l'univers soient réduites à deux forces: la force électro-nucléaire(qui regroupe la force électro-magnétique et les forces nucléaires forte et faible) et la force de gravité. Le "vide quantique" remplit ce monde extraordinaire mais, selon le principe d'incertitude, ce vide est en fait un vide bouillonnant d'énergie, en pleine effervescence. Une multitude de particules et d'antiparticules fantômes y apparaissent et disparaissent dans des cycles de vie et de mort de très courte durée, l'union mortelle de la particule à l'antiparticule correspondante anihilant ce qui avait pu exister un instant plus tôt. Dans ce monde encore infiniment petit, tous les constituants du futur univers sont étroitement en contact les uns avec les autres, ce qui explique la grande uniformité des constituants du monde futur.
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Les particules fantômes, insaisissables, apparaissent comme le matériau primordial de l'univers.
Les premières créations: les particules primordiales
Une fraction de seconde plus tard, sous l'influence d'une baisse de la température, la force électronucléaire se divise en deux forces: la force nucléaire forte d'une part et la force électrofaible d'autre part (qui regroupe encore la force électro-magnétique et la force nucléaire faible que nous retrouverons plus loin). Trois forces vont agir alors sur le monde fou des particules naissantes: la force électrofaible, la force nucléaire forte et la force de gravité. C'est le début de la lente ascension de l'univers vers la complexité. C'est aussi le point de départ d'une fulgurante expansion qui va durer de 10~35 à 1O"-" seconde que l'on nomme la "phase inflationnaire" et qui va mener notre univers de la taille d'une pointe d'aiguille à la taille d'une orange de 10 cm de diamètre. Selon les calculs des théoriciens, cette expansion a dû aussi s'accompagner de la création, en dehors de notre espace-temps, d'une multitude d'autres univers. Cantonnons-nous à notre seul espace-temps. Sa taille n'est encore que celle d'une orange. Ce volume rend notre observation plus réaliste.
Cette expansion brutale va permettre la création dans le vide quantique des particules et des antiparticules. Leur existence sera encore bien brève mais le vide quantique n'est plus seulement peuplé de fantômes. Les quarks, les électrons, les neutrinos et leurs antiparticules vont surgir du vide. A peine nés, ces existants rencontrent leurs antiparticules et se détruisent immédiatement pour devenir des photons, les grains porteurs de lumière. Ces photons disparaissent à leur tour pour donner naissance à de nouvelles particules-antiparticules. L'univers, gros comme une orange, n'est qu'une soupe encore très brûlante, dense et agitée de neutrinos, d'électrons, de photons et de quarks côtoyant leurs antiparticules. De fantômes les particules primordiales deviennent éphémères. Elles n'existaient pas avant, maintenant elles existent mais leur brève durée les replonge immédiatement dans la structure d'un photon.
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Puis elles vont réapparaître avec leurs antiparticules par la rapide destruction du photon.Si chacun de ces premiers éléments de la création avait été doté d'une antiparticule, ils se seraient tous annulés en créant un photon et, seuls alors, les photons et la lumière auraient peuplé l'univers. Mais heureusement pour l'espace-temps, pour chaque milliard d'antiquarks créés, il y avait un milliard et un quarks créés. Il est donc resté de ces premiers temps de l'univers un quark pour un milliard de photons. Le quark allait être à l'origine de la matière, les photons allaient être à l'origine de la lumière.
La soupe dans laquelle s'agitent quarks, électrons, neutrinos, photons et leurs antiparticules commence déjà à ne plus avoir une structure uniforme. Des centres plus denses y côtoient des centres moins denses. Ces irrégularités iront en s'accroissant et seront à l'origine des galaxies et des espaces intergalaxiques.
Ainsi, dans un monde devenu brutalement expansif pendant une infime fraction de seconde, sont nées les particules primordiales qui allaient être à l'origine de la matière: les quarks et les électrons. Tandis que certains quarks n'étaient plus dotés de leurs antiquarks et acquéraient ainsi une certaine stabilité, les électrons avaient encore chacun leur antiélectron et disparaissaient aussitôt qu'ils étaient créés. Dans la montée vers l'organisé, les quarks allaient prendre une courte avance sur les électrons.
Les premières unions: protons et neutrons
Puis l'expansion du monde se ralentit et acquiert un rythme beaucoup plus lent qui restera pratiquement le même pendant 15 milliards d'années. Le volume de l'espace-temps progresse cependant encore bien rapidement tandis que la température et la densité diminuent régulièrement tout en se maintenant à des hauteurs encore fabuleuses. Les particules et les antiparticules s'agitent un peu moins, mais leur danse reste folle. Une fraction de seconde plus tard, quand la sphère rassemblant tout l'espace-temps a un rayon dont la longueur est proche de la distance terre-soleil, un nouvel événement important se produit: la force électro-faible se divise en force électro-magnétique et force nucléaire faible. Ainsi les quatre forces qui vont régir à l'avenir le destin du monde sont en place: la force électro-magnétique, la force nucléaire forte, la force nucléaire faible et la force gravitationnelle sont là et prêtes à agir.
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Les quarks trouvent dans leur structure le moyen de se différencier les uns des autres. Certains d'entre eux acquièrent une charge électrique positive égale aux deux tiers de la charge de l'électron. D'autres acquièrent une charge négative égale au tiers de la charge de l'électron. L'agitation diminuant, la force nucléaire forte va pouvoir intervenir et devenir capable d'unir trois quarks entre eux. Deux quarks à charge positive unis à un quark à charge négative donneront un proton possédant une charge positive égale à celle de l'électron, tandis que l'union de deux quarks à charge négative unis à un quark à charge positive va donner un neutron sans charge électrique. Depuis cette date, jamais les quarks n'ont été libérés, la force nucléaire forte étant totalement invincible jusqu'à ce jour. L'homme n'a donc pas encore observé un seul quark. Il agit pour le quark comme il l'avait fait pour l'atome: il imagine un existant, par son intelligence, par son raisonnement, bien avant d'avoir les moyens d'observation lui permettant de le voir et de trouver ainsi la preuve matérielle de la réalité de cet existant.
Comme protons et neutrons sont créés avec leurs antiprotons et leurs antineutrons, ils vont disparaître à leur tour dans leur immense majorité. La purée de l'univers est maintenant transformée. 11 y persiste toujours le mélange composé de photons, d'électrons, de neutrinos et de leurs antiparticules. Il s'y adjoint aussi des neutrons et des protons associés à leurs antiparticules. Mais comme il avait été créé quelques instants plus tôt plus de quarks que d'an-tiquarks, la purée de l'univers compte maintenant un excédent définitif de protons et de neutrons. Une toute petite minorité dans l'immense population des autres particules, mais une minorité porteuse de tout l'avenir matériel de l'univers.
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Le départ des neutrinos et la stabilité des photons
Avec la poursuite de l'expansion de l'univers, deux événements importants vont avoir lieu.
Le premier survient une demi-seconde après le début de la création. Les particules vont être suffisamment éloignées les unes des autres pour que la force nucléaire faible ne puisse plus retenir les neutrinos dans la soupe primordiale. Ils vont pouvoir s'en échapper.
Le second se produit au temps d'une seconde. Les photons n'ont plus alors assez d'énergie pour se convertir encore en une paire électron-antiélectron. Il n'y a donc plus de renouvellement de ces deux particules et tous les couples électrons-antiélectrons existants vont se détruire en donnant des photons incapables de recréer à nouveau des électrons et des antiélectrons.
Une nouvelle fois, l'espace-temps a failli ne devenir que rayonnement, ne laissant échapper que des neutrinos dans une première vague et des photons une demi-seconde plus tard. Le phénomène qui s'était produit pour les quarks se renouvelle alors pour les électrons. A chaque milliard d'antiélectrons créés, il y a un milliard et un électrons créés. Des électrons stables vont survivre à partir du temps une seconde, chaque électron étant entouré d'un milliard de photons devenus incapables, par diminution de leur énergie, d'engendrer de nouveaux électrons et antiélectrons. Après le quark, une deuxième particule primordiale d'énergie stable, l'électron, est créée.
Ainsi, au temps une seconde, l'univers est essentiellement rayonnement. L'immense foule des neutrinos et des photons submerge le tout petit nombre relatif des électrons et des quarks: les neutrinos ont été libérés et s'échappent dans toutes les directions. Les photons, dont l'énergie baisse régulièrement avec le temps et l'expansion, ne sont plus capables de créer le couple électron-antiélectron. Cependant ils ne peuvent pas encore se libérer comme les neutrinos de la soupe primordiale. Ils sont toujours retenus dans l'univers particulaire en expansion et leur énergie est encore suffisante pour interdire aux protons, aux neutrons et aux électronsde s'unir.
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L'immense foule des photons, responsable du futur rayonnement, maintient isolés les quelques neutrons, protons ou électrons responsables de la future matière. Cette brutale raréfaction des électrons, du fait de la chute de l'énergie des photons, va être à l'origine de la forte diminution des naissances de protons, tandis que la population de neutrons va rester stable.
Au temps une seconde, il n'y a plus qu'un proton pour cinq neutrons. Ainsi se trouve déjà en place un des éléments qui détermineront la constitution chimique de tout l'univers matériel futur.
Le temps de la formation des noyaux atomiques
Le proton, chargé électriquement d'une charge opposée et identique à celle d'un électron, est capable à lui seul de former un noyau atomique. Il sera le noyau du futur atome d'hydrogène. Le neutron n'a pas de charge électrique. Il est de plus très instable. Il ne peut donc seul constituer un noyau atomique. Mais la force nucléaire forte va intervenir. Elle va unir un proton et un neutron, formant un deutéron, noyau du futur deutérium. Au début ce deu-téron est malheureusement peu solide, il est brisé immédiatement par l'agitation des photons.
Au temps 100 secondes, l'énergie des photons a encore baissé. Les deutérons deviennent stables. La force nucléaire forte va poursuivre son action. Elle va unir un autre neutron à un deutéron, créant ainsi un noyau d'hélium 3. Elle unira enfin à ce nouveau noyau un second proton, formant l'hélium 4. La force nucléaire forte, en réalisant de telles unions, s'est montrée plus puissante que la force d'opposition électro-magnétique. Elle a en effet uni entre eux le noyau d'hélium et le nouveau proton, tous deux chargés positivement et de ce fait se repoussant l'un l'autre. Le noyau d'hélium 4 est solide.
La force nucléaire forte essaie encore d'autres combinaisons, augmentant la complexité des noyaux atomiques. Mais ces combinaisons sont instables, les liens créés se rompent immédiatement.
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De plus l'expansion du monde se poursuit, la dilution de l'univers devient telle après 3 minutes à peine que la force nucléaire forte n'est plus capable d'assembler les neutrons et les protons entre eux. Ils sont devenus trop éloignés les uns des autres. Ainsi, avant cette trop grande dilution de la soupe primordiale, les noyaux stables de deux atomes seulement auront eu le temps de naître: les noyaux des futurs atomes d'hydrogène et d'hélium 4 . Au temps 100 secondes, il ne reste plus, du fait de l'arrêt de la production de neutrons par les photons, que deux neutrons pour quatorze protons. Le noyau d'hydrogène est constitué d'un proton. Le noyau d'hélium 4 est formé de deux neutrons et deux protons. Pour un noyau d'hélium créé utilisant deux protons, il sera donc créé douze noyaux d'hydrogène utilisant les douze protons restants. C'est cette proportion qu'indiquaient les calculs de la théorie. C'est cette même proportion qui a été retrouvée par l'observation de l'univers.
Lorsque notre univers est âgé de trois minutes, il n'est constitué que de particules fondamentales qui ont été capables de se spécialiser, de se différencier les unes des autres. Issus de la marmite initiale, les quarks ont réussi à se charger électriquement de façon positive ou négative. Ils ont su se soumettre à la force nucléaire forte et ils se sont ainsi unis pour former des protons et des neutrons. Le proton est devenu le noyau de l'atome d'hydrogène. Puis les forces nucléaire fortes ont encore réussi à unir protons et neutrons entre eux, malgré les forces électro-magnétiques qui s'y opposaient, pour constituer le noyau de l'atome d'hélium. Les électrons de leur côté, qui ont une charge électrique négative, sont issus comme les quarks de la marmite initiale de l'univers. Ils sont prêts à s'unir, sous l'influence de la force électro-magnétique, à des éléments chargés positivement. Mais les conditions d'existence de la soupe initiale s'y opposent. L'énergie des photons est encore trop grande.
Le temps de la naissance des premiers atomes
Pendant 300000 ans, l'univers va poursuivre son expansion sans événement marquant.
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Tandis que son volume augmente, sa densité atteint des chiffres plus facilement imaginables et sa température quitte les milliards de degrés pour descendre jusqu'à 3000 degrés seulement. Les noyaux atomiques d'hydrogène et d'hélium, formés de quarks, les électrons et les photons sont de moins en moins agités et de plus en plus éloignés les uns des autres. La force électro-magnétique n'arrive pas encore à unir électrons et noyaux atomiques, les photons étant en effet encore là. retenus pas les électrons libres et ayant encore suffisamment d'énergie pour casser toute structure atomique naissante. Aux premières 100 secondes de l'univers, riches en événements de toute sorte et marquées par l'union des quarks et la naissance des particules fondamentales, vont succéder 300 000 années où pratiquement rien de nouveau n'apparaît dans la marche vers un monde plus complexe, si les calculs de la théorie sont exacts.
Mais l'énergie des photons baisse régulièrement dans un monde en expansion. Après 300000 ans, ils n'ont plus l'énergie nécessaire pour séparer les noyaux atomiques des électrons. Les électrons vont perdre de façon définitive leur liberté en s'unissant aux noyaux atomiques sous l'influence de la force électromagnétique. La charge électrique des noyaux est positive alors que la charge des électrons est négative. Ainsi sont créés les atomes d'hydrogène et d'hélium. La force nucléaire forte avait, nous l'avons vu, créé les noyaux de ces atomes au temps 3 minutes de l'univers. Ces noyaux ont dû attendre 300 000 ans pour trouver les circonstances favorables à la naissance des premiers atomes.
L'union des électrons aux noyaux atomiques laisse le chemin libre aux photons. Ils vont pouvoir se séparer de la matière naissante et diffuser dans tout l'espace qui leur est ouvert. Les atomes, à peine nés, vont se séparer des photons: matière et rayonnement, condamnés jusqu'alors à coexister dans le même bouillon, se séparent. Avant cette grande séparation, l'univers était opaque et noir. Le départ des photons rend l'univers transparent et lumineux. Nous observons actuellement ces photons séparés de la matière au temps 300 000 de notre univers. Ils ont continué à perdre de l'énergie, leur température n'est plus de 3000° comme au jour de leur libération, ils n'ont que 3° aujourd'hui.
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Mais on perçoit partout ces photons refroidis qui forment le rayonnement fossile issu de l'univers en formation le jour où sont nés les premiers atomes. Le départ des photons va laisser seuls les nouveaux atomes d'hydrogène et d'hélium. Ils vont constituer l'immense nuage de la matière primordiale. Matière qui tient asservis dans la structure atomique les particules énergétiques à l'origine de sa création, les quarks et les électrons. Grâce aux conditions de température et de densité atteintes par l'univers en expansion, la structure atomique devient stable. Dans cette structure stable, les quarks et les électrons gardent totalement leur énergie. La structure atomique devient un réservoir conservant parfaitement l'énergie et la mettant à l'abri de l'entropie, alors que les photons libérés des atomes sont incapables de retenir leur énergie. Au temps 300 000 de notre univers, à la séparation du nuage de matière et du rayonnement, la quasi-totalité de l'énergie initiale de l'univers était liée au rayonnement et la matière n'en contenait alors qu'une infime partie. Avec la perte régulière de l'énergie par les photons, la situation s'est aujourd'hui totalement inversée. Dans notre univers actuel, le rayonnement ne contient plus que le millième de l'énergie présente dans la matière. Il y a eu en apparence un fantastique gaspillage d'énergie pour aboutir à la formation d'un nombre relativement tout petit d'atomes.
Les mécanismes assurant l'expansion de l'univers n'ont pas permis dans un premier temps d'utiliser toutes les potentialités qu'avait la structure atomique. Au temps 3 minutes, dans l'environnement qui était alors le leur, les quatre forces agissant sur l'univers en expansion n'ont eu la possibilité et le temps de créer avec les quarks que des noyaux d'hydrogène et d'hélium: toutes les tentatives de créer des noyaux plus complexes ont échoué. Après ce temps, l'univers en expansion était déjà trop dilaté pour que les particules restantes puissent s'unir: elles étaient trop éloignées pour que la force nucléaire forte puisse agir. Quand les conditions autorisant la naissance de l'atome ont été réunies, trois cent mille années plus tard, les quarks n'avaient pu s'unir que pour former des noyaux d'hydrogène et d'hélium.
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Le nuage primordial de matière n'est donc constitué que d'atomes d'hydrogène et d'hélium, alors que la structure atomique pouvait être à l'origine de bien d'autres atomes plus complexes. Les particules fondamentales d'énergie avaient en elles les ressources nécessaires pour former d'autres noyaux atomiques (elles l'ont prouvé plus tard dans les étoiles) mais elles n'ont pas rencontré alors l'environnement autorisant une telle complexification de l'atome. Deux atomes seulement ont ainsi eu le temps d'être créés. Ils ont été les uniques constituants du nuage primordial de matière.
L'intervention des étoiles permet la création de nouveaux atomes
Plusieurs milliards d'années, probablement trois ou quatre, ont été nécessaires pour que le nuage de matière primordiale toujours en expansion se fractionne, sous l'influence de la force de gravité, en galaxies et en espaces intergalaxiques. Au sein des galaxies, les forces de gravité vont encore dissocier le nuage galaxique en des milliards de petits nuages qui deviendront sphériques. Elles vont contracter de plus en plus ces petites boules nuageuses d'hydrogène et d'hélium. Au coeur de ces boules, la densité va dépasser 160 fois la densité de l'eau et la température va monter à une dizaine de millions de degrés. On retrouve presque les conditions du temps trois minutes de l'univers, moment où ont été créés les premiers noyaux atomiques. Les atomes d'hydrogène et d'hélium vont s'agiter furieusement. La structure atomique vole en éclat, les électrons sont libérés des noyaux atomiques. La force nucléaire forte empêche cependant ces noyaux d'être fragmentés en leurs constituants, les quarks. Une soupe composée d'électrons, de protons et de noyaux d'hélium et d'hydrogène est ainsi créée. Les étoiles entrent en action. La haute température et le flou quan-tique mettent en échec les forces électro-magnétiques qui essaient d'éloigner les uns des autres les protons libérés qui ont tous la même charge électrique. De nouvelles unions deviennent possibles. Les forces nucléaires fortes assemblent alors quatre protons dans un noyau d'hélium. Il se dégage en même temps de l'énergie.
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Un rayonnement important diffuse de l'étoile et s'oppose à l'effondrement auquel l'aurait menée la force de gravitation. En brûlant des protons, l'étoile fabrique des noyaux d'hélium et dégage de l'énergie.
Quand l'étoile a utilisé tous les noyaux d'hydrogène disponibles, quand elle ne dispose plus de protons, elle n'a plus assez de rayonnement pour s'opposer à la force de gravité: son coeur se contracte. La température monte jusqu'à 200 millions de degrés. Trois noyaux d'hélium deviennent alors capables de s'unir pour former un noyau de carbone, tout en dégageant de l'énergie. Cette énergie dégagée va à nouveau s'opposer à la force de gravité. Un équilibre se crée à un second niveau entre les deux forces. La marche vers la complexité peut reprendre. L'étoile réussit là où avait échoué l'univers primordial, faute de temps. Le temps manquait à l'univers en expansion, le temps n'est pas compté à l'étoile dont la matière, au lieu de se diluer dans un univers en expansion, se concentre au contraire dans un nuage en contraction. L'étoile a ainsi pendant 300 millions d'années le temps de fabriquer des noyaux de carbone. Puis ses réserves en noyaux d'hélium diminuant, une nouvelle contraction a lieu. La température atteint 500 millions de degrés. Des éléments plus complexes peuvent naître, en fusionnant des noyaux de plus en plus lourds. Ainsi les noyaux de l'oxygène, du sodium, du magnésium, du phosphore ou du soufre sont créés. Après l'épuisement du nouveau combustible, une nouvelle contraction a lieu, des noyaux atomiques encore plus lourds peuvent naître. Les cycles deviennent de plus en plus courts et les noyaux du fer, du nickel et du cobalt naissent de nouvelles unions au centre de plus en plus chaud et dense de l'étoile.
Avec le fer, une limite est atteinte. Jusque là, l'union de noyaux atomiques entre eux créait des noyaux de plus en plus complexes et dégageait de l'énergie. Le mécanisme de la contraction progressive du noyau de l'étoile pouvait assurer tout seul la marche vers la complexité. Avec le noyau de fer, la fusion thermonucléaire ne dégage plus d'énergie mais a besoin au contraire d'en absorber pour pouvoir se réaliser. L'étoile, à court de combustible, ne peut plus dégager d'énergie. La force de gravité n'a plus la force du rayonnement pour s'opposer à elle: l'étoile s'effondre et meurt. Mais elle meurt de différentes manières, selon sa masse initiale.
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Si elle a une masse inférieure à 1,4 fois la masse de notre soleil, ce qui est le cas de l'immense majorité des étoiles, le coeur de l'étoile se contracte, mais en se contractant il enferme les électrons. Ceux-ci vont s'opposer à la force de gravité. L'effondrement n'est donc pas total. Les couches superficielles de l'étoile forment autour d'elle un anneau gazeux contenant, en plus des noyaux d'hydrogène et d'hélium initiaux non brûlés, les éléments lourds fabriqués tout au long de la vie de l'étoile. Ces noyaux se disperseront ensuite progressivement et lentement dans l'espace sous l'influence des "vents cosmiques" et ensemenceront l'univers.
Si l'étoile est de 1,4 à 5 fois plus lourde que le soleil, les forces de gravité agissent avec beaucoup plus de rapidité que dans le cas précédent. La densité au coeur de l'étoile devient énorme. Les noyaux atomiques ne peuvent résister à un tel environnement: ils éclatent en neutrons et protons. Les électrons libérés se combinent avec les protons pour former des neutrons et des neutrinos. Les neutrinos s'échappent, comme ils le font toujours. Il n'y a donc plus d'électrons pour s'opposer à la force de gravité. Le coeur de l'étoile n'est plus constitué que de neutrons. Ceux-ci arrivent à résister à la force de gravité. Au contact d'un tel milieu dégageant de fabuleuses quantités d'énergie, les fusions d'atomes plus lourds que le fer deviennent possibles en utilisant l'immense énergie disponible. Les noyaux de l'argent, de l'or, du plomb ou de l'uranium peuvent voir le jour. Près de 60 noyaux atomiques nouveaux sont édifiés. Les 92 atomes prévus par Mendeleïev dans le cadre de la structure atomique ont tous trouvé leur noyau. La montée de l'organisé a de nouveau trouvé les conditions nécessaires à sa réalisation et elle a su utiliser toutes les potentialités que lui offrait la structure atomique. Puis les neutrons, devenus résistants dans cet environnement exceptionnel, créent un arrêt brutal de la contraction de l'étoile. Cet arrêt brutal engendre une onde de choc qui projette dans l'univers, à des vitesses fantastiques, toutes les couches périphériques de l'étoile et les noyaux d'atomes lourds qu'elle avait eu le temps de créer. Ainsi l'univers est brutalement ensemencé en noyaux atomiques lourds.
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Si enfin l'étoile a une masse supérieure à 5 fois la masse de notre soleil, les forces de gravité provoquent un effondrement extrêmement violent. Les électrons, bien sûr, mais les neutrons eux-mêmes sont incapables de résister. La gravité crée donc une étoile à tout petit volume mais à densité fabuleuse. La brutalité de l'effondrement provoque une explosion fantastique qui projette les couches superficielles de l'étoile dans l'espace, mais laisse ensuite sur place un "trou noir" de haute densité.
Les quarks, particules primordiales d'énergie issues du vide quantique initial, n'avaient eu que trois minutes pour s'unir en une structure relativement stable, le noyau atomique. Ils n'eurent le temps de former que les noyaux d'hydrogène et d'hélium, les noyaux les plus simples.
Les électrons, autres particules primordiales issues du vide quantique, ne trouvèrent les conditions favorables à leur union aux noyaux atomiques que trois cent mille années plus tard. Ainsi étaient découverte pour la première fois la structure atomique et créés les deux premiers atomes.
L'univers eut ensuite besoin de trois ou quatre milliards d'années pour créer au sein des étoiles les noyaux des 92 atomes stables que la structure atomique rendait possibles. Les étoiles ont réussi à créer tous ces noyaux. Elles les ont ensuite envoyés avec les électrons libres dans le vide interstellaire pour que noyaux et électrons trouvent les conditions favorables à leur union. L'union a eu lieu et les 92 atomes sont nés. A l'uniformité des atomes du nuage primordial se trouve substituée, grâce à l'action des étoiles, la plus grande variété possible d'atomes contenue dans la structure atomique. La montée de l'organisé avait trouvé, grâce aux étoiles, le moyen de diversifier au maximum les atomes, ce que n'avait pas eu le temps de faire l'univers primordial en expansion. Une nouvelle synthèse pouvait se réaliser.
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Les premières molécules
Les atomes nés dans les espaces interstellaires vont se condenser en nuages interstellaires qui, sous l'influence de la force de gravité, vont se contracter à leur tour. De nouvelles étoiles naissent ainsi, vivent et meurent. Plus leur taille est faible, plus leur durée est grande. Plus leur taille est grande, plus leur vie est courte mais plus les atomes qu'elles produisent sont lourds. Les atomes lourds du nuage interstellaire deviennent au fil du temps de plus en plus nombreux. Les atomes de métal constituent aujourd'hui 2% de la masse des galaxies.
Les atomes, bien que tous construits à partir de la même structure, sont différents les uns des autres. Ils ont en particulier des charges électriques différentes qui les rendent, dans certaines conditions, complémentaires les uns des autres. La force électromagnétique est alors capable de les maintenir unis dans une structure stable: la molécule. Malheureusement le nuage interstellaire est d'une très faible densité et les atomes qui pourraient éventuellement s'unir sont très éloignés les uns des autres. Ils seraient tout disposés à s'unir, mais ils ne peuvent se rencontrer. Une trop grande distance les sépare.
Heureusement les petites étoiles étaient là. Elles étaient incapables d'envoyer des noyaux dans l'espace, incapables aussi de former des noyaux plus lourds que celui du fer. Les "vents stel-laires" ont arraché de leurs couches superficielles de très petites poussières d'un millième de millimètre tout au plus, contenant, comme l'écorce terrestre, du silicium, de l'oxygène, du magnésium et du fer. Sur ces poussières intersidérales, les atomes lourds vont pouvoir se rencontrer et s'unir. Des molécules contenant plusieurs atomes naissent ainsi. Les molécules d'hydrogène, contenant deux atomes d'hydrogène, sont les plus nombreuses. Mais des molécules d'eau, de méthane, d'oxyde de carbone ou d'ammoniac ont aussi été observées depuis la terre. Une petite couche de glace enveloppe ces petits grains de poussière. Près d'une centaine de molécules nées de l'union d'atomes à la surface gelée des poussières intersidérales ont été identifiées à ce jour.
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Ainsi les atomes, dispersés entre les étoiles, s'unissent quand ils trouvent le moindre support pour former une molécule, pour former des molécules différentes les unes des autres. Leur union semble d'une extraordinaire banalité à travers tout F espace-temps.
La création planétaire et les molécules de la chimie minérale
En 1990, la création planétaire n'a pu être observée et étudiée que dans le système solaire. Il est probable cependant qu'autour de nombreuses étoiles, le même phénomène se soit produit. Mais nous ne pouvons continuer à décrire la poursuite du phénomène créatif que dans le cadre de la terre, puisque nos moyens d'observation ne nous ont pas permis encore d'atteindre d'autres secteurs de F espace-temps.
Il y a cinq milliards d'années environ, un nuage interstellaire s'est formé et contracté dans notre galaxie: la voie lactée. La contraction a aplati ce nuage et entraîné en son centre une augmentation de la température. Dix millions de degrés ont été atteints après quelques millions d'années. Les réactions nucléaires ont pu commencer. Le soleil s'est mis à luire de tous ses feux. Les petites poussières circulant entre les étoiles et accueillant sur leur surface glacée les atomes pour qu'ils puissent s'unir en molécules ont une masse plus importante que de simples atomes. Beaucoup de ces poussières se sont échappées du nuage interstellaire, attirées par la masse du soleil, mais sont restées satellisées autour de lui du fait même de leur masse et de la vitesse relative qu'elles avaient par rapport au soleil. Elles ont tourné autour de lui. L'aplatissement du nuage à l'origine du soleil fait qu'elles se sont rassemblées en une série d'anneaux concentriques. Les plus grosses poussières ont attiré par leur masse, puis capturé les plus petites. Progressivement la quasi-totalité de ces poussières s'est trouvée assemblée en quelques énormes boules de matière: les planètes. Ainsi ont été très probablement créées les neuf planètes tournant autour du soleil, dont notre terre.
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Il a fallu quelques centaines de millions d'années pour que les planètes naissent et se mettent en place. Il a fallu un milliard d'années pour que la planète terre, qui n'était au début qu'une boule de lave, se refroidisse suffisamment pour que sa surface se solidifie. Autour de la terre, une atmosphère très dense était formée essentiellement d'ammoniac, de méthane, d'eau et de gaz carbonique. Avec le refroidissement progressif, l'eau contenue dans l'atmosphère sous forme de gaz est devenue liquide. La croû-
te solidifiée qui recouvrait le centre encore trop chaud pour être solide s'est vue alors recouverte par l'eau qui tombait du ciel.
Les océans se sont formés et ont recouvert les trois quarts de la croûte terrestre. Ainsi sont nées les terres et les mers.
Une planète comme la terre n'est pas une minuscule poussière glacée se déplaçant dans l'espace. Elle est une immense boule rassemblant au départ une grande masse d'atomes et de molécules. Elle est un lieu où la force de gravité a rassemblé tous les éléments constitutifs de la matière déjà présents dans le voisinage. 11 existait une frénésie d'union à la surface des poussières interstellaires. La même frénésie d'union s'est poursuivie sur notre planète. Le lent refroidissement et le changement progressif des conditions physico-chimiques au niveau de la terre tournant autour du soleil ont permis d'expérimenter un nombre extraordinaire d'unions atomiques et moléculaires. Des molécules de plus en plus complexes, de plus en plus variées, ont été formées. Certaines molécules ont pu s'unir en de vastes cristaux d'une structure particulière. Le monde minéral explorait toutes les routes qui lui étaient offertes. La chimie a fait l'inventaire de tout ce que le besoin d'union des atomes a été capable de réaliser. L'homme, dans ses expériences, retrouve les circonstances favorables à de telles synthèses.
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....ntes connaissances du monde de la vie
Jusqu'à la belle organisation qu'est un cristal de roche, les calculs des mathématiciens, les observations des astrophysiciens, les travaux des chimistes ou des physiciens nous ont permis de suivre la montée de l'organisé avec précision et rigueur. Théorie et expérimentation, calculs et observations nous installent dans une vision du monde qui semble de plus en plus exacte. La description que nous avons donnée du comportement des particules primordiales, des particules fondamentales, des atomes et des molécules se trouve progressivement confirmée, précisée et renforcée.
Par contre, à partir du niveau moléculaire et pour atteindre le monde de la cellule vivante, la science n'a pas encore trouvé de théorie solide expliquant et prévoyant le comportement des molécules. /Aucune théorie ne nous permet de suivre un programme
qui conduirait de l'acide jjminé à la cellule vivante. Aucune théorie ne nous guide dans la longue élaboration du monde protéique jusqu'à la cellule vivante. Nous pouvons seulement avancer des hypothèses fragmentaires expliquant telle étape de cette marche vers plus de complexité. L'approche de la naissance du monde vivant conserve encore d'immenses zones d'ombre.
Une fois la première cellule créée, nous avons retrouvé à nouveau, grâce à la théorie générale de l'évolution de Darwin, le soutien d'une vision cohérente expliquant l'évolution des métazoaires depuis leur création jusqu'à l'homme. Mais depuis quelques années, les apports de la paléontologie, de la chimie biologique, des sciences statistiques et de la biologie moléculaire remettent en cause les fondements mêmes de la théorie de l'évolution générale. Si la théorie de Darwin garde tout son intérêt pour la micro-évolution au sein d'une espèce, elle ne peut plus nous mener royalement de la cellule__viiiante_au métazoaire-homme.
Un immense flou demeure dans tout ce qui touche au domaine de la biologie. Mais il ne faut pas, du fait de son renforcement actuel par la remise en cause de la théorie de Darwin, revenir à une explication religieuse directe du phénomène vivant. La complexité même du vivant, la difficulté d'en cerner tous les contours font qu'actuellement notre intelligence est encore loin de tout expliquer. On ne peut aujourd'hui "créer" un dieu de la molécule protéique, un dieu de la cellule vivante ou un Dieu des lammifères. Après le triomphe du Dieu unique, il nous est impossible de revenir au dieu de la source ou au dieu du vent.
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Après la découverte du big bang et de l'enchaînement des événements extraordinaires de l'espace-temps, il nous est impossible de réintroduire dans le phénomène créatif une action particulière du créateur initial. Dans sa complexité, le phénomène vivant peut apparaître à certains comme un phénomène miraculeux et, du fait des immenses zones d'ombre existant encore, l'arrivée sur terre de Thomme serait aussi d'origine miraculeuse. Nous avons en fait actuellement une vision suffisamment précise de la naissance et de l'évolution de l'espace-temps pour ne plus avoir besoin d'y réintroduire l'action d'un créateur en cours de route. Il existait autrefois sur les cartes d'Afrique des zones blanches où était écrit: "terre inconnue". Il existe aussi actuellement dans le phénomène créatif des zones floues où l'on peut écrire provisoirement "explication scientifique inconnue".
La naissance des molécules protéiques
Le stade atomique a été atteint dans tout le cosmos. Nos moyens d'observation nous le confirment aujourd'hui. L'espace-temps est formé partout de la même matière, issue du nuage primordial. L'atome de carbone est le même dans toutes les galaxies.
Une deuxième certitude nous est donnée. Dans tout le cosmos, le stade moléculaire a été atteint. Nous avons vu que la molécule d'hydrogène était la plus répandue, mais aussi que de nombreuses autres molécules étaient observables: méthane, oxyde de carbone, ammoniac. Plus de cent molécules sont aujourd'hui identifiées avec certitude dans tout l'univers.
Une troisième certitude nous est encore fournie. Les atomes ont su créer des acides aminés partout. Les acides aminés sont des molécules contenant du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène et ayant une trentaine d'atomes. Ils sont une vingtaine. Ils sont les briques avec lesquelles vont être édifiées toutes les molécules protéiques. Il a été observé en Australie une météorite tombée du ciel le 28 septembre 1969 à Murchison. Il y avait en son centre non "contaminé" les mêmes acides aminés que nous avons sur terre.
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Depuis cette découverte, nous avons eu les moyens d'identifier ces acides dans l'espace: ils sont observables et observés. L'univers a donc partout atteint le stade acide aminé. Nous savons aujourd'hui que le matériau de base de la vie a été 'créé dans tout l'univers, mais nos certitudes "s'arrêtent Ta: nous n'avons encore observe aucune molécule protéique en dehors de la terre.
Les acides aminés sont présents dans tout le cosmos. Ils sont en très grand nombre sur terre puisqu'ils sont le matériau de base de tous les êtres vivants. Il a été nécessaire qu'ils fussent créés en grande quantité avant l'apparition de la vie sur terre. On peut donner une explication de ce grand nombre. Quand, du fait du refroidissement, l'atmosphère a perdu sa vapeur d'eau, il n'est plus resté que le gaz carbonique, le méthane et l'ammoniac. Ces gaz auraient été soumis d'une part aux effets des rayons ultraviolets provenant du soleil et d'autre part aux effets des décharges électriques des nombreux orages qui auraient marqué toute cette époque. Ainsi auraient été synthétisées les molécules d'acides aminés entraînées par la pluie dans les eaux des océans. On est arrivé expérimentalement à synthétiser en laboratoire de tels acides en recréant les conditions supposées de l'atmosphère terrestre aux premiers temps de la vie.
Dans les eaux chaudes, salées, basiques, agitées par les vagues, en quelques lieux privilégiés, au bord des océans, le long des lagunes, près des volcans alors très actifs, ces acides aminés auraient trouvé les conditions de leur union. Ils se seraient unis en des chaînes d'acides aminés de plus en plus longues: les molécules protéiques. Là aussi, les biologistes sont arrivés à synthétiser de telles molécules en retrouvant les conditions supposées.
Une infinité d'essais ont été réalisés dans ce "bouillon de pré-vie" qu'ont dû être les océans à cette époque. Des molécules aux chaînes de plus en plus longues ont été créées petit à petit. Les protéines, matériau de base de tout être vivant, sont apparues et ont atteint progressivement des niveaux de complexité de plus en plus élevés. A cette complexité de la structure étaient adjointes des qualités nouvelles particulières. Certaines de ces protéines ont trouvé une structure aussi complexe que celle de l'ADN.
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Ces protéines s'étaient dotées d'un pouvoir nouveau dans la création: elles savaient se "reproduire". D'autres, comme la molécule responsable de la mosaïque du tabac, trouvaient déjà des qualités bien proches de celles de la vie. Véritables machines à assembler et à unir les acides aminés, les molécules se mettaient au travail. En s'unissant, les acides aminés avaient ouvert le chemin vers des structures beaucoup plus sophistiquées. Ces structures sophistiquées allaient à leur tour entrer en action. Il leur était confié une mission essentielle.
La création de la première cellule vivante
On peut penser que la suite du phénomène évolutif s'est déroulée selon le schéma suivant, sans qu'aucune observation ne soit venue confirmer ou infirmer cette hypothèse. Dans le "bouillon de prévie", dans la "soupe pré-biotique", les molécules protéiques se sont regroupées grâce aux qualités différentes mais complémentaires qu'elles possédaient. Elles ont constitué des ensembles de molécules échangeant entre elles des services. Une certaine stabilité a été progressivement trouvée et une structure plus vaste rassemblant ces molécules est apparue: les organites, tel le ribosome.
Puis tous ces organites, ensembles stables de molécules protéiques, possédant des qualités particulières, mais différentes, pour
chacun d'eux, ont eu parfois des qualités complémentaires. Ils se sont assemblés pour former un ensemble d'organites. Un jour s'est réalisée une structure stable entre les différents organites regroupés jusque là en des ensembles non stables et évolutifs: la pre mière cellule vivante a vu le jour, capable de se reproduire et de se rassembler de nombreuses molécules protéiques. Plusieurs milliards d'années semblent avoir été nécessaires pour obtenir un tel résultat.
Ce schéma paraît être celui qui correspond le mieux à la réalité. Mais il est très loin d'avoir reçu une confirmation expérimentale permettant de l'adopter sans réserve. Il rend possible le passage du monde des molécules protéiques au monde de la cellule vivante.
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La naissance du premier métazoaire
Un milliard d'années plus tard, la cellule vivante découvre le moyen de s'unir à d'autres cellules pour former un être vivant polycellulaire: un végétal ou un métazoaire. Nous ignorons pratiquement tout de cette longue période. Mais il est probable que la première cellule vivante ait donné naissance à des cellules-filles identiques. Ainsi a dû naître le premier "troupeau" de cellules vivantes, rassemblant toutes les molécules protéiques disponibles situées dans leur voisinage en les absorbant. En grandissant, ce troupeau de cellules vivantes s'est approprié tous les éléments protéiques libres alentour. Il a ainsi rendu impossible toute autre synthèse créant une cellule vivante dans son voisinage immédiat.
En d'autres points de la terre, des molécules protéiques sont peut-être arrivées de leur côté à créer une autre cellule vivante. Les conditions d'environnement étaient en effet identiques en de nombreux lieux de notre planète et les acides aminés responsables de la montée de l'organisé étaient les mêmes. Une telle hypothèse banaliserait la création de la cellule vivante. De même que les particules fondamentales sont capables de retrouver la structure atomique partout où les conditions leur sont favorables, les molécules protéiques auraient alors été capables de retrouver un peu partout la structure cellulaire. Il nous est bien sûr impossible de savoir pour l'instant s'il y eut un seul ou plusieurs lieux de synthèse. Mais il n'est pas impossible qu'un jour nous sachions à notre tour guider des molécules protéiques pour leur faire découvrir à nouveau la structure de la cellule vivante.
Il est probable que des "erreurs" se soient introduites dans la reproduction des cellules vivantes, de même que nous constatons des mutations génétiques dans la reproduction des êtres unicellu-laires que sont les microbes. Si la cellule-fille, différente de la cellule-mère, était adaptée aux conditions de vie de son environnement et si elle était capable de se reproduire, un nouveau type de cellule pouvait apparaître et fonder son propre troupeau.
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En fonction des conditions rencontrées, le deuxième troupeau pouvait coexister avec le premier ou se substituer à lui .Grâce à la reproduction de telles "erreurs", un mécanisme assurant l'évolution de la cellule vivante a dû être mis en place et de nombreux essais ont pu être réalisés. Un beau jour, grâce à ce mécanisme, un type nouveau de cellule a été inventé: il était capable de se reproduire tout en restant accolé à une autre cellule. Les être bi-cellulaires étaient nés. Les diplocoques, espèce particulière de microbes, existent encore et se reproduisent toujours.
Puis une cellule bien plus élaborée est née. Non seulement elle a été capable de se reproduire en restant accolée à une de ses semblables, mais encore elle a su créer dans sa descendance des ensembles de plusieurs cellules capables de se reproduire et d'évoluer. Ainsi sont probablement nés des êtres dotés d'un nombre de plus en plus important de cellules, les êtres vivants polycellulaires dont la branche animale, les métazoaires, allait devenir le porteur de l'évolution aboutissant à l'homme.
Parmi ces métazoaires, des différenciations sont apparues, toujours sous l'influence d'erreurs de reproduction, aboutissant à de très nombreuses variétés d'animaux et de plantes. Nous savons aujourd'hui ce qui se passe quand une telle erreur de reproduction est commise: il y a une modification de la chaîne des acides aminés qui constituent l'ADN responsable de la bonne reproduction de l'être vivant en question. Avec les métazoaires et la microévolution de Darwin, les flous entourant les phénomènes de la vie commencent à se réduire un peu. Avec la sélection d'espèces nouvelles faite par l'homme, une éclatante confirmation expérimentale de cette théorie a été donnée. Avec le génie génétique, la biologie a progressé d'une façon théorique et pratique telle qu'elle a pu créer des espèces totalement nouvelles. Nous ne savons pas encore comment l'évolution s'est faite depuis la cellule vivante jusqu'au métazoaire-homme, mais nous avons la certitude qu'elle a eu lieu sur terre. L'absence d'explication suffisamment précise pousse certains à faire venir d'une autre planète la cellule vivante ou l'homme. Une telle explication semble peu crédible et ne change en rien le problème qui nous occupe.
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Si les molécules protéiques n'ont pas su trouver sur terre la structure de la cellule vivante, elles l'ont nécessairement trouvé d'abord en un autre point de l'univers. Le phénomène créatif aurait donc atteint ailleurs le niveau de la cellule vivante. Le mystère qui entoure encore la naissance de la vie n'en est pas mieux dévoilé pour autant. Le lieu de la création est seulement déplacé. Nous pensons qu'une telle hypothèse enlève tout à fait gratuitement et sans aucune base solide à notre terre un rôle essentiel qu'elle a très probablement joué.
Les mammifères sont apparus. Puis les premiers hominiens sont nés. L'évolution des espèces a abouti en quelques millions d'années à la dernière mouture: l'homo sapiens sapiens. Un métazoai-re doublement spécial. D'une part il découvre progressivement le phénomène créatif et en reconstitue inlassablement les différents épisodes. Il élabore ainsi chaque jour une image de plus en plus précise de l'espace-temps, chaque génération apportant ses découvertes. D'autre part, il crée de toute pièce à la surface de la terre une société dont il est l'élément de base. D'observateur expliquant la création, il devient à son tour créateur.
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III
L'IRRESISTIBLE PHENOMENE CREATIF
Le phénomène créatif existe
II se dégage de l'observation "historique" que nous venons de faire, un fait évident. Au début l'univers n'était constitué que d'éléments extrêmement petits et simples. Puis sont apparus progressivement, au cours des quinze milliards d'années qu'a duré notre univers jusqu'à nous, des éléments de rang supérieur de plus en plus vastes et complexes, issus de l'union d'éléments de rang inférieur. Ces éléments ont trouvé d'une part autour d'eux les conditions d'environnement favorables à leur union, d'autre part en eux les moyens de se différencier les uns des autres, de devenir ainsi parfois complémentaires et donc de s'unir. Nous appelons "phénomène créatif la succession des créations réalisées par l'union d'éléments d'un certain rang, créations aboutissant à des éléments de rang supérieur de plus en plus vastes et complexes.
Ce phénomène créatif que nous décrivons ne concerne qu'une infime partie des éléments qui ont constitué l'univers au départ. Dans les premiers instants, les particules primordiales d'énergie étaient seules présentes. L'immense majorité d'entre elles a évolué vers le rayonnement, rayonnement qui a été incapable de conserver dans un univers en expansion l'énergie qu'il possédait initialement. Notre étude ne concerne pas directement ce rayonnement, bien qu'il y ait certainement des liens entre l'action de ce rayonnement et les conditions favorables à une nouvelle synthèse.
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Notre étude porte sur la toute petite minorité des particules primordiales créées, minorité qui a trouvé le chemin de l'union et a su évoluer par une cascade de synthèses d'abord vers la matière, ensuite vers la vie. Cette petite minorité du départ a su conserver dans la structure atomique, contrairement au rayonnement, l'énergie dont elle était porteuse. Elle possède aujourd'hui la plus grande partie de l'énergie existant dans l'univers. Elle est aujourd'hui l'élément moteur de l'univers.
Ainsi ont été créés, par l'union d'éléments de rang inférieur et en cinq synthèses successives, cinq éléments nouveaux :
Les particules primordiales, en s'unissant, ont créé les particules fondamentales. Ees particules fondamentales ont inventé les atomes. Puis les atomes ont formé les molécules. Ce sont des molécules particulières, les molécules protéiques, qui ont trouvé la cellule vivante. Les cellules vivantes ont enfin réussi à vivre ensemble dans un être vivant polycellulaire.
Nous regroupons dans un seul phénomène, que nous appelons le "phénomène créatif, une série d'événements qui n'ont en apparence aucun lien entre eux. On voit mal au premier abord le rapport qui existe entre le comportement des quarks qui s'unissent pour former un proton et le comportement des cellules vivantes dans le corps humain. Ees protons nés des quarks s'agitaient dans le plasma primordial, à des températures et des pressions absolument fabuleuses. E'homme formé de cellules vit sur la terre au rythme des saisons dans un milieu écologique auquel il est adapté. Rassembler dans un seul phénomène ces deux éléments que sont le quark et la cellule vivante paraît ne reposer sur aucune base sérieuse. En fait, la filiation est évidente, rapidement évidente. Ees particules fondamentales résultant de l'union des quarks se sont unies pour former les atomes. Et les molécules, qui sont le matériau de base des cellules vivantes, sont constituées d'atomes. Le lien entre le monde actuel du vivant et le monde de l'énergie initiale, vieux de quinze milliards d'années, est évident, la filiation entre les deux est très simple.
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Le phénomène créatif s'est déroulé sur quinze milliards d'années. Plusieurs milliards d'années se sont écoulés entre la création du noyau de l'atome d'hydrogène dans la soupe primordiale d'énergie et la création du noyau de l'atome d'uranium dans le centre d'une étoile. Or dans notre observation du phénomène créatif, ces deux événements font partie de la même étape dans la création de l'univers: ils ne sont tous deux que le résultat du comportement des quarks en des lieux, à des dates et dans des environnements différents. La naissance d'un homme il y a quarante mille ans quelque part dans le Proche-Orient fait partie pour nous du même phénomène que la naissance d'un autre homme en 1990 en Amérique. Dans les deux cas, un métazoaire spécial, l'homme, a vu le jour. Le phénomène créatif se déroule à des dates et en des lieux fort éloignés les uns des autres, mais il se déroule de la même façon, selon les mêmes principes.
Ainsi pendant quinze milliards d'années le phénomène créatif s'est déroulé. Tandis que l'immense majorité des particules primordiales issues du temps zéro de l'univers étaient condamnées à se disperser sans s'unir et à perdre progressivement la précieuse énergie dont elles étaient porteuses au départ, une infime minorité a su s'unir en des structures de plus en plus complexes. Nous avons la certitude que de telles unions ont eu lieu. Les calculs issus des lois de la physique nous précisent qu'avant une certaine date, les atomes ne pouvaient exister dans notre univers primordial. Puis les atomes sont apparus. La géologie nous apprend qu'avant une certaine date, les roches ne contenaient pas de fossiles d'êtres vivants. Puis un jour sont apparus les premiers fossiles. L'archéologie nous révèle qu'avant une certaine époque, aucune trace humaine n'était observable. Puis des signes sont apparus. Le phénomène créatif existe, c'est indiscutable, même si la construction par les atomes des molécules protéiques complexes reste inexpliquée, même si l'élaboration de la première cellule vivante par ces mêmes molécules reste bien mystérieuse, même si le cerveau de l'homme apparaît comme un instrument chaque jour plus performant. Maintenant que nous connaissons un peu mieux le comportement d'une particule fondamentale d'énergie, d'une molécule protéique ou d'une cellule vivante, nous sommes profondément étonnés de voir que ces éléments totalement inconscients de ce qu'ils faisaient ont réussi de véritables chefs-d'oeuvre.
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Ils ont trouvé en eux les moyens de réaliser une synthèse, au moment précis où leur environnement était favorable. Le phénomène créatif est une réalité aujourd'hui incontournable. Ce qu'il a réalisé reste encore sur le plan scientifique source de grand étonnement et toutes les questions que l'on peut se poser n'ont pas encore trouvé de réponse satisfaisante. Les particules fondamentales, follement agitées, disparaissant aussitôt qu'elles apparaissaient, ont su se stabiliser et durer des milliards d'années dans la structure atomique. Les atomes, incapables du moindre mouvement, ont trouvé les lieux indispensables à leur union. Le vivant, fragile et toujours exposé à la mort, a finalement envahi vigoureusement et irrésistiblement toute la surface de la terre autorisant la vie.
Les "existants" responsables
Nous appelons "existants" les éléments présents dans l'univers qui ont été capables de s'unir avec des éléments de même rang pour former un élément de rang supérieur. Nous pouvons ainsi isoler cinq catégories d'existants: les particules primordiales d'énergie, les particules fondamentales d'énergie, les atomes, les molécules, les cellules vivantes.
Quant aux métazoaires, ensembles résultant de l'union de cellules vivantes, ils n'ont pas su s'unir à d'autres métazoaires pour créer un existant de rang supérieur. Ils n'entrent donc pas en principe dans la définition que nous donnons des existants. Mais le métazoaire est, dans l'observation du phénomène créatif, le dernier-né de la série. Il est un ensemble parfaitement structuré issu de l'union de cellules vivantes: il apparaît ainsi comme le dernier existant créé. Il ne s'unira peut-être jamais à d'autres métazoaires pour former un ensemble parfaitement structuré de métazoaires. Mais il est évident que dans le phénomène créatif le métazoaire est la dernière création réalisée. Nous lui attribuerons aussi, bien qu'il n'ait pas su créer un existant de rang supérieur, la dénomination d'existant.
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Ainsi les existants ont un rôle créateur. Des existants de même rang s'unissent pour créer un existant de rang supérieur. Les particules fondamentales se sont unies pour créer des atomes. Une fois créé, l'atome prend le relais de l'action créatrice et il trouve le moyen de s'unir avec d'autres atomes pour former la molécule. En choisissant le terme d'existant, nous avons sélectionné dans l'univers les éléments qui ont eu un rôle créateur. Nous les opposons ainsi à d'autres éléments qui n'ont pas eu ce rôle. Un photon par exemple n'a pas su s'unir à d'autres photons pour former un ensemble structuré de photons.
Mais l'observation du phénomène créatif nous montre de toute évidence que tous les existants créés ne se sont pas unis en un existant de niveau supérieur. A chaque niveau, un grand nombre d'existants a conservé sa liberté et ne s'est pas asservi dans la structure de l'existant de rang supérieur. A chaque niveau, le phénomène créatif semble au contraire n'avoir concerné qu'une toute petite partie des existants présents. Les particules primordiales qui se sont unies pour former les particules fondamentales sont une infime minorité. L'immense majorité d'entre elles est restée libre sous forme de photons. Toutes les molécules de la terre sont loin de s'être unies pour former une cellule vivante. Le vivant ne représente au contraire qu'une infime partie des molécules terrestres. Nous appliquons donc le terme d'existant à l'ensemble des éléments d'où sont issus les responsables d'une nouvelle synthèse.
Les existants ont une structure bien définie. L'atome d'oxygène, la molécule de glucose, la cellule hépatique ou le sapin sont des ensembles parfaitement structurés d'existants. La description de la structure définit d'ailleurs parfaitement ces existants particuliers. Dans l'observation de la nature, nous trouvons très peu d'ensembles parfaitement structurés qui ne soient pas des existants. Les cristaux en sont un exemple. Mais les molécules qu'ils unissent sont toutes identiques les unes aux autres et l'union s'est faite à partir de l'uniformité des molécules. Dans les cellules vivantes au contraire, l'union des molécules s'est formée à partir des différences existant entre ces molécules.
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L'existant de rang supérieur possède des qualités nouvelles qui ne sont pas que de la simple addition des qualités des existants de rang inférieur qui l'ont composé, mais des qualités qui se situent dans un domaine tout différent. Les cellules qui constituent le corps humain sont incapables d'observer leur environnement et d'avoir une intelligence leur permettant de créer un tableau ou d'en apprécier la beauté. Le métazoaire est doué de qualités différentes de celles des cellules vivantes. Les qualités de l'atome sont tout aussi différentes de celles des particules fondamentales qui les constituent. Chaque création d'un existant nouveau aboutit à l'apparition de qualités et de comportement nouveaux.
Nous avons sélectionné seulement six existants. Nous aurions pu considérer comme "existants" bien d'autres éléments qui ont joué un rôle dans le phénomène créatif, tels le noyau atomique, l'acide aminé, la molécule protéique, le ribosome ou le foie. Une telle identification introduisait dans la liste des existants des éléments qui ne constituent pas les étapes essentielles du phénomène créatif.
Le noyau atomique n'est qu'un ensemble plus ou moins complexe de particules fondamentales, ensemble qui deviendra une partie essentielle de l'atome, mais une partie seulement. Il n'est pas un existant nouveau capable en s'unissant à d'autres noyaux atomiques de créer un nouvel élément de rang supérieur. L'union de noyaux atomiques entre eux existe, mais elle ne crée qu'un nouveau noyau atomique plus complexe.
Les acides aminés ou les molécules protéiques ne sont que des molécules. Ces éléments ne sont que des ensembles structurés de plus en plus complexes d'atomes. Ils n'apportent absolument rien de nouveau par rapport à une molécule simple comme la molécule d'eau. Ils sont inscrits dans le phénomène créatif, ils y ont un rôle fondamental, mais ils ne représentent pas un existant de type nouveau. Ils ne sont que des molécules.
L'homme joue, dans le phénomène créatif, un rôle particulier. Il en est par exemple l'observateur attentif. Mais il n'est qu'un métazoaire. Il ne faut pas, du fait qu'il joue un certain rôle nouveau dans l'histoire du phénomène créatif, créer pour lui une catégorie nouvelle d'existant.
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Pour le ribosome, le problème pourrait peut-être paraître un peu plus arbitraire. En effet, les différents organites cellulaires, tous construits à partir des molécules, donc situés au même niveau, possèdent du fait de leur structure des qualités complémentaires qui les ont poussés à s'unir pour former un ensemble de rang supérieur, la cellule vivante. En fait les organites cellulaires sont à la cellule vivante ce que les organes sont au corps humain. Ils sont des ensembles spécialisés de molécules dont l'existence dépend du tout dont ils font partie, même si ces organites ont peut-être un jour eu une existence indépendante, au cours de la recherche que menaient les molécules protéiques vers la structure de la cellule vivante. Le ribosome est le lieu où le message contenu dans l'ADN du noyau est transmis au protoplasme de la cellule.
Le foie est dans le corps un ensemble de cellules spécialisées. En dehors du corps, il n'est plus rien, sinon un amas vite inorganisé de cellules rapidement mortes. Le foie par lui-même ne peut s'unir à d'autres organes d'un corps pour créer un existant de rang supérieur. Le foie ou le cerveau n'ont aucune existence propre en dehors du corps.
Il semble donc bien difficile de trouver d'autres existants dans le phénomène créatif. Il est intéressant de constater qu'à chaque niveau du phénomène créatif, une catégorie particulière d'existants prend un jour en charge le phénomène créatif. Les particules fondamentales constituant le noyau atomique ont pris le phénomène en charge et créé l'atome, les molécules protéiques ont été responsables au niveau moléculaire de la création suivante. Le phénomène créatif produit au début des existants de rang supérieur relativement simples. Les atomes se sont d'abord unis pour former des molécules très simples comme la molécule d'eau. Un existant de structure simple semble ne pas avoir les capacités nécessaires pour devenir créateur à son tour en s'unissant à d'autres existants de structure simple. Il semble qu'à chaque niveau de création un certain degré de complexité doit être atteint pour apporter les qualités nouvelles indispensables à la réalisation d'une nouvelle synthèse. La complexification des existants avec le temps paraît être une des constantes, une des nécessités du phénomène créatif.
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Les trois étapes du phénomène créatif
Trois étapes se dégagent dans le déroulement du phénomène créatif, trois étapes qui apparaissent comme évidentes: les étapes de l'énergie, de la matière et de la vie. La particule primordiale d'énergie ouvre l'étape de l'énergie, l'atome celle de la matière et la cellule vivante celle de la vie.
Etape de l'énergie
L'univers n'était formé au départ que de minuscules grains d'énergie: les particules primordiales. Ces particules sont à l'origine de tout le rayonnement et de toute la matière dont est formé l'univers. Nous laisserons de côté la foule fantastique des particules primordiales à l'origine du rayonnement: elles ne concernent pas directement le phénomène créatif. Nous ne nous intéresserons qu'aux particules primordiales qui se sont spécialisées dans la synthèse de l'atome: les électrons et les quarks. Elles ne représentent qu'une infime minorité dans la foule immense de toutes les particules primordiales issues du big bang. Mais c'est cependant à partir d'elles que toute la matière constituant l'univers a été créée. Et la quantité de matière contenue dans l'univers est fantastique.
Les innombrables quarks ont trouvé dans leur structure le moyen de se différencier les uns des autres. De ce fait ils se sont dotés de qualités qui sont éventuellement devenues complémentaires les unes des autres. Les quarks ainsi différenciés et violemment attirés les uns par les autres ont été brutalement unis par la force nucléaire forte. L'union des quarks, première synthèse du phénomène créatif, est à l'origine des particules fondamentales: les protons ou les neutrons. Elle a eu lieu moins d'une seconde après la naissance de l'univers. Elle s'est réalisée dans des conditions de température et de pression difficilement imaginables.
Avec le proton était découvert le premier noyau atomique: le noyau de l'hydrogène. Protons et neutrons s'uniront en moins de trois minutes pour former un deuxième noyau atomique: le noyau d'hélium.
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Aucune union plus complexe n'a pu ensuite avoir lieu dans la soupe primordiale en expansion: les particules fondamentales devenaient trop éloignées les unes des autres. Il faudra attendre plusieurs milliards d'années pour qu'au sein des étoiles, les atomes soient dissociés et libèrent les particules fondamentales. Ces particules fondamentales, à nouveau libres et maîtresses de leur action, vont trouver au coeur de l'étoile les conditions favorables à des synthèses de plus en plus complexes, les synthèses des noyaux des 90 atomes restants.
Les noyaux atomiques, de charge électrique positive, sont devenus complémentaires des électrons chargés négativement. Cette différence de charge est responsable de la force électro-magnétique. Les noyaux d'hydrogène et d'hélium ont rencontré dans la soupe primordiale les conditions favorables à leur union avec les électrons 300 000 ans après le début de l'univers. Ainsi sont nés les premiers atomes, très rapidement dans la longue histoire de l'univers. Ils ont ensuite été détruits dans les étoiles, plusieurs milliards d'années plus tard et les particules fondamentales ont été à nouveau libres. Elles ont créé en s'unissant au sein de l'étoile des noyaux atomiques de plus en plus complexes. Ces noyaux ont trouvé à la périphérie de l'étoile les conditions favorables à leur union aux électrons.
Ainsi l'étape de l'énergie part de la particule primordiale issue du big bang, passe par les particules fondamentales et aboutit à la structure atomique. Il faudra moins d'une seconde pour trouver les premières particules fondamentales, 300 000 ans pour trouver les deux premiers atomes et plus de trois milliards d'années pour trouver les 90 autres.
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L'étape de la matière
La structure atomique a permis de synthétiser 92 types d'atomes différents. Chacun de ces atomes est doté de qualités particulières bien définies. Les qualités de l'atome d'oxygène sont différentes de celles de l'atome d'hydrogène. Ces qualités sont parfois complémentaires de celles d'un autre atome. Si le hasard, aidé par la force de gravité et par la force électro-nucléaire, met en présence, à la surface des poussières cosmiques, des atomes dotés de qualités complémentaires les unes des autres, une union peut avoir lieu: quand un atome d'oxygène y rencontre deux atomes d'hydrogène, ils s'unissent pour former une molécule d'eau. Ainsi ont été créées, assez rapidement après la formation des atomes à la périphérie des étoiles, les premières molécules. Au début, dans le phénomène créatif, tout semble simple et rapide. Puis la complexité devenant plus grande, le cours des événements se ralentit.
Les poussières cosmiques, rassemblées par les forces de gravité autour du soleil, se sont regroupées en un amas de forme arrondie et ont constitué une planète: la terre. A la surface de la terre, les conditions d'environnement ont évolué, les océans sont nés. Les molécules simples, comme les molécules d'eau ou les molécules de méthane, ont trouvé le moyen de s'unir pour former des molécules un peu plus complexes, contenant une trentaine d'atomes: les acides aminés. Une vingtaine d'acides aminés ont été créés.
Ces vingt molécules nouvelles vont prendre en charge à leur tour le phénomène créatif. Elles vont s'unir entre elles pour élaborer des molécules de plus en plus complexes: les molécules pro-téiques. Les qualités de ces molécules deviendront de plus en plus extraordinaires. Elles seront capables par exemple d'attirer à elles les matériaux protéiques qui les entourent et ainsi elles pourront se "reproduire". Elles seront capables de rester unies entre elles pour former des structures stables comme les ribosomes, structures douées à leur tour de qualités nouvelles. Des échanges de services maintiendront proches les uns des autres de tels ensembles de molécules. Des essais, des tâtonnements modifieront probablement les ensembles rassemblés, un nouvel ensemble prenant la place d'un autre si les "services" proposés sont plus "attractifs" ou moins "dispendieux" que ceux de l'ensemble précédent. Des services nouveaux attireront de nouveaux ensembles de molécules et les maintiendront en contact.
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A la fin de ce long cheminement se trouve l'union, en une structure stable, de tous ces ensembles moléculaires. La cellule vivante est née. Il est probable que le passage des acides aminés à la cellule vivante se soit déroulé de cette manière. Mais si presque tout n'est encore qu'hypothèse, les acides aminés ont cependant bien su trouver la structure de la cellule vivante.
Ainsi l'étape de la matière a commencé avec l'atome. Elle est passée par la molécule. Elle a abouti sur terre à la cellule vivante. La création des premières molécules a dû se faire très rapidement autour des étoiles, aussitôt que les atomes ont trouvé un support physique leur permettant de s'unir. La création des molécules pro-téiques a vraisemblablement exigé près d'un milliard d'années, celle de la cellule vivante a demandé probablement bien plus d'un milliard d'années.
L'étape de la vie
La cellule vivante, capable de se reproduire, a peuplé les mers de notre globe de "troupeaux" de cellules vivantes pendant un milliard d'années. Mais au sein de ces troupeaux, les cellules sont restées identiques les une aux autres. Elles n'ont pas su se différencier et éventuellement devenir complémentaires. Elles ont donc gardé leur liberté et n'ont pas été asservies dans une structure de rang supérieur. Lors des "reproductions", des "erreurs" se sont certainement produites et une évolution est alors apparue dans la structure de la cellule vivante. Un jour est née la cellule vivante capable de rester unie à d'autres cellules vivantes, l'être polycel-lulaire ainsi créé étant capable à son tour de se reproduire. Ce nouvel existant s'est effectivement reproduit, avec parfois des erreurs. Une nouvelle évolution a pu avoir lieu. Au sein de cet ensemble de cellules unies dans le même organisme, les cellules ont trouvé en elles le moyen de se différencier les unes des autres et de devenir complémentaires. Il est probable que la structure des premiers métazoaires ait été relativement simple, ne comportant qu'un nombre assez faible de cellules.
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Puis des structures de plus en plus complexes sont apparues, assurant des fonctions de plus en plus spécialisées. La cellule initiale s'est transformée en cellule nerveuse, en cellule hépatique ou en cellule osseuse. L'union des cellules dans un même organisme a été nécessaire pour qu'apparaissent la différenciation et la complémentarité. Il a fallu un milliard d'années aux cellules vivantes pour créer le premier méta-zoaire. Puis les métazoaires ont progressivement pris possession de la surface de la terre. L'homme est un de ces métazoaires.
L'étape de la vie commence donc avec la naissance de la cellule vivante.Un milliard d'années a été nécessaire pour que les cellules vivantes trouvent le moyen de s'unir en une structure stable: le métazoaire. Les métazoaires ont encore eu besoin d'un nouveau milliard d'années pour sortir de leurs rangs l'homo sapiens sapiens.
Un existant à structure sphérique est au départ de chaque étape
Le choix des trois étapes semble évident: nous ne voyons pas quel autre choix serait éventuellement possible. Une observation intéressante se dégage de ce choix: au départ de chacune des étapes du phénomène créatif se situe un existant dont la structure est sphérique et centrée sur un noyau.
Il est difficile de parler de la structure de la particule primordiale d'énergie. Les quarks, que la théorie considère comme des particules primordiales ayant évolué, n'ont pratiquement pas encore été isolés. Il semblerait cependant difficile d'attribuer aux particules primordiales d'énergie une structure complexe autre que sphérique. Mais rien ne confirme une telle hypothèse.
L'atome est à l'origine de l'étape de la matière. Nous pouvons donner de la structure de l'atome une description précise. Nous savons que l'atome est formé d'un noyau rassemblant, par protons et neutrons interposés, un nombre plus ou moins grand de quarks. Ce noyau a une charge électrique positive. Il attire autour de lui des électrons chargés négativement. Ces électrons tournent autour du noyau atomique comme les planètes autour du soleil. Plus la taille du noyau est grande, plus les électrons tournant autour de lui sont nombreux. En dehors du noyau et des électrons, l'atome n'est peuplé que d'un immense vide.
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La cellule vivante est à l'origine de l'étape de la vie. Comme l'atome, elle comprend un noyau central. Autour de ce noyau sphérique se trouve le protoplasme, séparé du monde extérieur par la membrane cellulaire. L'ensemble de la cellule vivante est presque parfaitement sphérique. Chez les métazoaires, nous retrouvons après chaque fécondation la structure sphérique à l'origine de chaque nouvel existant. Au cours du développement, les cellules vont se spécialiser^gstacquérir des formes très différentes de celle de la sphère. La cellule nerveuse ou la cellule musculaire n'est plus de forme sphérique, alors qu'elles sont toutes deux issues de la même cellule sphérique initiale.
Il est certainement contestable de tirer une loi générale d'un phénomène observé avec certitude deux fois seulement. Les étapes du phénomène créatif ne sont pas nombreuses: nous n'en connaissons que trois. Nous avons vu par ailleurs que la structure du premier existant semble bien elle aussi de type sphérique.
L'élément à structure sphérique se trouve au départ de chaque étape. Mais nous remarquons qu'il est également la fin de l'étape précédente. L'atome achève l'étape de l'énergie et commence l'étape de la matière. La cellule vivante achève l'étape de la matière et ouvre l'étape de la vie. Nous constatons que l'étape de la vie n'a abouti jusqu'à ce jour qu'à la naissance du métazoaire dont la structure n'est pas sphérique. Pour que l'étape de la vie soit achevée, il faudrait que les métazoaires s'unissent entre eux en créant un existant de structure sphérique. L'étape de la vie est_ inachevée sur terre
Ainsi au début et à la fin des grandes étapes du phénomène créatif se trouvent des existants ayant une structure sphérique, existants issus de l'achèvement de l'étape précédente.
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Les existants intermédiaires ont des structures multiples
Les existants à l'origine de chaque étape ont une structure sphé-rique. Nous les appellerons "existants de base". Les existants de milieu d'étape ont au contraire des structures multiples: nous les appellerons "existants intermédiaires". Les structures des différents noyaux atomiques, celles des différentes molécules et celles des différents métazoaires sont multiples. Elles sont même l'élément caractéristique des noyaux atomiques, des molécules ou des métazoaires. La structure du noyau d'uranium dans le coeur de l'étoile est différente de la structure du noyau de chlore. Le physicien en donne des représentations qui sont reconnaissables. La structure de la molécule d'ADN est bien différente de celle de la molécule de glucose. Le biochimiste qui en donne une représentation graphique connaît parfaitement ces structures. Les structures du chat et du chien sont différentes. Un biologiste reconnaît facilement un os ou une dent de chat ou de chien.
Ainsi les existants responsables du phénomène créatif en milieu d'étape ont des structures multiples. Ils sont issus d'un existant de structure sphérique et leur union aboutit à la création d'un nouvel existant de structure sphérique.
L'alternance des structures
Les existants à l'origine d'une étape du phénomène créatif ont une structure sphérique, tels l'atome ou la cellule vivante. Leur union aboutit à des existants à structures multiples, tels les molécules ou les métazoaires. Ces existants s'unissent à leur tour pour créer un existant de structure sphérique. Dans la progression du phénomène créatif, il existe ce que nous appelons "l'alternance des structures". Les existants à structure sphérique alternent avec des existants à structures multiples. La solidité de l'existant à structure sphérique s'oppose à la fragilité des éléments intermédiaires à structures multiples.
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Il semble que le phénomène créatif ait confié au départ de chaque étape la mission créative à des existants solides et pratiquement identiques entre eux. Une telle organisation permet de construire toute l'étape sur des matériaux identiques et résistants. Elle maintient dans le phénomène créatif l'unité de réalisation fondamentale aboutissant, en tous les point de l'univers où nous avons pu l'observer, à des existants totalement identiques. La molécule née à des milliards d'années-lumière de la terre est la même que la molécule observée sur terre. La sphéricité des éléments de base semble assurer l'unité cosmique du phénomène créatif. Il est tout aussi troublant d'observer l'identité de forme de la première cellule de chaque métazoaire et de voir sortir de cette cellule un papillon ou un éléphant, selon le programme génétique contenu dans les chromosomes de ces cellules initiales.
Le phénomène créatif est une évolution. Pour que des existants puissent s'unir, ils doivent devenir complémentaires les uns des autres. Il doivent donc acquérir des qualités nouvelles. La structure sphérique de l'atome aboutit à 92 atomes différents, tous dotés de qualités particulières. Ainsi la structure sphérique de l'atome possède en elle une potentialité évolutive lui permettant d'acquérir des qualités qui rendront certains atomes complémentaires les uns des autres et autoriseront la création d'un existant de rang nouveau: la molécule. Il en est de même au niveau de la structure sphérique de la cellule vivante. Au sein du métazoaire, la cellule vivante a en elle un potentiel évolutif fantastique qui lui permet de se spécialiser en cellule nerveuse ou osseuse, avec toutes les qualités fort différentes correspondant à de telles spécialisations.
Le phénomène créatif se déroule d'une manière différente au niveau des éléments intermédiaires d'une étape, au niveau des molécules ou des métazoaires par exemple. L'union de deux atomes sphériques aboutit à une molécule dont la structure n'est pas sphérique. Cette molécule a une structure définie et définitive, lui donnant des qualités particulières. Elle ne possède pas en elle de potentiel évolutif: la molécule d'eau une fois créée ne peut se transformer progressivement en une autre molécule. Mais les atomes "inventent" bien d'autres molécules que les molécules d'eau.
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Ces autres molécules forment tout un "troupeau" de molécules possédant des qualités bien définies. Il apparaît parfois entre les qualités de deux types de molécules une complémentarité qui les pousse à s'unir ou à rester proches pour échanger des services. Une "société" d'éléments intermédiaires s'ébauche, société dont la structure va évoluer en fonction des nouveaux éléments intermédiaires créés au fil des ans. Certains éléments intermédiaires viennent se joindre à la société en formation du fait de leurs nouvelles qualités. D'autres au contraire, du fait de leurs qualités, prennent la place d'un élément intermédiaire qui constituait cette société évolutive. Le milieu écologique est un exemple de cette évolution.
Ainsi se trouve une opposition fondamentale entre les éléments sphériques à la base de chaque étape et les éléments intermédiaires à structures multiples. Les éléments de base utilisent les potentialités contenues dans leur structure pour se différencier les uns des autres et devenir complémentaires. Ils créent alors les éléments à structures multiples qui n'ont aucune potentialité évolutive mais qui constituent, du fait de leurs qualités et de leur éventuelle complémentarité, une société évolutive aboutissant un jour, au fil des nouveaux arrivants, à une union stable dans une structure sphé-rique. Le phénomène évolutif est principalement concentré dans les potentialités de la structure sphérique des éléments de base. Mais il est obligé de passer par l'infinie variété des structures des éléments intermédiaires. L'alternance des structures semble une nécessité.
La différenciation-complémentarité
L'union des existants ne peut se faire que grâce à une différence, différence à l'origine d'une éventuelle complémentarité.
Si tous les existants étaient restés semblables, ils n'auraient pas été attirés les uns par les autres et ils auraient formé des troupeaux sans structure. Nous avons deux exemples de ce type de comportement: la soupe initiale a donné naissance à un nuage primordial composé uniquement d'atomes d'hydrogène et d'hélium.
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Ces atomes ont formé des molécules d'hydrogène et d'hélium. Ces molécules non complémentaires sont restées libres pendant des milliards d'années. Le phénomène créatif se trouvait stoppé. Il en a été de même quand fut trouvée à la surface de la terre la cellule vivante. Pendant un milliard d'années, ces cellules ont su se reproduire mais n'ont pas trouvé le moyen de se différencier et de devenir ainsi complémentaires.
Au niveau des métazoaires, l'observation du comportement des i'ourmis, des abeilles ou des termites montre une société fortement structurée rassemblant des milliers d'individus et aboutissant à une ruche, une fourmilière ou une termitière. Toute une série de spécialisations est prévue dans le programme génétique de ces insectes , tandis que la taille de la société est limitée par les capacités de ponte de la reine. Une question se pose: la construction de la ruche ou de la fourmilière est-elle secondaire à un programme ne résultant que de la simple addition des programmes déterminant les comportements individuels? Ou est-elle la conséquence d'un programme commun à l'ensemble des abeilles ou des fourmis et comportant une partie autre que celle résultant de la simple addition des comportements individuels? L'ordre parfait qui règne dans les rayons de cire abritant le couvain et les réserves alimentaires n'est-il que la conséquence du programme qui anime chaque membre de l'essaim? En pratique, l'essaim d'abeilles et la fourmilière seraient-ils des "existants", ou tout au moins des recherches vers un nouvel existant unissant des métazoaires spécialisés et possédant une structure propre et un programme dépassant les simples comportements individuels?
Un autre comportement aboutissant à une union doit aussi être signalé: certaines molécules identiques créent la structure du cristal. Le cristal rassemble ainsi des molécules qui ne sont pas unies du fait de leur différence. Il représente, en dehors du phénomène créatif, une émergence vers l'union, un autre chemin vers une structure supérieure. Mais cette structure n'est pas porteuse d'évolution, elle aboutit à une impasse.
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Le phénomène créatif ne peut avancer que par l'apparition de qualités qui différencient les existants les uns des autres. Ces qualités peuvent les rendre complémentaires: ils sont alors capables de s'unir.
La complexification progressive de l'univers
Le principe même du phénomène créatif porte en lui la complexification progressive des éléments constituant l'univers. L'union en une structure stable d'existants d'un certain rang aboutit à un existant de rang supérieur forcément plus complexe. L'union de quelques quarks aboutit à un noyau atomique dont la structure nous semble, dans l'état actuel de la science, relativement simple. La structure de l'atome ne paraît pas encore d'une complexité très difficile à saisir. La structure de l'ADN exige déjà un gros effort d'imagination pour en comprendre toute la complexité. Mais plus notre connaissance du monde moléculaire avance, plus les schémas des structures nous révèlent des constructions étonnantes.
Si nous abordons la cellule vivante, il devient très difficile d'en saisir directement la complexité. Une cellule vivante est composée de molécules. Les molécules y sont installées dans un ordre fort précis et leur nombre dépasse plusieurs milliards. Certaines molécules échangent entre elles d'autres molécules qui circulent dans la cellule, sont stockées provisoirement ici, sont transformées là, sont détruites plus loin. Une comparaison peut permettre d'imaginer la complexité de la cellule. Une mégapole telle que Paris ou Tokio, avec ses millions de maisons, ses rues, ses autoroutes, ses voies ferrées, ses réseaux d'eau, d'électricité, ses égouts et toutes les activités qui s'y déroulent atteint un niveau de complexité très élevé, mais relativement facilement imaginable. La cellule atteint un niveau de complexité bien supérieur, les molécules tenant le rôle des maisons de la mégapole. On est loin des quelques quarks unis pour former un noyau atomique.
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Le corps d'un métazoaire est un ensemble regroupant plusieurs milliards de cellules dans une structure parfaitement ordonnée. Chaque jour des milliards de cellules meurent et sont remplacées par de nouvelles cellules. La cellule a le plus souvent une durée de vie bien inférieure à celle du corps. Des systèmes d'échanges dont nous mesurons encore mal la complexité assurent la cohérence de ce monde cellulaire en perpétuel renouvellement.
Telle est la constante du phénomène créatif: toujours plus de
complexité.
La nécessaire introduction de systèmes intelligents
II est impossible de réunir dans une structure solide un peu complexe des atomes ou des cellules vivantes sans introduire dans la structure elle-même un ordre particulier rendant cette union possible. Plus la structure est complexe, plus le recours à des solutions d'un haut niveau d'intelligence est nécessaire. Il est relativement facile de mener quatre hommes au combat, un caporal y suffit. Quand on en mène dix mille, il faut un général et tout son état-major.
Le cerveau humain, grâce à son intelligence, connaît aujourd'hui avec de plus en plus de précision le comportement détaillé des atomes, des molécules ou des cellules vivantes. Il découvre des mécanismes dont le fonctionnement l'éblouit et le déroute. Avant que lui-même n'existe, avant qu'il n'invente ses propres machines avec sa propre intelligence, les atomes avaient créé en s'unissant d'extraordinaires machines. Ils ont par exemple créé la molécule d'ADN. Cette molécule ne possède en principe aucun comportement "intelligent". Mais elle est capable de contenir dans un volume des plus réduits, avec une extraordinaire miniaturisation, le programme parfaitement détaillé de l'embryogenèse, du développement, puis du comportement "génétique" d'un être vivant. Cette molécule se comporte comme un logiciel d'une qualité et d'une complexité extraordinaires. Quand on découvre dans le détail les mécanismes du "radar" utilisé la nuit par les chauves-souris ou de l'oeil aux performances incroyables des aigles, on est confondu devant l'accumulation de solutions d'une intelligence exceptionnelle.
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Quel que soit le niveau de complexité d'un existant, notre propre intelligence découvre des mécanismes assurant une qualité de fonctionnement que nous sommes pour l'instant encore incapables de reproduire. Le phénomène créatif a abouti à des existants ayant besoin pour fonctionner de solutions de plus en plus complexes et subtiles. Une incroyable dose d'intelligence est intégrée dans toute la création. Les atomes sont responsables du comportement des molécules. Les molécules sont responsables du vivant. Or ni atomes, ni molécules n'ont en eux un cerveau leur permettant de découvrir, puis de choisir la solution intelligente permettant de résoudre le mieux possible le problème de l'existant de rang supérieur nouvellement créé. L'ADN, ce support d'un mécanisme particulièrement remarquable assurant la programmation de l'embryogenèse et du comportement d'un métazoaire a été créé en totalité par le comportement des atomes. Les atomes, existants sans cerveau, ont été capables de créer la molécule d'ADN. On peut penser qu'ils ont réussi une telle performance grâce au hasard et à leur grand nombre, disposant du temps nécessaire pour entreprendre toute une série d'essais. Cette hypothèse ne nous explique absolument pas comment un atome a été doté d'un comportement le rendant capable de créer une molécule d'ADN. La même observation se fait à n'importe quel niveau de la création. La cellule vivante à l'origine de l'homme, sphère fort bien organisée de molécules protéiques complexes, a construit, grâce à un bon programme génétique contenu dans ses molécules d'ADN, un cerveau humain. Les mutations génétiques des hominiens avant l'homme nous indiquent le chemin suivi à la fin du parcours, mais elles ne nous expliquent pas ce qui, dans le comportement de la cellule vivante, donnait a ces cellules la capacité d'édifier une machine aussi incroyablement complexe que le cerveau. Du comportement d'une cellule vivante sans intelligence est issue une machinerie dont le fonctionnement exige l'introduction d'une grande intelligence.
Nous constatons ces faits sans pouvoir les expliquer. Mais nous avons une certitude: parmi toutes les qualités le caractérisant, l'atome avait nécessairement des qualités le rendant capable de construire une molécule d'ADN.
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La cellule vivante avait aussi les qualités la rendant éventuellement capable d'assurer la construction du cerveau humain. Le hasard, le temps, la loi des grands nombres ont peut-être donné à l'atome ou à la cellule vivante l'occasion, la chance de construire une molécule d'ADN ou un cerveau humain. Ils n'ont pas donné à l'atome ou à la cellule les moyens de le faire: ces moyens étaient nécessairement déjà dans le comportement de l'atome ou de la cellule, ils étaient dans ce comportement dès l'apparition des premiers atomes ou des premières cellules. L'homme a envoyé l'un des siens marcher sur la lune, ce qui exige une machinerie fort complexe. Il a réussi l'exploit en 1968. Mais le cerveau du premier homo sapiens, il y a quarante mille ans, avait en lui déjà tout ce qui allait permettre l'exploit du vingtième siècle.
L introduction de systèmes intelligents dans le phénomène créatif est une constante caractéristique du comportement de tous les existants, que ces existants soient dotés eux-même ou non d'intelligence. L'jntroduction des systèmesintelligents est une nécessité impérative. On ne peut organiser le bon fonctionnement d'un ensemble complexe d'atomes ou de cellules sans utiliser des mécanismes intelligents. Plus l'ensemble est complexe, plus l'organisation devient sophistiquée.
La nécessaire adaptation de l'environnement
Nous constatons une autre caractéristique importante du phénomène créatif. Les existants d'un rang inférieur ont trouvé dans leur propre comportement les qualités nécessaires à la création de l'existant de rang supérieur. Les atomes avaient les qualités nécessaires pour s'unir et former des molécules. Nous acceptons relativement facilement une telle capacité des atomes à s'unir entre eux. Mais il ne peuvent s'unir que si les conditions extérieures sont favorables à leur union. Les atomes ont rencontré à la périphérie des étoiles les poussières cosmiques et ils y ont trouvé le lieu et les conditions favorables à leur union.
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Sans la présence de la poussière cosmique au bon endroit et au bon moment, il n'y aurait pas eu d'union d'atomes. Les atomes ont ensuite trouvé à la surface de la terre les conditions favorables à leur union en molécules complexes.
La création d'un existant de rang supérieur exige donc la combinaison de deux phénomènes en apparence totalement indépendants l'un de l'autre. D'une part l'existant de rang inférieur doit posséder en lui les qualités lui permettant de réaliser la nouvelle synthèse. D'autre part il doit trouver les conditions d'environnement lui permettant d'agir. Les cellules vivantes ont en elles la capacité de s'unir en un être polycellulaire. Mais elles ne peuvent réussir cette union que si les circonstances sont favorables: elles ont eu besoin de trouver à la surface de la terre des conditions de température, de pression, d'atmosphère rendant leur vie et leur action possibles. Il faut donc, pour que l'existant réussisse la synthèse qui va faire progresser le phénomène créatif, que soient réunies au bon moment, au bon endroit, les conditions extérieures favorables à l'union et que les qualités propres de l'existant soient également favorables à cette union.
La création atomique illustre bien cette constatation. Dans la soupe des temps initiaux, les particules fondamentales avaient en elles toutes les qualités nécessaires à la synthèse des 92 noyaux atomiques de plus en plus complexes. Mais le monde en expansion a rapidement rendu impossible ces unions, les particules fondamentales se trouvant trop éloignées les unes des autres. Ainsi n'ont pu être créés de façon stable et durable que les noyaux des atomes d'hydrogène et d'hélium, bien que les calculs nous indiquent que des noyaux plus complexes ont alors existé, mais n'avaient pas atteint la stabilité suffisante pour durer. Les particules fondamentales n'ont ensuite trouvé les conditions favorables à la synthèse des 90 atomes restants que des milliards d'années plus tard, à la périphérie des étoiles, après la mise en place des ensembles ga-laxiques, des galaxies et des étoiles. Si de telles conditions d'environnement n'avaient pas été offertes aux particules fondamentales, l'univers ne serait toujours qu'un nuage d'hydrogène et d'hélium.
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Les conditions d'environnement favorables à une nouvelle synthèse sont tout aussi indispensables à l'existence même du phénomène créatif que les qualités dont sont dotés les existants responsables du phénomène. Au bon moment et au bon endroit, l'environnement favorable à une nouvelle synthèse doit être mis en place. Toute une évolution de l'environnement a été nécessaire pour que le phénomène créatif avance. Une particule fondamentale n'a pas les mêmes conditions d'existence qu'un métazoaire.
Une inévitable programmation
Est-il possible que le hasard soit responsable de la totalité du phénomène créatif ? Il est évident que le hasard intervient dans,
de nombreux mécanismes ayant assuré la marche du phénomène créatif. Les mutations génétiques assurant l'évolution d'une espèce donnée peuvent très bien n'être assurées que par le hasard. Le ha- sard seul peut avoir présidé aux rencontres entre les particules primordiales ou les particules fondamentales. Le hasard seul peut avoir présidé aux unions des premiers atomes sur les poussières' cosmiques. Le hasard seul peut présider à la rencontre de deuxiêtres humains et à la formation d'un couple. Le hasard peut encore, être un des facteurs sélectionnant le spermatozoïde qui va féconder l'ovule.
Le hasard joue certainement un rôle dans la sélection des espèces et dans toutes les étapes du phénomène créatif. Mais attribuer au hasard la totalité du phénomène créatif, c'est admettre que le hasard serait le seul responsable de la fantastique complexification et de l'introduction de mécanismes de plus en plus intelligents dans l'univers. Il serait aussi le seul responsable de l'évolution des conditions d'environnement autorisant de nouvelles synthèses. Donner un tel rôle au hasard ne relève plus d'une démarche scientifique mais d'une démarche irrationnelle. Le hasard est intervenu à de nombreuses occasions, mais seulement de façon fragmentaire. Parce qu'il explique une partie de l'ensemble, il ne faut pas lui faire expliquer la totalité du phénomène: on ferait la même erreur de raisonnement que celle commise jadis à propos de l'évolution des espèces. La micro-évolution est une réalité scientifique aujourd'hui indiscutée, expliquant une partie de l'évolution des espèces et en particulier celle des hominiens. L'étendre sans preuve à l'ensemble de l'évolution ne relève plus d'une démarche scientifique
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Quand on considère la transformation des avions depuis le premier fabriqué par Ader jusqu'au Concorde, on suit une évidente "évolution" des avions. Certaines innovations ont pu être le fruit du hasard. Mais derrière cette évolution, il se trouve l'intelligence humaine qui en permanence sélectionne, parmi toutes les voies qu'offrirait le hasard, la solution qui améliore l'avion. Si le hasard seul avait présidé à l'évolution de l'avion, il aurait fallu un temps fantastique pour éliminer toutes les solutions mauvaises qu'il proposait. Le hasard est utilisé par l'intelligence humaine dans l'évolution de l'avion, mais l'intelligence oriente et accélère l'évolution de l'avion en faisant un choix parmi toutes les solutions proposées par le hasard seul. Le même raisonnement est applicable aux oiseaux. Le vol d'un animal exige toute une série de perfectionnements techniques. Le hasard d'une mutation a dû apporter-eértains perfectionnements, mais si seul le hasard avait présidé à l'évolution des oiseaux, nous aurions eu un nombre fantastique "d'échecs" pour un "succès". Les oiseaux auraient eu besoin d'un temps très long pour évoluer. Il semble, d'après nos connaissances actuelles, qu'ils n'ont pas disposé d'un tel temps.
Nous refusons d'expliquer la totalité du phénomène créatif par l'action du seul hasard. Nous refusons aussi d'expliquer un des épisodes du phénomène créatif par une intervention extérieure. L'apparition de la vie sur terre, ou sur toute autre planète, n'est pas pour nous le fruit d'un miracle, même si de très nombreuses zones d'obscurité entourent encore la naissance de la vie. Nous avons la conviction que les molécules ont su trouver la structure de la cellule vivante, comme les particules fondamentales ont su trouver celle de l'atome. Si le mystère entoure encore de façon importante la naissance de la vie sur terre, nous ne devons pas, du fait du relatif retard de la science dans ce secteur, inventer un dieu créateur de la cellule vivante, comme nos pères avaient inventé un dieu du vent ou de la source.
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le Niveau atteint aujourd'hui par la connaisance scientifique rend un tel comportement obsolète. Il semble tout aussi obsolète de faire intervenir un dieu pour créer l'Homme. la micro évolution des hominiens est atuellement étayée par toute une série de découvertes qui explique de plus en plus clairement ce qui a dû se passer. Ce secteur de la science semble un des moins contestable actuellement. Refuser l'intervention directe d'un Dieu dans la créatioin de l'Homme n'enlève pas à l'Homme toutes les extraordinaires qualités qu'il a, ni à la création tote sa fantastique complexité. le niveau attteint aujourd'hui par le science rend difficilement drédibles ceux qui font intervenir Dieu dans la création directe de l'Homme. les données de la science sont maintenant suffisamment solides pour qu'une telle hypothèse soit rejetée.
Nous considérons le hasard comme un simple outil utilisé dans certaines étapes du phénomène créatif, outil incapable d'avoir dirigé la totalité du phénomène. Nous sommes contraints d'admettre deux réalités difficilement contestables. D'une part les conditions d'environnement ont évolué de façon parfaite, permettant aux existants responsables du phénomène créatif de trouver au bon moment et au bon endroit les conditions favorables à une nouvelle synthèse. D'autre part le comportement d'un existant de rang supérieur ne peut être déterminé que par les qualités que les éléments de rang inférieur lui ont données. Une molécule ne peut trouver la source de son comportement que dans les qualités possédées par les atomes. Le comportement des métazoaires était donc inscrit dans le comportement des particules primordiales d'énergie.
Une telle vision du phénomène créatif nous pousse à considérer, que tout était parfaitement programmé, depuis le départ jusqu'à l'homme. Dans les chromosomes, nous tenons l'appareil inventé par le phénomène créatif pour programmer le comportement des cellules vivantes et des métazoaires. La programmation est pour le vivant une certitude. Nous n'avons pas de telles certitudes pour les existants des étapes de l'énergie et de la matière.
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Mais la moindre complexité de ces existants, les qualités relativement simples que nous leur connaissons, nous poussent à admettre aussi leur programmation totale.
La programmation des conditions d'environnement semble tout aussi indispensable à la réussite du phénomène créatif. Une telle programmation doit être considérée comme une hypothèse. Mais nous n'avons actuellement pas d'autre hypothèse pouvant expliquer de façon valable le minutage extraordinaire de l'évolution des conditions d'environnement. Un enchaînement logique de faits a fait évoluer les conditions d'environnement depuis quinze milliards d'années. Ces conditions ont été adaptées aux existants responsables des futures étapes. Ceux-ci ont trouvé au bon moment et au bon endroit le milieu favorable à leur action. Ils ont réussi du fait de ces bonnes conditions. Tout semble indiquer que l'évolution de l'environnement est un enchaînement de faits qui trouve sa source dans les origine de l'univers. Tout semble donc avoir été lancé au- temps zéro. Tandis qu'un vastè programme régulait les conditions d'environnement dans la totalité de l' espace-temps, un autre programme donnait aux particules initiales d'énergie les qualités et le comportement qui un jour allaient aboutir aux mé-tazoaires.
Tels nous apparaissent les mécanismes qui ont présidé au bon déroulement du phénomène créatif et ont abouti en quinze milliards d'années au métazoaire-homme. Il se dégage tout d'abord de cette observation une grande unité dans la totalité du phénomène. Unité qui donne aux particules fondamentales, aux molécules protéiques ou aux métazoaires des qualités leur permettant d'avoir un comportement comparable, quel que soit le niveau de complexité atteint. Unité qui enchaîne sans difficulté les étapes de l'énergie, de la matière et de la vie grâce à l'évolution parfaitement adaptée des conditions d'environnement. Nous constatons dans chacune de ces étapes le renouvellement de certains phénomènes et ce renouvellement nous permet même, dans certaines conditions, de prévoir ce qui va se passer.
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Une deuxième remarque peut être faite. Le phénomène créatif est une marche irrésistible vers des existants de plus en plus complexes. Il introduit dans les mécanismes de fonctionnement des solutions de plus en plus intelligentes. Or le phénomène créatif a été réalisé jusqu'aux métazoaires par des existants totalement dénués d'intelligence. On ne peut échapper l’hypothèse d'une pro-grammation initiale.
Si nous voulons poursuivre notre approche du phénomène créatif, il est nécessaire de nous intéresser au comportement d'un mé-
tazoaire particulier: l'homme. Cet homme est en effet possesseur d'un cerveau qui lui a permis de découvrir et de reconstituer le phénomène créatif. Ce cerveau lui permet également de devenir créateur à son tour. Ce cerveau lui permet enfin d'avoir une partie de son comportement non totalement programmée. Toutes ces qualités font de l'homme un existant très exceptionnel dans le phénomène créatif.
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IV
L'HOMME CREE UNE SOCIETE PLANETAIRE
LES QUALITÉS PARTICULIÈRES DE L'HOMME Le phénomène créatif jusqu'à l'homme
En quinze milliards d'années, depuis le big bang jusqu'aux premiers hominiens, le phénomène créatif a accompli, par une série de cinq synthèses, un long cheminement vers la complexité. Les étapes de l'énergie et de la matière ont été achevées, aboutissant par particules fondamentales, atomes et molécules interposés, à la cellule vivante. La cellule vivante a réussi à engendrer les métazoaires et à créer les mécanismes assurant la diversification et la complémentarité des métazoaires. Sur la terre, hors de l'eau des océans, un ensemble évolutif de métazoaires s'est constitué, vivant dans le milieu écologique. Cet ensemble a évolué jusqu'à la séparation des primates et des hominiens, il y a quelques millions d'années seulement.
Le temps des hominiens
Avec les hominiens, le phénomène créatif installait sur terre un métazoaire doté d'un nouveau comportement. Le comportement de tous les existants jusqu'aux métazoaires inclus était totalement inscrit dans un "programme", programme différent pour chaque catégorie d'existants.
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Un atome de chlore est programmé de telle sorte que tout son comportement est conditionné et il en est de mêrne pour rabeille. Pour l'atome de chlore, le programme est contenu dans la composition du noyau et dans la position des électrons. Pour l'abeille, le programme est contenu dans les chaînes d' A.D.N. des chromosomes. Malgté la complexité de son comportement, le métazoaire n'agit finalement pas différemment de l'atome oue la molécule il est doté. Avec l'hominien, le phénomène créatif introduit une innovation fondamentale. L'hominien est doté de chromosomes comme tous les autres métazoaires: il a donc, sous l'influence de ces chromosomes, tout un comportement pré-établi. Mais il possède aussi, génétiquement, un cerveau plus performant que le cerveau des autres métazoaires, un cerveau capable d'adjoindre au comportement génétique un comportement supplémentaire. Ce cerveau lui permet d'observer son environnement, de tirer des leçons de ces observations. Par exemple les premiers hominiens ont compris qu'avec un caillou ou un bâton, il était possible de tuer plus facilement un animal. La chasse de ceux qui utilisaient le caillou ou le bâton devenait plus abondante que la chasse de ceux qui ne les utilisaient pas.
Avec ce changement radical, une ère nouvelle s'ouvrait pour le phénomène créatif: en effet toute la création jusqu'aux hominiens avait été assurée complètement par des existants totalement programmés. Donc, pendant quinze milliards d'années, tout a découlé du comportement particulier du premier existant: l'infime grain d'énergie. Les particules, les atomes, les cellules vivantes ou les métazoaires ont trouvé dans leur programmation particulière, issue du programme contenu dans l'infime grain d'énergie initial, la totalité de leur compertement. Puis arrive l'hominien capable d'un comportement nouveau venant s'ajouter à celui qui avait été inscrit dans ses chromosomes.
Autre innovation fondamentale: l'hominien était capable également de faire évoluer avec le temps ce nouveau comportement. Chez les premiers hominiens, la taille du cerveau était relative-men,t réduite et la capacité de créer un comportement autre que génétique relativement faible.
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Ces hominiens ont donc eu un comportement très proche du comportement génétique, peu différent de celui des grands singes. Mais plusieurs phénomènes ont prooressivement éloigné le comportement des hominiens de celui des grands singes. D'une part, comme tous les autres métazoaires, les hominiens ont génétiquement évolué et en quelques millions d'années, leur capacité crânienne a progressivement augmenté jusqu'à celle de l'homo sapiens. La taille du cerveau et bien probablement les performances de ce cerveau ont suivi l'évolution de la boîte crânienne: les possibilités de complexifier le comportement non
génétique sont devenues plus grandes à chaque mutation D'autre part le comportement nouvellement acquis pouvait être transmis
aux générations futures. Une fois appris les avantages de l'usage du bâton, on continue à se servir du bâton. L'éducation transmet
aux enfants l'utilisation du bâton tout aussi bien que les chromosomes transmettent la main qui utilisera le bâton.
Enfin, troisième supériorité écrasante sur les autres métazoaires: l'hominien peut améliorer sans cesse son comportement non génétique. Il découvre un jour qu'une pierre liée au bâton transforme ce bâton en massue dangereuse. Une fois découverte, l'union entre le bâton et la pierre va être transmise aux générations futures et améliorée en permanence. La pierre sera munie d'un tranchant : on passera de la massue à la hache.
Toutes ces transformations ont été au début d'une grande lenteur. Plusieurs millions d'années ont été indispensables pour que l'évolution installe dans la boîte crânienne des hominiens un cerveau tout à fait performant: celui de l'homo sapiens. Comme les capacités des cerveaux antérieurs étaient assez réduites, le comportement acquis était encore très réduit par rapport au comportement génétique. La présence des hominiens sur terre n'a pratiquement pas modifié le milieu écologique. Mais il y avait pourtant des bandes de quelques dizaines d'hominiens capables d'un comportement non programmé par les chromosomes et susceptible d'évoluer. Il y avait donc, installé dans le cerveau des hominiens, une machine dont le rôle était de faire évoluer le comportement d'un existant particulier. Le phénomène créatif innovait de façon fondamentale: il créait un système évolutif nouveau, qu'il n'avait pas programmé lui-même.
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Les exceptionnelles qualités du cerveau humain
Comme de nombreux métazoaires, l'homme possède un cerveau relié au monde extérieur par des appareils sensoriels. Mais le cerveau humain, beaucoup plus complexe que celui du plus inteîlî-jsent des autres métazoaires, donne à l'homme des qualités jusque là jamais observées parmi tous les existants qui l'avaient précédé. L'homme observe son environnement en permanence et s'en crée une image. Beaucoup d'animaux ont cette capacité, mais leur observation atteint très rapidement une limite: elle reste le plus souvent très rustique, limitée aux besoins du comportement immédiat et surtout elle est non évolutive. Pour l'homme, au contraire, tout l'environnement est intéressant, même si cela n'a apparemment aucun intérêt immédiat. L'homme observe la marche du soleil ou de la lune, découvre les planètes parmi les étoiles. Son cerveau poursuit ces observations aussi loin que ses appareils sensoriels le lui permettent. L'animal, lui, reste limité dans son observation, aussi bien dans le temps que dans l'espace.
Le cerveau humain est capable de mémoriser ce qu'il a observé. Il le stocke précieusement dans les neurones chargés de le faire. Il peut ensuite retrouver dans sa tête le fruit de son observation. Cette deuxième qualité du cerveau humain, la mémoire, s'observe chez certains métazoaires. Mais les capacités de mémoire du cerveau humain sont bien supérieures aux capacités de mémoire du cerveau du plus performant des métazoaires.
L'homme cherche toujours à trouver une explication à ce qu'il observe. Par cette qualité, il se différencie totalement des animaux qui voient la marche du soleil dans le ciel mais ne cherchent pas à la comprendre. Tant que l'homme n'a pas trouvé une explication scientifiquement satisfaisante, il dote l'astre qu'est le soleil d'un "animateur" doué de pouvoirs inconnus et capable de présider aux mouvements du soleil. Cet animateur aux dons exceptionnels, ce "dieu", a fourni alors à l'homme une explication satisfaisante de la marche du soleil. Ainsi Apollon a mené le char du soleil pour le bien de toute l'humanité. De même Eole a présidé aux caprices des vents. Mais Eole et Apollon sont des entités distinctes du vent et du soleil.
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L'explication divine a satisfait les hommes aussi longtemps que l'explication scientifique n'est pas venue se substituer à elle. Chaque fois que l'homme découvre un fait nouveau sur l'espace-temps, il le confronte à l'image qu'il en avait antérieurement. Ainsi il complète et corrige inlassablement l'image qu'il se fait de la création, dans le moindre de ses détails comme dans son ensemble le plus vaste. De ce fait l'homme possède dans sa mémoire une image évolutive de la création. Il élabore progressivement, avec chaque nouvelle découverte, une image de plus en plus exacte et précise, de plus en plus vaste et complète. Une nouvelle observation peut remettre en cause l'explication donnée jusque là, qu'elle soit de type religieux ou scientifique. L'homme abandonne alors l'ancienne explication pour la nouvelle. Ceci ne se fait pas toujours sans douleur, sans opposition. Car l'homme est conservateur et reste attaché aux anciennes explications trouvées satisfaisantes jusqu'alors. Quand la théorie de Darwin s'est substituée à l'histoire de la Création selon les Livres Saints, bien des hommes ont souffert. Quand les données des sciences modernes remettent en cause la macro-évolution des espèces, il est tout aussi douloureux d'abandonner les certitudes tranquillisantes de la théorie de Darwin. Car aucune autre explication ne venant encore se substituer à la théorie de Darwin, notre faim d'expliquer reste insatisfaite et devient insupportable. Nous conservons alors l'explication de Darwin, tout en sachant qu'elle devient obsolète, et nous attendons pour l'abandonner qu'une autre explication ne s'y substitue.
L'homme a enfin inventé le langage. Il peut échanger ses connaissances avec d'autres hommes. Il peut confronter l'image qu'il se fait de la création à celles que d'autres avaient tirées de leurs propres observations. Il peut modifier, s'il le juge utile, cette image en fonction de celles des autres. Il peut transmettre à d'autres le résultat de ses observations et de ses déductions. De cette confrontation naît peu à peu une image plus exacte de la création, image en permanence reprise et améliorée par les générations suivantes.
Nous pensons que toutes ces qualités du cerveau humain sont inscrites dans nos chromosomes. Partout en effet où un groupe d'hommes s'est fixé, on retrouve le même comportement.
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L'élaboration de l'image de la création
Avant les hominiens, tout le phénomène créatif s'est déroulé sans qu'aucun de ses acteurs n'ait eu conscience de ce qu'il faisait. Les particules fondamentales dans le plasma primitif, les atomes d'hydrogène dans le nuage cosmique, les molécules protéiques ou les cellules vivantes dans les mers chaudes se sont un jour unis pour réaliser une nouvelle synthèse. Mais ils l'ont fait sans le savoir. Même les animaux les plus "intelligents" n'ont pas, contrairement à l'homme, le besoin insatiable de connaître l'espace-temps dans ses mécanismes les plus secrets. L'homme est le seul à se comporter ainsi. Il se distingue, et de façon fondamentale, de tous les autres existants.
Grâce à ce comportement génétique, l'homme a peu à peu amélioré sa connaissance du phénomène créatif. Quand nous comparons l'image décrite dans la Bible à celle présentée par les scientifiques aujourd'hui, nous mesurons l'immense chemin parcouru en quelques millénaires. Cette image de la création est une oeuvre humaine, mais elle n'est pas en elle-même un phénomène directement créateur d'évolution. L'homme accumule simplement des observations concernant le passé, concernant un monde en perpétuelle évolution avant lui, un monde en évolution sans lui. L'homme ne fait que créer une image, il n'intervient pas directement dans le phénomène créatif. Pas plus que le cinéaste qui filme la destruction du mur de Berlin et crée ainsi une image de cet événement n'intervient dans son déroulement. Ils sont tous deux observateurs et non acteurs.
La construction d'une image de plus en plus exacte de l'espace-temps est un phénomène fondamentalement nouveau dans la montée de l'organisé. Ce phénomène donne à l'homme une position exceptionnelle dans le phénomène créatif. Il en devient en quelque sorte le chantre ou l'historien. Il quitte ainsi totalement le peloton des métazoaires les plus ifttetttgents. Il se situe sur un autre niveau.
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L'homme va en plus, comme les hominiens avaient commencé à le faire bien timidement avant lui, utiliser cette image pour modifier le milieu écologique à son profit. Il va intervenir directement sur son environnement. Le film montrant la destruction du mur de Berlin n'était au départ qu'une image. Mais cette image, portant en elle un message, modifie le comportement de ceux qui la voient. L'image devient source créatrice.
La création d'une société humaine
En plusieurs étapes, l'homme va créer en quelques milliers d'années une société composée d'êtres de plus en plus spécialisés et complémentaires les uns des autres. Avant d'aborder ce sujet, il nous semble intéressant de rappeler le comportement particulier de certains insectes, comme les abeilles ou les fourmis. Les abeilles, du fait de leur programmation chromosomique, ont su trouver une "société" d'abeilles, l'essaim, dans laquelle le phénomène de différenciation-complémentarité a atteint un haut niveau. La spécialisation des tâches, l'échange d'informations entre les abeilles spécialisées donnent à l'essaim une structure bien précise dont la description fait la joie des naturalistes. Mais l'essaim ne regroupe que quelques dizaines de milliers d'abeilles. La spécialisation ne peut donc y atteindre qu'un niveau très fruste, comparativement à la spécialisation observée parmi les milliards de cellules d'un métazoaire. D'autre part l'abeille n'a pas un cerveau capable de lui donner un comportement nouveau, évolutif et complémentaire du comportement génétique. L'essaim a pu atteindre une structure complexe, mais cette structure complexe d'origine purement génétique n'est pas évolutive. Ces sociétés d'insectes sont demeurées de simples sociétés fort bien structurées. Elle restent cependant très intéressantes: elles montrent qu'au niveau métazoaire le phénomène créatif a essayé d'appliquer la spécialisation-complémentarité. Cette application n'a abouti qu'à une société complexe de quelques dizaines de milliers d'éléments.
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Au cours d'une dernière mutation, l'homo sapiens est apparu sur terre, il y a 40 000 ans environ. Son cerveau est capable d'observer, d'expliquer et de comprendre la création bien mieux que le cerveau de l'hominien qui l'avait précédé . Il est capable d'améliorer à tout instant l'image qu'il a construite de la création. Il peut aussi utiliser cette image pour modifier son environnement et de ce fait transformer ses conditions de vie sur terre. D'observateur, il devient acteur. Pendant 30000 ans, il vit d'abord en cueilleur-chasseur dans le milieu écologique dont il a hérité et qu'il ne modifie pratiquement pas. Il découvre la hache ou la flèche, le feu et tire alors du milieu écologique de plus en plus de nourriture. Ce milieu écologique a ainsi été pendant 30 000 ans le premier cadre de vie.
Puis un homme découvre un jour comment un grain de blé germe dans le sol et donne l'été suivant un épi contenant plusieurs grains de blé. Un autre comprend comment une brebis est fécondée par un bélier et accouche le printemps suivant d'un agneau. Ces deux découvertes vont transformer le cueilleur-chasseur en cultivateur-éleveur. Elles ont été faites il y a 10 000 ans environ, vers Jéricho très probablement. Alors que l'utilisation du feu n'avait pas modifié le cadre de vie de l'homme, l'agriculture et l'élevage vont, eux, tout bouleverser. L'homme transforme le milieu écologique dans lequel il vivait depuis son origine. Il crée des champs pour son blé et des pâturages pour ses moutons, des maisons pour sa famille, des granges pour ses récoltes, des écuries pour ses troupeaux. Des villages et enfin de petites villes au centre des régions agricoles apparaissent. Une fantastique poussée démographique accompagne l'apparition des paysans. La nourriture devient en effet bien plus abondante. Pendant dix mille ans, aucune découverte fondamentale ne viendra modifier les structures de cette société agricole et urbaine, société qui restera pratiquement d'une très grande stabilité.
Puis un jour, il y a moins de trois siècles, un bateau animé par une machine à vapeur avance sur la Fulda. L'homme commence à dominer l'énergie, à animer la matière par l'énergie. Pour la deuxième fois il va transformer de façon radicale son cadre de vie. Il commence à créer la société industrielle. Il installe les structures d'une nouvelle société, structures qui se substituent progressivement à celles de la société des paysans et des artisans, comme les structures de la société des paysans et des artisans s'étaient substituées progressivement au milieu écologique des cueilleurschasseurs.
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LE TEMPS DES CUEILLEURS-CHASSEURS
Tant que ses connaissances sur les phénomènes de la reproduction des plantes et des animaux ont été insuffisantes, l'homme n'a pas modifié le milieu écologique dans lequel il vivait. Bien qu'il eût taillé le silex, fabriqué des haches, des massues ou des flèches, utilisé la chaleur du feu pour se chauffer, se protéger ou cuire des aliments, il n'avait pas modifié le territoire de chasse et de cueillette qu'il avait hérité des hominiens. Il favorisait peut-être la pousse des noyers plutôt que celle des chênes, ou celle des framboisiers plutôt que celle des orties. Il vivait en groupe de quelques dizaines d'individus tout au plus. Il se déplaçait sur ce territoire en fonction des aliments qu'il y trouvait à chaque saison.
Il se comportait presque comme le groupe de primates dont il était voisin. Il avait marqué le sol de quelques sentes et passait ses nuits dans des abris souvent provisoires. Des grottes pouvaient aussi lui servir de refuge. Cependant ses outils en silex montraient déjà qu'au comportement génétique il avait ajouté un autre comportement. Il a progressé peu à peu dans la taille des outils: avec une masse identique de silex, il obtenait des outils ayant une longueur de coupe de plus en plus grande. Ainsi pendant trente mille ans, l'homme a accumulé les observations et amélioré la performance de ses outils, mais son action n'a pas modifié le milieu écologique, la somme des connaissances acquises ne permettant pas de réaliser une modification de ce milieu de vie. Les sentes des hommes étaient bien proches des sentes tracées par les animaux. Elles donnaient accès aux points d'eau ou aux abris naturels creusés par la nature dans
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Le milieu écologique, don du phénomène créatif et de l'évolution des espèces à l'humanité naissante, offrait à ses occupants tout ce dont leurs corps avaient besoin: nourriture, abri et chaleur. C'est très probablement ce milieu écologique riche de toutes les vies, de toutes les nourritures qui a été décrit dans la Bible comme le Paradis Terrestre. On y vivait comme les animaux, en utilisant tout ce qu'une nature généreuse offrait en abondance. Mais-Eve et Adam ont "goûté le fruit de l'arbre de la connaissance". Ils ont su observer la nature dansTaqueTIé ils vivaient? Ils ont alors découvert un des phénomènes essentiels de l'étape de la vie: la façon don les plantes et les animaux se reproduisaient. Ils ont quitté le
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L'homme a constaté qu'en plantant du blé à l'automne, il obtenait un champ de blé l'été suivant. Il avait alors à sa disposition une quantité de glucides bien supérieure à celle que pouvait lui offrir la cueillette dans le milieu écologique. Il a appris à élever et à protéger des moutons. Il avait ainsi à sa disposition une quantité de protides bien supérieure à celle que pouvait lui fournir
LE TEMPS DES PAYSANS ET DES ARTISANS Les origines
II y a 10 000 ans environ, au Proche-Orient très probablement, le cueilleur-chasseur est devenu cultivateur-éleveur. Il a installé dans le milieu écologique des champs pour faire pousser des céréales et des pâturages pour faire paître ses troupeaux. Il a fabriqué les instruments lui permettant de cultiver le sol et de garder un troupeau. Les champs de céréales et le troupeau de moutons devaient être tenus à l'abri de l'action prédatrice des animaux et des autres hommes. Une nouvelle organisation du sol a été nécessaire et a été entreprise. A proximité de ses champs, le cultivateur a bâti une maison le mettant à l'abri. Il a construit une grange pour entreposer ses récoltes jusqu'au printemps suivant.
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Tandis qu'il mangeait une partie de sa récolte, il devait en stocker une autre comme semence pour l'année suivante. Il a ainsi substitué son propre système de production au système installé par la nature avant lui. Il a donc eu besoin de prévoir ce qu'il entreprendrait l'année suivante et il a préparé et programmé ses activités. Il a construit pour ses troupeaux des étables. Tandis qu'il mangeait une partie des animaux constituant son troupeau, il devait mettre à l'abri les mères qui allaient accoucher de leurs agneaux au printemps suivant. Il a donc été obligé de programmer sur plusieurs années la gestion de son troupeau. Ainsi est né, au centre d'une région fertile, au sein du milieu écologique, l'entreprise agricole. Plusieurs familles ont construit leur exploitation en un même lieu, près d'un point d'eau. Ainsi sont nés les villages, qui n'ont bien souvent pas changé d'assiette pendant 10 000 ans.
La première spécialisation
Le sol recouvert de champs et de pâturages a été capable de nourrir un nombre d'hommes bien plus important. Une poussée démographique a marqué le changement des structures. Puis peu à peu la quantité de calories alimentaires que pouvait produire un paysan est devenue supérieure à celle dont il avait besoin pour sa consommation familiale. Un excédent alimentaire a été dégagé. Des hommes se sont trouvés libérés de la production d'aliments et ont pu se consacrer à d'autres tâches. Certains d'entre eux sont restés au village. L'un est devenu le protecteur et le chef du village, avec sa force et ses armes. Un autre est devenu l'intercesseur du village auprès des dieux, grâce à ses prières: il a été le prêtre. Un autre a forgé les métaux et fourni les outils ou les armes dont tout le village avait besoin. En échange de la protection assurée par le chef, en échange des prières assurées par les prêtres, en échange des outils fabriqués par les forgerons, les paysans ont fourni la nourriture .
L'excédent alimentaire produit par les paysans a permis une autre création: la ville. D'autres hommes ont pu quitter le village et se regrouper au centre de la région agricole rassemblant plusieurs villages.
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Ils y ont créé un lieu d'échange de biens et de services pour tous les habitants de la région agricole. Ils y ont aussi produit des services ou des biens encore plus spécialisés que ceux fournis au village même. Ces échanges, ces productions concernaient tous les habitants de tous les villages environnants. Ainsi est née la ville. Au centre se dressaient les bâtiments des pouvoirs laïc et religieux vers lesquels convergeaient les rues des commerçants et des artisans. Comme les transports des aliments ou des marchandises ne pouvaient être assurés que par des moyens très rudimentaires, comme la circulation des hommes ne se faisait pratiquement qu'à pied, la distance entre la ville et le plus éloigné des villages dont elle dépendait pour sa nourriture ne pouvait dépasser une dizaine de kilomètres: ceci représentait déjà deux heures de marche. Ainsi se sont créées, partout sur la terre, des villes au centre de régions agricoles. L'existence de ces villes dépendait totalement de la nourriture que leur fournissaient les villages environnants. La fertilité du sol, donc la quantité de calories produites, déterminait le nombre maximum possible des habitants de la ville. En échange de la nourriture, les habitants de la ville offraient aux villageois toute une série de services. Un pouvoir plus puissant, plus étoffé que celui du petit seigneur local les protégeait. Ce pouvoir avait la difficile tâche d'assurer la paix intérieure et extérieure, ainsi que la justice. Il s'aidait d'hommes spécialisés dans les combats, dans la police ou dans la justice. La ville regroupait aussi les artisans dont les villageois avaient besoin. Dans la ville se trouvait le marché, nécessaire centre d'échanges entre les paysans des différents villages et entre les produits venus de la campagne et ceux fabriqués dans la ville. Au marché se trouvaient les instruments de mesure permettant de connaître avec de plus en plus de précision les quantités des marchandises échangées. Dans la ville est apparu et s'est développé le clergé. Il avait lui aussi de multiples tâches. Il devait assurer en priorité de bonnes relations entre les dieux et les hommes et rendre ainsi les difficultés de la vie présente plus tolérables. Mais le clergé a aussi pris en charge l'éducation, les soins aux malades, la charité aux plus défavorisés. Le clergé a enfin pris pratiquement partout en charge le stockage des informations recueillies sur la création et son évolution.
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Les structures physiques
Le territoire du cueilleur-chasseur regroupant un ensemble de quelques dizaines d'hommes a ainsi volé en éclat. Dans les zones les plus fertiles, il s'est transformé en ensembles ville-campagne regroupant autour d'une ville quelques dizaines de villages. La fertilité du sol déterminait en pratique la population de l'ensemble et la taille de la ville. Ce nouveau type d'organisation de la société humaine rassemblait dans une unité indissociable quelques dizaines de milliers d'habitants tout au plus. De la ville, centre et marché, rayonnaient les chemins la reliant aux villages. La société paysanne et artisanale substituait au milieu écologique, hérité des hominiens, une structure humaine totalement nouvelle. L'homme créait ainsi son propre cadre de vie sur terre. Quand le milieu écologique ne lui était pas favorable, il ne le transformait pas Nous avons ainsi encore d'immenses forêts, des déserts ou des montagnes qui n'ont pas été modifiés de façon sensible par les hommes. Les sols fertiles se sont couverts de champs, de villages et de villes. La quasi-totalité des échanges, du fait de la grande difficulté des transports, se faisait au sein de l'ensemble ville-campagne. Mais quelques échanges entre deux villes pouvaient avoir lieu: le sel ou l'ambre faisaient de longs voyages.
La spécialisation-complémentarité
Le phénomène de spécialisation-complémentarité s'est développé de deux façons chez l'homme habitant l'ensemble ville-cam-pagne. Les mutations génétiques avaient assuré l'évolution des ho-miniens jusqu'à l'homo sapiens. Puis, génétiquement, l'homo sapiens est venu s'ajouter au commencement génétique. Ce cornportement acquis peut être différent pour chaque homme: l'un ap- prendra la façon de pêcher les poissons, l'autre la manière de faire des gâteaux ou le troisième la technique pour construire un meuble. Dans chaque cerveau peut se développer une connaissance différente, source de comportement différent, source donc de spécialisation.
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L'homme se spécialise déjà, à l'intérieur de son cerveau, d'une façon endosomatique.
D'autre part, il dote ses mains de tous les outils nécessaires pour réussir le plus efficacement possible dans le métier qu'il a appris. Il fabrique des filets, des lignes ou des nasses pour pêcher des poissons. Il a un four, un pétrin, des cuillères et des instruments de cuisine quand il veut faire des gâteaux. Il invente toute une série de scies, de ciseaux ou de pinces quand il veut réaliser un meuble. Le crabe est condamné toute sa vie à porter les pinces que ses chromosomes lui ont procurées et à rester spécialisé dans la fonction de pincer. L'homme, lui, grâce à son cerveau, donne à ses mains tous les prolongements qu'il peut imaginer et se spécialise dans une infinité de domaines. Il peut changer de spécialisation s'il le désire, abandonner la pince pour prendre la scie, ou de pêcheur devenir cuisinier. A la spécialisation cérébrale et intra-corporelle s'associe la spécialisation dans les outils, que l'on peut identifier à une spécialisation extra-corporelle. Comme les connaissances de l'homme évoluent sans arrêt, ses outils se modifient aussi. La spécialisation de plus en plus poussée est le fruit de cette évolution.
Les structures législatives
Une partie du comportement humain est génétique. L'homme agit sous l'influence de ses chromosomes tout aussi inconsciemment qu'avaient agi la molécule ou l'abeille. Si le comportement humain n'était resté que génétique, totalement programmé et déterminé comme celui de l'abeille, il ne lui aurait pas été utile de légiférer. Mais, fait nouveau fondamental dans l'évolution des espèces, une part du comportement humain est déterminée par la pensée de chaque individu. Cette pensée est très variable selon chacun, selon les données mémorisées dans le cerveau de chacun. Il existe pour chaque individu une grande variété de comportements possibles. Ce nouveau type de comportement individuel, acquis grâce au cerveau, pouvait être nuisible aux autres hommes vivant dans la même unité ville-campagne.
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Il a été nécessaire de créer des lois obligeant chacun à limiter son comportement à des actes non nuisibles pour les autres. La structure urbaine, imposée par des réalités physiques et économiques, s'est trouvée doublée par une structure législative imposée par la grande variété des comportements individuels. L' apparitiorid'une_rjarLde_Iiberté dans le comportement humain rendait indispensable la structure législative. L'homme a dû créer ainsi une organisation sociale, un ordre social pour sa propre société. Une nécessaire structure juridique lui a indiqué sa conduite et limité sa liberté. Les abeilles n'avaient pas eu besoin de légiférer pour créer l'ordre parfait qui règne dans
leur essaim: cet ordre était inscrit dans leurs chromosomes, il n'était que le résultat de leur comportement totalement génétique, totalement déterminé.
Le comportement programmé, non modifiable et totalement stable des particules fondamentales dans le plasma, des molécules protéiques dans les mers chaudes ou des métazoaires dans le milieu écologique déterminait totalement les structures des diverses sociétés formées par ces existants. Un équilibre découlait des divers comportements de chaque acteur. Une structure précise en sortait. Tant que le cerveau humain n'a pas donné à l'homme un comportement très différent du comportement génétique, la structure de la société humaine est pratiquement restée stable, le milieu écologique n'a pas été modifié. Il n'était pas utile de légiférer. Mais du jour où la part non génétique du comportement de chaque individu a atteint un certain niveau, elle est parfois devenue dangereuse pour les autres. L'homme a été obligé, s'il voulait voir survivre sa société, de créer par la loi un cadre de vie, une structure d'ordre imaginée par son cerveau. Cette structure d'ordre décidée par l'homme est une grande innovation dans le phénomène créatif. Elle est la conséquence du comportement cérébral acquis et de toutes ses potentialités.
La religion judéo-chrétienne a donné le récit de la naissance de ces lois. Moïse fut le législateur qui donna au peuple juif les lois dont il avait besoin. Mais selon le récit biblique, il reçut ces lois de Dieu, sur le Mont Sinaï. L'homme, en étant créateur des structures juridiques de sa propre société, collaborait ainsi à l'oeuvre créatrice générale.
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Il prolongeait l'action du créateur initial qui l'aidait en lui donnant les Tables de
La création d'une mémoire extra- somatique
Dans le domaine de la mémoire, l'homme du temps des paysans f et des artisans innove tout aussi fondamentalement. Le plus L&teP ce _ _jjgent des animaux possède une mémoire très limitée et les informations qu'il a besoin de stocker dans cette mémoire sont très peu nombreuses. L'homme a une mémoire infiniment supérieure, mais la quantité d'informations qu'il peut avoir besoin de mémoriser est immense. Il a été assez rapidement obligé de trouver un moyen de stockage de l'information et d'inventer l'écriture pour mémoriser ses connaissances de façon précise et en quantité illimitée. Il créait ainsi un système de stockage de la mémoire indépendant de son propre cerveau.
Une société dotée de qualités nouvelles
Avec les villes, les lois, les bibliothèques, l'homme a créé en dehors de lui des systèmes qui ne servaient pas un individu isolé mais la société humaine dans son ensemble. Ainsi pendant la période des paysans et des artisans, la société regroupant quelques dizaines de milliers d'habitants a créé des champs, des villes et des villages reliés par des routes, des lois précisant pour chaque individu les limites de son comportement acquis et une mémoire commune, en principe accessible à tous. L'homme a installé sur terre des structures totalement nouvelles et indépendantes de son propre corps, déterminant le comportement de l'ensemble de la société humaine.
Très vite les villes ont construit des remparts: à Jéricho, dès 10000 ans avant Jésus-Christ.
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Le rempart est un moyen de défense collectif de la société et non un moyen de défense individuel. La société d'hommes spécialisés qu'est la ville se protège par des remparts. Elle imite en cela la tortue, société de cellules spécialisées ayant créé, dans le cadre de l'évolution des espèces, une carapace protectrice contre les prédateurs. Dans les deux cas, l'effet protecteur de la carapace ou du rempart est bien supérieur à l'effet protecteur que toutes les cellules de la tortue ou tous les hommes de la ville auraient pu obtenir. Ainsi se dégage déjà pour la société paysanne l'apparition de qualités nouvelles, différentes de l'addition des qualités de chacun de ses constituants.
Tentatives vers de plus vastes ensembles
Bien souvent l'unité de base ville-campagne a été associée ou unie à d'autres unités de base. Une même langue servait souvent de lien. Des royaumes ou de vastes empires sont ainsi apparus. Mais ces Etats n'ont jamais été stables. Leur surface a évolué en permanence et ils ont même parfois disparu au cours des siècles. L'Empire romain a par exemple regroupé tout l'Occident "civilisé" à l'origine de l'ère chrétienne et il a ensuite disparu. L'exemple fourni par l'Egypte est tout aussi intéressant. Les villages ne pouvaient vivre en Egypte que si tout un système d'irrigation était installé par un pouvoir regroupant des centaines de villages. Si ce pouvoir s'effondrait, l'irrigation disparaissait avec lui et la famine détruisait la population. L'Egypte fut condamnée par des circonstances géographiques particulières à être en permanence un vaste Etat regroupant de nombreuses unités ville-campagne ou à ne pas être du tout.
La société des paysans et des artisans a cherché en permanence à regrouper dans un ensemble plus vaste plusieurs unités de base. Mais la force des liens constituant cet ensemble n'était pas suffisante pour lui donner solidité et durée. Les empires ou les nations ont disparu tandis que les unités ville-campagne, elles, ont partout perduré. En Allemagne et en Italie par exemple, seules les unités ville-campagne existaient au dix-huitième siècle. La société industrielle en s'installant les a réunies à nouveau .
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Ainsi la société des paysans et des artisans a peuplé toutes les régions fertiles de la terre. Elle a substitué ses propres structures aux structures du milieu écologique, héritées de la sélection des espèces. Elle a montré que le métazoaire-homme s'y spécialisait de façon à la fois extra et intra-corporelle, et se soumettait ainsi à la grande loi de spécialisation-complémentarité. Déjà cette société se dotait de ses propres lois, de sa propre mémoire, de ses propres remparts, mais elle plafonnait constamment, tel l'essaim d'abeilles, à un ensemble de quelques dizaines de milliers d'individus. Cette société a duré environ dix mille ans, connaissant une grande stabilité après avoir mis en place ses structures en quelques générations. La productivité des sols n'avait en effet que peu varié, entraînant une relative stabilité des populations, donc de toutes les structures.
Cependant l'homme poursuivait son inlassable observation de la création. Si les structures de la sociétés restaient stables, du fait qu'aucune technologie nouvelle ne venait les modifier de façon importante, l'image de la création construite par l'homme prenait chaque jour une nouvelle dimension. Le temps de la deuxième grande mutation allait arriver.
LE TEMPS DES INDUSTRIELS
Quand les hommes ont découvert comment les métazoaires se reproduisaient, ils ont substitué au milieu écologique la structure ville-campagne. En perçant un des phénomènes importants de l'étape de la vie, ils ont créé un cadre de vie nouveau qui a pratiquement été stable 10 000 ans.
Une deuxième grande découverte a été à nouveau créatrice de structures nouvelles. Cette découverte de la science fondamentale porte sur une partie des mécanismes présidant à l'étape de l'énergie. L'homme utilisait déjà depuis longtemps la chaleur du feu pour se chauffer, pour cuire ses aliments, pour fabriquer des vases ou des épées. Au début du dix-huitième siècle, il utilise la chaleur du feu pour animer la matière.
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Il transforme la chaleur en mouvement. Avec l'énergie dégagée du bois, du charbon, du pétrole puis de l'atome, il crée des moteurs capables de faire avancer une locomotive, une automobile, un train, un bateau ou un avion. Il crée des machines capables de percer le bois ou les métaux, de creuser le sol, de porter de lourdes charges. Le transport rapide et en quantité pratiquement illimitée de la nourriture, des marchandises ou des hommes devient possible.
Avec l'électricité enfin, l'homme a animé la matière "du dehors", avec les moteurs électriques, mais il a aussi et de plus en plus animé la matière "du dedans": dans le domaine de la communication et de l'informatique en particulier, cette découverte a bouleversé totalement sa vie.
La progressive mondialisation de l'économie
En 1707 Denis Papin, protestant français exilé en Allemagne après la Révocation de l'Edit de Nantes, fait avancer sur la Fulda un bateau animé par la vapeur. Les structures du monde des industriels commencent à se substituer à celles du monde des paysans et des artisans. Les bateliers de la Fulda ont immédiatement détruit ce bateau monstrueux: ils pressentaient qu'avec lui l'organisation de leur métier, leur façon de vivre allaient voler en éclats. Mais d'autres bateaux sont nés un peu partout dans le monde. Le combat d'arrière-garde livré par les bateliers était inutile. Des progrès rapides ont été réalisés. En moins de trois siècles, les hommes ont installé une autre structure se substituant à la structure de la société paysanne. Il est intéressant de comparer les trois siècles qui ont été nécessaires à l'homme pour passer de la société paysanne à la société industrielle aux millions d'années qui ont été indispensables au phénomène créatif pour passer du premier hominien à l'homo sapiens.
Les hommes avaient déjà employé de façon artisanale l'énergie. L'énergie tirée de l'air ou de l'eau en mouvement avait été utilisée depuis des millénaires : les Egyptiens pour pousser les felouques sur le Nil, les Romains pour moudre le grain, les Cisterciens pour forger le fer, les Hollandais pour vider l'eau des polders.
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Puis l'homme avait fabriqué sa propre source d'énergie avec la poudre, mais n'avait utilisé cette source que pour tuer avec des balles de plomb ou des boulets de canon, ou pour envoyer dans le ciel de jolis feux d'artifice.
Avec l'utilisation industrielle de l'énergie, l'homme a eu les moyens d'installer un nouveau cadre de vie. La machine à vapeur, puis le moteur à explosion, le moteur électrique, le moteur à réaction ont été des engins de plus en plus performants permettant de transformer massivement l'énergie en mouvement. Les machines ont succédé à la force musculaire de l'artisan, de l'esclave ou du cheval. Les forces assurées par des êtres vivants étaient nécessairement limitées à leurs capacités physiques et le nombre de ces êtres aux nourritures disponibles. La puissance des machines, grâce à l'évolution des techniques, est pratiquement illimitée. La production artisanale s'est transformée en production industrielle, réalisant des séries de plus en plus longues. Un artisan qui soufflait dans une boule de verre ne pouvait fabriquer que quelques bouteilles dans sa journée. Aujourd'hui quelques techniciens surveillent la production totalement automatisée de milliers de bouteilles et les machines deviennent chaque jour plus performantes.A la diligence emmenant en plusieurs jours cinq ou six passagers de Paris à Lyon se substitue le TGV transportant en deux heures des milliers de voyageurs. Toutes les structures de la société artisanale ont commencé à s'effondrer quand l'homme a découvert l'utilisation de l'énergie.
Un paysan cultivait avec son cheval quatre ou cinq hectares de terre tout au plus. Il arrive aujourd'hui avec ses tracteurs de plus en plus puissants à cultiver des centaines d'hectares. Chaque année un hectare rapporte pratiquement un quintal de céréales de plus que l'année précédante. En 1990 un seul exploitant peut remplacer plus de cent paysans du siècle précédent. Les cent familles d'agriculteurs qui constituaient le village sont remplacées par une seule famille. Alors qu'un exploitant du temps des paysans nourrissait environ un citadin de la ville voisine, un cultivateur du temps des industriels nourrit plus de cent habitants d'une quelconque ville du monde, car le coût du transport ne compte pratiquement plus dans le prix de revient d'un produit. Les villages de la société du temps des paysans et des artisans se sont donc vidés et de très grandes villes sont nées. On se nourrit à Moscou avec du blé américain, on mange à Paris du riz chinois ou à Singapour du fromage français. La structure ville-campagne, stable pendant des milliers d'années, ne correspond plus aujourd'hui à aucune réalité sociale ou économique. Elle disparaît progressivement alors que naissent des villes de plus de vingt millions d'habitants.
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La spécialisation-complémentarité à l'échelle mondiale
Un comportement humain perdure dans la société industrielle: l'homme recherche sans arrêt, inlassablement, la meilleure productivité possible. La production industrielle aux séries pratiquement illimitées, associée au coût des transports de plus en plus négligeable, pousse les industriels à vendre leurs produits sur toute la planète. La structure d'échanges économiques ville-campagne, qui comprenait pratiquement la totalité des échanges, n'a plus guère d'utilité: la recherche de la meilleure productivité lui substitue une structure mondiale d'échanges. La division de la planète en nations ayant leur propre économie, leur propre monnaie était logique du temps des artisans et des paysans: chaque pays vivait en effet pratiquement en autarcie économique, puisque la quasi-totalité des échanges se faisait dans l'unité ville-campagne. Cette structure politique issue des temps anciens perturbe encore aujourd'hui les échanges et s'oppose à la rentabilité optimale des investissements. Economiquement contraints à créer une assiette mondiale à leur stratégie, les producteurs sont obligés, du fait de la division du monde en différents Etats, de créer des sociétés multinationales. Ils essaient ainsi d'échapper aux contraintes d'origine nationale héritées des anciennes structures.
La boutique de l'artisan est remplacée par l'usine regroupant, selon les spécialités, des centaines ou des milliers d'hommes qui utilisent les machines animées par l'énergie.
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Dans ces usines, chaque individu assure une tâche de plus en plus précise et spécialisée. Il en est de même dans tous les services d'une nation. Le moindre objet dont nous nous servons a nécessité le travail de plusieurs centaines, parfois de plusieurs milliers d'individus. Quand nous mettons une casserole en aluminium sur le feu, nous devenons dépendants de celui qui extrait de la bauxite en Guinée, de celui qui transporte sur son bateau cette bauxite au Canada, de celui qui a fabriqué le bateau à Taiwan, de celui qui surveille le trajet du bateau par satellite, de celui qui a construit au Canada l'usine fabriquant l'aluminium et la centrale hydroélectrique produisant l'électricité dont elle a besoin, etc... Avec le temps des industriels, la spécialisation-complémentarité prend une dimension mondiale. Elle ne porte plus sur un petit groupe humain rassemblant quelques dizaines de milliers d'individus, elle porte sur un ensemble de plusieurs milliards d'hommes.
Le phénomène de l'industrialisation nécessite du temps pour se mettre en place. Il évolue. Il a d'abord été localisé à quelques régions d'Angleterre possédant des mines de charbon, puis à quelques nations comme les USA ou l'Allemagne. Il a débordé ensuite sur d'autres nations comme la France, puis l'Italie et petit à petit a touché un nombre de pays de plus en plus important. On dit que les pays qui ne sont pas encore atteints par l'industrialisation sont "en voie de développement".
La taille des investissements évolue aussi. Ces investissements ne permettaient au début de produire que de courtes séries. Ils limitaient les échanges à de petits secteurs géographiques, régionaux. Puis ils ont atteint la taille leur permettant de satisfaire les besoins d'une nation toute entière. Progressant sans cesse, ils sont capables aujourd'hui, dans certains secteurs, de satisfaire une clientèle mondiale. Un pays hautement industrialisé vend des avions à ceux qui ne sont pas capables d'en construire.
La qualité des investissements évolue également. La productivité qui mesure cette qualité progresse plus ou moins rapidement suivant les pays et dans chaque pays suivant les secteurs. La France progresse rapidement dans des secteurs comme l'aéronautique alors que le Japon est très performant en informatique. La spécialisation se produit au sein de chaque nation et entraîne des échanges mondiaux.
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II est évident qu'actuellement nous allons vers une mondialisation de l'économie. En de nombreux pays et en de nombreux secteurs de l'économie, la mondialisation ne s'est pas encore faite, mais les obstacles politiques ou idéologiques s'opposant temporairement à cette mondialisation tombent les uns après les autres. Les pays qui croyaient pouvoir vivre en dehors de ce courant économique mondialisateur finissent par s'y rallier. En observant ce phénomène de mondialisation de l'économie par la recherche de la productivité maximum, on a l'impression d'observer un comportement génétique tant il est impératif et généralisé.
La dimension mondiale de l'individu
Un nouveau et très important palier dans la mondialisation de l'économie a été franchi avec l'introduction de l'électricité dans la société humaine. Du temps des artisans, le corps se dotait de prolongements matériels comme la pince ou la scie. Le muscle donnait à ces outils l'énergie nécessaire pour pincer ou scier. Puis un moteur a animé la pince ou la scie et l'homme a organisé le travail de la machine qui pinçait ou sciait à sa place. Enfin, grâce à l'informatisation des ateliers, le travail de la machine est maintenant totalement programmé et automatisé. L'homme surveille à distance.
Avec l'électricité, le corps de chaque individu se donne des prolongements d'un type nouveau. Nos yeux ne nous permettaient de voir avec précision qu'à quelques centaines de mètres. Avec la télévision, ils voient en direct un match de tennis à Paris, une exposition au Japon ou les premiers pas de l'homme sur la lune. Notre vue acquiert une dimension mondiale. Nous avions une voix qui ne portait que sur quelques centaines de mètres, nous avions des oreilles qui n'entendaient que sur quelques centaines de mètres. Avec le téléphone, nous pouvons immédiatement converser avec tous ceux que nous désirons consulter dans le monde entier. Notre oreille et notre voix prennent comme notre vue une dimension mondiale. Avec ses jambes, le paysan atteignait la ville voisine en quelques heures. Avec un avion, le citoyen de la société industrielle fait le tour du monde en moins de 24 heures.
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Chaque individu atteint, dans le domaine de la communication, une dimension mondiale, mais cette dimension mondiale n'est obtenue que grâce à l'installation d'infrastructures très complexes, utilisant de nombreux hommes et tout un matériel de plus en plus sophistiqué. La dimension mondiale de chaque individu existe. Elle repose sur une dépendance de plus en plus grande de chacun d'entre nous vis-à-vis de la société. Elle crée entre l'individu et la société industrielle mondiale un lien chaque jour plus solide.
Une société planétaire structurée
Les bouleversements de la société industrielle donnent à l'homme une dimension individuelle mondiale tout en créant une société économique mondiale où règne la grande loi de la spécialisation-complémentarité. La recherche constante de la productivité maximum, sanctionnée par la loi du marché, pousse inéluctablement l'homme vers cette société planétaire où chacun assure une tâche spécialisée. Chacun trouve dans cette spécialisation une plus grande dimension, tout en subissant une plus grande dépendance vis-à-vis de la société.
On ne peut consommer à Moscou le blé américain que si tout un système de transport et de communication assure le transfert de ce blé en Russie. On ne peut rouler avec une moto japonaise à Paris que si une usine spécialisée dans la fabrication des motos est créée au Japon, si tout un réseau commercial est tissé dans le monde et si tout un réseau d'entretien des motos est ensuite installé. On ne peut rouler avec une voiture que si des routes et des autoroutes sont tracées. On ne peut se déplacer en avion que si tout un réseau d'aéroports, de surveillance de la navigation aérienne et de construction et de maintenance des avions existe. Chaque individu ne peut téléphoner instantanément dans le monde entier que si tout un fantastique réseau de communication assure le transport de la parole partout sans défaillance.
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La dimension mondiale de l'individu et du marché aboutit à la création d'une structure mondiale très complexe au service de l'individu. Nous constatons que la société des industriels a déjà mis en place un tel réseau d'échanges et de productions débordant totalement le cadre national. Le phénomène de spécialisation-complémentarité a atteint actuellement un tel niveau qu'il devient difficile à un individu de quitter la société dans laquelle il vit. Le médecin français qui va seul en tirant son traîneau jusqu'au pôle Nord ne se coupe qu'apparemment de la société industrielle pour vivre seul dans le milieu écologique conservé au pôle Nord. Il ne réussit en fait son bel exploit que parce qu'il utilise les techniques les plus avancées de la société industrielle. Cela lui aurait été impossible il y a vingt ans. L'écologiste qui va garder ses moutons dans les Causses dispose de toute l'infrastructure médicale qui opérera son enfant de l'appendicite en cas de nécessité, même s'il n'a pas les moyens de financer une telle intervention.
Une société aux qualités nouvelles
La petite société du temps des paysans et des artisans, composée de quelques dizaines de milliers d'hommes, avait déjà acquis dans certains domaines des qualités nouvelles, qualités que les individus n'avaient pas la possibilité d'avoir personnellement. L'homme habitant derrière le rempart de la ville jouissait d'une sécurité impossible à atteindre sans la protection mise en place par la société. L'homme consultant une bibliothèque disposait d'un accès à une mémoire qu'il ne pouvait posséder lui-même dans son propre cerveau.
La société industrielle, dans de très nombreux domaines, s'est dotée de qualités bien supérieures à l'addition de celles des hommes qui la composent.
La société humaine voit avec des télescopes géants la ronde étonnante des galaxies ou l'éclatement d'une super-nova. Elle inspecte avec la sonde spatiale le sol de Mars ou la comète de Halley. Avec les microscopes elle observe les molécules ou les atomes, elle assiste à la fécondation de l'ovule par les spermatozoïdes. Elle photographie ou filme tout ce qu'elle veut archiver et mémoriser. Avec les rayons X elle examine les os à travers le corps, tandis qu'avec les ultra-sons elle découvre les mouvements du foetus dans le ventre de sa mère ou l'épave d'un bateau sur le fond de l'océan.
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Elle voit dans l'infra-rouge et dans l'ultra-violet. Les capacités de vision de la société industrielle sont bien plus étendues que celles de l'homme et bien différentes d'elles.
La société humaine entend aussi très différemment de l'homme. Elle a des appareils d'écoute dont la finesse dépasse de loin les capacités de l'oreille. Elle sait capter toute une série d'ondes magnétiques que l'oreille est incapable de percevoir. Elle installe des oreilles géantes pour écouter tous les "bruits" qui proviennent de l'espace.
La société humaine peut, pour se défendre, envoyer à des milliers de kilomètres des bombes détruisant des villes entières en une seconde. Elle peut détruire des satellites volant autour de la terre. Elle peut même, en quelques minutes, détruire la terre entière.
Dans le domaine de l'intelligence enfin, la société humaine acquiert avec l'informatique une série de qualités dont l'énumération serait fastidieuse. Mais dans des domaines facilement quantifiables comme le calcul ou la mémoire, les performances des organes qu'elle met en place sont absolument fantastiques par rapport aux pauvres petites possibilités du cerveau humain. A leurs débuts, les ordinateurs étaient isolés dans les entreprises qui les utilisaient. Ils sont actuellement reliés entre eux de plus en plus solidement chaque jour par tout un réseau d'échanges d'informations. Toute une série de qualités infiniment supérieures à celles du cerveau humain, limité dans sa boîte crânienne, apparaissent dans le domaine de l'informatique.
La créativité humaine
Malgré l'infériorité, en de nombreux domaines, des performances de l'individu par rapport à celles de la société, l'homme est et reste créateur individuellement. Sur le plan artistique en particulier. Cette création avait déjà commencé du temps des cueilleurs-chasseurs: les peintures retrouvées à Lascaux ou à Al-tamira le prouvent.
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Toute la période des paysans et des artisans est marquée par une grande richesse créative. Que ce soit dans le domaine de l'architecture ou de la cuisine, de la peinture ou du parfum, de la sculpture ou de la poésie, de la littérature ou du vin, de la musique ou du théâtre, l'homme crée, crée encore et crée toujours. Tout ce qui peut charmer ses cinq sens, tout ce qui peut intéresser son cerveau est inspiration créatrice. Au fil des siècles, avec la propre sensibilité de chaque peuple, de chaque culture, des artistes émergent de l'humanité et créent des oeuvres d'art.
L'homme se montre créateur également dans le domaine scientifique. Il a inventé les mathématiques, devenues pour lui un outil de calcul ou de réflexion. Il crée aussi dans de très nombreux autres domaines. Il fait naître des atomes, atomes que les particules fondamentales n'avaient pas eu l'occasion de découvrir. Il invente des molécules nouvelles, molécules que le phénomène créatif n'avait pas inventées avant lui: il produit par exemple des molécules chimiques nouvelles capables de lutter contre des maladies. Il crée de nouvelles rosés ou de nouveaux chevaux que l'évolution des espèces n'avait jamais mis au monde avant lui. Avec le génie génétique, un nouveau, un immense champ de création lui est ouvert. Ce champ n'est pas limité à la modification d'une espèce, il permet d'imaginer des espèces nouvelles et de les créer. L'homme a maintenant la possibilité de remplacer par un virus le bacille donnant la diphtérie: il peut ainsi fabriquer un vaccin contre la diphtérie, bien plus efficace et bien mieux toléré grâce à ce nouveau virus.
Telle nous apparaît l'action très particulière de l'homme sur terre depuis trois siècles. Une société mondiale s'édifie, de plus en plus solide et de plus en plus complexe, une société douée de qualités différentes des qualités de chaque individu et bien supérieures à elles.
En observant le phénomène créatif dans l'univers avant l'arrivée de l'homme, nous ne sommes d'abord restés que descriptifs. Puis nous avons introduit dans notre vision un certain ordre. Nous avons dégagé de notre observation la succession de trois étapes:
l'énergie, la matière et
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V
L'HOMME CREE UN NOUVEL EXISTANT
Le phénomène créatif a eu besoin de quinze milliards d'années pour aboutir aux hominiens. La micro-évolution des espèces a assuré, en quelques mutations bénéfiques et en quelques millions d'années, la mise au point du cerveau de l'homme actuel. Pour la première fois dans l'histoire du phénomène créatif, un existant peut avoir un comportement qui ne soit pas totalement prédéterminé. Par ses chromosomes l'homme est enfermé dans un comportement génétique et déterminé, mais grâce à son cerveau il peut aussi avoir un comportement individualisé et la liberté de le choisir. Pendant 40 000 ans il a observé l'univers et vécu dans le milieu écologique sans le modifier fondamentalement. Grâce à ses observations sans cesse améliorées et après avoir découvert et contrôlé les secrets de la reproduction des céréales et des moutons, il a créé, il y a 10 000 ans seulement, un premier cadre de vie "humain": il a installé la société paysanne. Il y a seulement trois siècles il a découvert comment transformer la chaleur en mouvement. Il a abordé les problèmes de l'énergie. Il a commencé alors à installer sur terre, à une vitesse toujours plus grande, les structures d'une société mondiale regroupant quelques milliards d'hommes.
Rappelons-le, plusieurs milliards d'années avaient été nécessaires pour passer du noyau simple de l'hydrogène au noyau complexe de l'uranium, ou d'un protozoaire à un métazoaire. Le phénomène créatif, confié jusqu'à l'homme à des individus totalement programmés, avançait, mais avançait très lentement.
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L'évolution actuelle de la société humaine marque un changement brutal de rythme. Cette accélération est la conséquence bien particulière du comportement du cerveau humain.
Nous avons identifié dans le phénomène créatif cinq synthèses successives: particule fondamentale, atome, molécule, cellule vivante et métazoaire. Nous y avons retenu trois étapes: les étapes de l'énergie, de la matière et de la vie. L'étape de la vie nous est apparue comme incomplète. Selon notre observation, une étape s'achève par la synthèse d'un existant stable, à structure centrée et sphérique. L'étape de la vie n'a encore abouti sur terre qu'à l'homme, premier existant capable de reconstituer l'image de cette longue histoire. De plus il est le premier à être doué d'un comportement non programmé. Pourquoi le phénomène créatif, qui a atteint lentement le niveau métazoaire, cesserait-il d'agir avec l'apparition de l'homme? Ce phénomène est apparu jusqu'à l'homme comme irrésistible. Pour quelle raison l'homme, doué de nombreux mécanismes introduisant dans sa vie personnelle et dans son comportement social une extraordinaire évolution, ne serait-il pas un acteur privilégié du phénomène créatif ? Pourquoi n'aurait-il pas, par exemple, la responsabilité de réaliser la sixième synthèse et d'achever ainsi l'étape de la vie ? La société humaine planétaire, telle que nous venons de la décrire, ne serait plus une simple société de mieux en mieux organisée, un gigantesque essaim d'abeilles, mais un véritable existant, une nouvelle créature en gestation. En formulant une telle hypothèse, nous quittons le domaine de la stricte observation du comportement humain. Nous attribuons à ce comportement une valeur, une finalité, un sens totalement nouveaux. Une dimension tout autre aussi: l'agitation de l'homme sur terre n'apparaît plus alors comme désordonnée, souvent chaotique et parfois absurde. Elle acquiert au contraire un sens précis et s'inscrit, s'intègre dans un processus vieux de quinze milliards d'années. L'action de l'homme prend une place privilégiée dans le phénomène créatif. La molécule protéique avait été programmée pour créer la cellule vivante. L'homme, lui, a reçu la mission et les moyens de créer l'existant achevant l'étape de la vie. Il a été génétiquement programmé pour entreprendre une telle mission, car jusqu'à ce jour il a agi en totale inconscience de son rôle. Il a entrepris la création d'une société, comme les molécules protéiques avaient élaboré une société qui devait devenir un jour une cellule vivante.
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Notre observation scientifique nous conduit à penser que l'homme actuellement met en place à la surface de la terre les structures très concrètes d'un existant nouveau venant achever l'étape de la vie. Seules, des approches religieuses avaient jusqu'à maintenant annoncé l'évolution de la société humaine vers une "fin du monde". Teilhard de Chardin avait pressenti une évolution de la société humaine vers ce qu'il nommait une "mégasynthèse". Mais il situait cette synthèse regroupant toute l'humanité au niveau des esprits, des âmes. Il le faisait à partir d'une base religieuse, sans amener de preuves scientifiques. Notre vision est tout autre. Nous situons la synthèse au niveau des corps seulement. Comme les cellules vivantes se sont unies pour créer le métazoaire, les hommes s'unissent pour créer un nouvel existant de rang supérieur. Ce que nous allons décrire ne contredit pourtant en rien la vision de Teilhard. Elle se situe seulement sur un tout autre plan. La synthèse que nous envisageons n'est peut-être que le support matériel, physique et parfaitement observable d'une synthèse spirituelle?
Un curieux parallélisme
Pour mieux saisir ce qui se passe actuellement sur terre, il faut comparer la société humaine en cours de création à la société de cellules qu'est le corps humain. Dans le corps humain, la cellule vivante a su se spécialiser et mettre en place les structures assurant le bon fonctionnement du corps et procurant finalement à ce corps une série de qualités totalement nouvelles, qualités que la cellule ne possédait pas. L'évolution des espèces a donné aux cellules le moyen de se spécialiser pour former les oreilles ou les yeux. Ces cellules ont même été capables d'offrir au corps humain un cerveau générateur d'un comportement non programmé.
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Toute une fantastique organisation interne assure le bon fonctionnement de l'ensemble. Des lymphocytes sont chargés de la protection du corps contre les maladies. Ils constituent une armée équipée des armes les plus sophistiquées. Des mécanismes assurent automatiquement la régulation de la tension artérielle. Ce sont les cellules vivantes, et les cellules vivantes seules, qui assurent toutes ces fonctions. Elles utilisent pour le faire les molécules dont elles sont constituées. Elles créent au bon moment de l'insuline s'il est nécessaire de corriger une glycémie trop élevée, ou des anticorps pour neutraliser un microbe dangereux. La perfection des mécanismes mis en place est étonnante et d'une merveilleuse efficacité. Plus nos observations se précisent, plus nous sommes étonnés des solutions adoptées avec une intelligence incroyable.
La société humaine, dont les structures s'installent actuellement, acquiert des qualités que chaque individu ne possédait pas. Ses appareils d'audition et de vision sont bien différents de ceux de notre corps. Les capacités de calculer ou de mémoriser de nos ordinateurs dépassent de façon très importante celles du cerveau de chaque homme. Il existe des mécanismes qui règlent automatiquement la production d'électricité et l'adaptent en permanence à la demande de la consommation. Ces mécanismes sont surveillés par l'homme, mais ils fonctionnent pratiquement de façon automatique. Il existe dans la société humaine toute une structure qui a pour mission d'assurer la bonne santé de cette société. Chaque homme est soigné en particulier, mais une action sur l'ensemble des individus est également entreprise. L'éradication de la variole, rend par exemple inutile les soins à donner individuellement pour lutter contre cette maladie. L'adjonction d'un peu d'iode dans l'eau que consomment les habitants de certains cantons suisses a supprimé les goitres. La vaccination protège l'ensemble des populations. Si l'efficacité du système de santé protégeant les hommes n'est pas encore parfaite, elle s'améliore chaque jour un peu plus.
Les hommes installent sur terre toute une série de réseaux assurant le transport de l'énergie, de l'information ou de la nourriture. On ne peut que penser aux veines, aux artères ou aux nerfs mis en place par les cellules: l'analogie est troublante.
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Une différence importante existe cependant entre ces deux systèmes. Celui des cellules a atteint un haut niveau de sophistication et n'évolue plus: il est figé par la mémoire emmagasinée dans les gènes. Celui que l'homme met en place depuis peu est encore bien ru-dimentaire, mais il évolue très rapidement et son efficacité croît chaque jour. L'un a atteint dans de nombreux domaines des solutions approchant de la perfection et reste stable. Les solutions de l'autre sont encore souvent imparfaites mais s'améliorent rapidement.
Un homme conscient au sein d'une société planétaire
On ne peut être que frappé par une telle analogie. Il existe cependant une différence fondamentale entre la société de cellules qu'est le corps humain et la société d'hommes qu'est la société industrielle mondiale. Les cellules du corps humain ne voient pas, n'entendent pas, ne pensent pas. Elles agissent, inconscientes, à leur place, sans savoir ce que voit, ce que pense l'homme qu'elles ont créé dans le cadre de l'évolution des espèces. Ce que fait cet homme ne les concerne pratiquement pas. Une cellule du tube digestif ne possède aucune capacité de réagir à la beauté d'une symphonie de Mozart, ou même à la qualité d'un plat savoureux dont elle ne retiendra que les molécules constitutives.
Au contraire l'homme, dans la société mondiale qu'il installe actuellement, peut voir ou entendre individuellement tout ce que voit ou entend la société dont il fait partie. L'homme est ainsi informé de tout ce que peut voir, entendre ou penser la société dans laquelle il vit. Quand une sonde spatiale envoyée par la société prend des photographies de la surface de la planète Mars, tous les hommes peuvent voir ces photographies. Dans le phénomène créatif, une telle situation est une innovation totale, une innovation fondamentale. L'homme, contrairement à la cellule vivante dans le métazoaire ou à l'atome dans la molécule, reste parfaitement conscient de tout ce que peut voir, entendre, faire ou imaginer sa société. L'homme participe donc individuellement, quand il le veut, à tout ce que réalise la société dont il dépend.
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L'irrésistible phénomène créatif
Un premier constat s'impose. Le phénomène créatif a eu lieu. Il a eu lieu contre toute attente "raisonnable". Nous commençons à comprendre comment a pu se dérouler la première synthèse atomique ou la première synthèse moléculaire. Nous commençons à peine à comprendre comment la sélection des espèces a fait évoluer sur terre le milieu écologique et créé en cascade toute une série de métazoaires. Nous sommes encore très loin d'avoir compris comment s'est déroulée la synthèse de la première cellule vivante. Mais nous savons qu'elle a eu lieu sur terre, comme nous savons qu'un jour est né le premier homme, même si les circonstances de cette naissance posent encore bien des points d'interrogation. Le phénomène créatif a eu lieu, envers et contre tout, jusqu'au métazoaire. Il a mis le temps nécessaire pour réussir, mais il a réussi.
Un deuxième point a aussi son importance. Le phénomène créatif a été réalisé par des existants totalement inconscients de leur rôle qui ont trouvé au bon moment tout ce dont ils avaient besoin pour réussir. D'une part un environnement favorable à une nouvelle synthèse était progressivement mis en place. D'autre part une programmation individuelle leur permettait d'acquérir des qualités indispensables à une nouvelle union. Dans une totale inconscience, mais d'une façon irrésistible, les cinq synthèses ont eu lieu. Des existants parfaitement inconscients ont été capables de jouer dans la création un rôle essentiel et ils ont totalement réussi. Dans un monde livré à l'entropie, cette réussite apparaît presque scandaleuse à l'observateur scientifique. Dans l'état actuel de la science, seule une parfaite programmation de l'évolution de l'environnement d'une part, des qualités propres à chaque existant d'autre part peut donner une explication acceptable d'un tel phénomène.
Le comportement du métazoaire-homme, replacé dans le cadre du phénomène créatif, est très intéressant. D'une part il hérite, en arrivant sur terre, d'un milieu écologique qui lui est favorable. Malgré la peste, la variole ou le sida, il se multiplie et occupe toutes les zones habitables de la terre.
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Puis il devient paysan et il engrange ses récoltes. D'autre part il reçoit de l'évolution des espèces un cerveau qui lui permet d'évoluer en dehors de toute programmation: cette innovation dans le phénomène créatif est porteuse d'une fantastique accélération de l'évolution sur la planète Terre. L'homme crée en quelques siècles une société mondiale dans laquelle il s'intègre de plus en plus, à laquelle il est relié par des liens de plus en plus forts. Il crée cette société dans une totale ignorance de son véritable rôle, sans envisager qu'elle puisse être un jour une des futures étapes du phénomène créatif. Il a alors le même comportement que tous les existants qui l'ont précédé : il est un créateur parfaitement inconscient. Il semble donc que dans son comportement social, l'homme soit tout aussi programmé que la molécule ou la particule qui l'ont précédé.
Par ailleurs l'homme prend conscience du phénomène créatif et il est le premier existant à le faire. Créateur inconscient d'un côté et observateur conscient de la création de l'autre, l'homme nous apparaît comme le métazoaire qui "bouge". Si nouvelle étape il doit y avoir dans le phénomène créatif, si l'étape de la vie doit être achevée, il est évident que parmi tous les métazoaires c'est l'homme qui a reçu les moyens et la "mission" de le faire.
Le phénomène créatif a été irrésistible jusqu'à l'homme. Il a atteint le niveau métazoaire. Il n'a aucune raison de s'arrêter à ce niveau. L'homme est "le" métazoaire qui doit intervenir dans le phénomène créatif. Or l'homme, après avoir découvert le phénomène créatif, utilise sa science pour installer sur la terre une immense société unissant de plus en plus solidement les hommes entre eux. Il se soumet au phénomène de spécialisation-complémentarité tout aussi complètement que l'ont fait avant lui les cellules vivantes ou les molécules protéiques. L'homme n'est-il pas en train de réaliser la sixième synthèse?
La Planète Pensante
Avant d'aller plus loin dans l'étude de cette hypothèse, il nous semble nécessaire de donner à ce nouvel existant éventuel un nom. Nous avons choisi celui de "Planète Pensante".
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La taille de ce nouvel existant est en effet planétaire. La société que construit l'homme industriel ne trouve son achèvement que dans cette dimension. L'unité de base de la société paysanne était l'ensemble ville-campagne. Plusieurs ensembles ville-campagne formaient une nation économiquement autarcique. La société industrielle s'installe maintenant sur le monde entier, à travers les frontières héritées de la période précédante, à travers les frontières des anciens ennemis européens devenus frères dans le marché commun, à travers le mur de Berlin qui s'écroule, les rideaux de fer qui tombent ou les rideaux de bambous qui ne tombent pas encore mais s'ouvrent. Seule cette dimension planétaire assure la rentabilité optimale des investissements et du marché. Déjà dans de nombreux domaines autres que l'économie, les hommes ont un comportement planétaire: les jeux olympiques en sont le plus beau et le plus vieux symbole. En matière de transport, d'information, de musique, de médecine ou de science, les structures d'un comportement mondial sont déjà là. Elles sont chaque jour un peu mieux installées, même si des divisions politiques ou monétaires héritées du temps des paysans sont toujours là. Nous avons vu que l'homme de la société industrielle s'était déjà doté de prolongements lui assurant une taille planétaire dans le domaine de la communication. Nous avons également vu que dans les cerveaux de tous les hommes se construit la même image, de plus en plus exacte, de plus en plus précise de la création. La dimension planétaire du nouvel existant nous apparaît comme une évidence.
Nous préférons le terme de "planète" au terme de "terre". La Terre est unique, tandis qu'il existe des milliards de planètes dans l'espace-temps. Le phénomène créatif est un phénomène quan-tique qui engendre des existants de plus en plus vastes. Il n'est pas possible d'en limiter l'action à une toute petite planète perdue dans l'immense cosmos. En choisissant le terme de "terre" nous aurions implicitement considéré que le phénomène créatif s'achevait avec la création terrestre seule. En choisissant le terme de "planète", nous conservons au phénomène créatif une éventuelle taille cosmique. Ceci engendrera quelques hypothèses nouvelles, nous le verrons au dernier chapitre.
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Le qualificatif de "Pensante" nous semble tout aussi justifié. La caractéristique essentielle de l'homme au milieu des métazoaires est en effet la pensée réfléchie. L'image du phénomène créatif que l'homme a construite dans son cerveau l'a été grâce à sa pensée. La société qu'il crée repose aussi sur cette pensée. La pensée réfléchie caractérise toute la partie du comportement humain qui concerne le phénomène créatif. Comme le qualificatif de "vivante" caractérisait bien la "cellule", celui de "pensante" nous semble bien adapté à la "planète", éventuel existant achevant l'étape de la vie. Par ailleurs la société créée par l'homme s'informatise. Les individus, les entreprises, les Etats s'informatisent. Tout un vaste et très complexe édifice installe actuellement sa structure mondiale. Tout un système d'interconnexions se tisse aujourd'hui entre les différents centres informatiques restés isolés jusqu'à maintenant, de la même façon que dans un immense cerveau, des "synapses" organisent au cours de l'embryogenèse les communications entre les différents centres informatisés de pensée. Ce "cerveau" permet aux autres activités humaines, qui l'utilisent toutes les unes après les autres, d'atteindre des niveaux de complexité totalement inimaginables il y a seulement vingt ans. Lancer une sonde spatiale ou alimenter en électricité une région ne peut plus se faire sans ordinateur. Tout sur terre ne fonctionne de plus en plus que grâce à un développement très rapide des capacités de penser de la planète. Un arrêt de tous les ordinateurs paralyserait aujourd'hui notre société tout comme un accident vas-culaire cérébral paralyserait un homme.
A la fin de chaque étape de la création étaient apparues des qualités annonçant la qualité essentielle de la future étape. La matérialité était apparue dans certaines particules fondamentales, matérialité que l'atome ensuite concrétisera et stabilisera dans son système propre. De même à la fin de l'étape de la matière, certaines molécules protéiques possédaient des qualités très proches de celles de la vie. La cellule vivante telle que nous la connaissons stabilisera ensuite, dans son système particulier, la vie. L'homme se distingue des autres métazoaires par la pensée réfléchie.
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La so
ciété humaine installe à sa tête un immense organisme pensant, issu de la pensée humaine, mais bien différent de la pensée propre à chaque individu. Cet organisme est actuellement en gestation. La pensée humaine annonce la pensée bien plus vaste de l'existant de rang supérieur en train de s'édifier.
C'est pour toutes ces raisons que nous retenons le nom de "Planète Pensante" pour l'éventuel existant que l'homme édifie actuellement. Ce choix n'est pas neutre, comme nous venons de le voir.
L'action de l'homme perturbe l'évolution des espèces
Le phénomène créatif en action depuis quinze milliards d'années avait confié à l'évolution des espèces le soin de présenter sur la terre une infinité de métazoaires. Ainsi est né, s'est développé et a évolué jusqu'au métazoaire- homme, le milieu écologique. Dans son cheminement, cette évolution a permis le développement des métazoaires dans les mers, dans les airs et sur la terre. Le milieu écologique s'est progressivement modifié. Des espèces anciennes ont disparu tandis que de nouvelles créatures ont été "essayées" et confrontées aux réalités de la vie.
L'homme est apparu. Pendant trente mille ans, il a utilisé le milieu écologique tel qu'il était. Il n'a pas perturbé l'évolution des espèces qui a continué de peser de tout son poids sur le monde vivant. Puis, au temps des paysans et des artisans, il a commencé à modifier de façon importante le milieu écologique. Il a installé à la place des espaces vierges ses champs, ses pâturages, ses villages et ses villes. Il a favorisé le blé et arraché l'ivraie. Il a élevé les moutons ou les chèvres et il a presque supprimé les loups. Mais son influence n'était pas encore très importante dans de nombreux autres domaines. L'évolution des espèces pouvait toujours jouer son rôle .
Avec le temps des industriels, la prise de possession de la terre par l'homme devient bien plus profonde. L'homme modifie radicalement la vie sur terre. Il installe les structures d'une société où tout le vivant subit pratiquement son influence.
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Il trouble parfois, de façon involontaire, le milieu écologique par la pollution. La société paysanne ne produisait pratiquement pas de déchets et la pollution qu'elle engendrait était négligeable. Les hommes appartenant à cette société n'avaient pas besoin de lutter contre cette pollution. La société industrielle pollue. Il est donc indispensable de créer des organismes chargés de lutter contre cette nocivité. De même que, dans l'organisme, des cellules rénales sont chargées d'éliminer l'urée ou d'autres toxiques, dans la société humaine industrielle il existe des entreprises dont la mission est d'éliminer les déchets. Il en existera d'ailleurs de plus en plus.
Le milieu écologique naturel est totalement transformé. L'homme de la société industrielle organise la vie animale et végétale selon ses désirs. Il élève des poules, des lapins ou des saumons. Il a les moyens de favoriser tel métazoaire plutôt que tel autre. Il sème le blé, le maïs ou le pin maritime là où il le souhaite. Il défriche les espace encore vierges s'il le veut. Toute la surface de la terre passe sous son contrôle.
L'homme substitue à la lente évolution des espèces sa propre action sur les métazoaires. Il lui arrive de détruire involontairement des espèces vivantes qu'il aurait aimé conserver. Il peut aussi supprimer volontairement une espèce vivante: il a ainsi apparemment éradiqué le virus de la variole dont il conserve quelques témoins dans ses laboratoires. Il crée depuis des années de nouveaux êtres vivants dans le cadre de la micro-évolution des espèces, grâce à des mécanismes de sélection qui agissent bien plus rapidement que ceux de la sélection naturelle: il orne ainsi chaque année nos jardins d'une nouvelle rosé ou d'une nouvelle tulipe. Le génie génétique lui donne déjà les moyens de créer à une vitesse fantastique de nouvelles espèces. Il inaugure un génial bricolage des gènes. Il quitte le cadre très restreint de la micro-évolution qui ne concerne qu'une espèce pour entrer dans le cadre de la création de nouvelles espèces. La liberté des comportements avait déjà contraint l'homme à légiférer pour éviter que cette liberté individuelle ne soit destructrice de société. L'avancée foudroyante dans le domaine de la vie contraint l'homme à découvrir là aussi une nouvelle éthique
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Les mécanismes mis en place par le phénomène créatif, mécanismes ayant assuré jusqu'à l'homme la lente évolution du milieu écologique, ne sont pas supprimés. Ils peuvent continuer encore à agir en quelque lieu reculé de notre planète. Mais ils se trouvent totalement obsolètes devant l'efficacité des moyens humains. L'évolution des espèces qui assurait la poursuite du phénomène créatif n'a pratiquement plus de prise sur l'évolution de la vie sur terre. Le relais est pris, de toute évidence, par les hommes. Le fait est fondamental.
L'homme agit également sur sa propre espèce, d'une façon inattendue. Alors qu'avant lui étaient éliminés impitoyablement tous ceux qui étaient mal adaptés à la vie, l'homme, grâce à l'efficacité de la médecine, maintient aujourd'hui en vie un nombre de plus en plus grand d'individus de plus en plus inadaptés à la vie. Les trisomiques 21 ne meurent plus aujourd'hui dès la moindre infection. Ils continuent à vivre et peuvent même se reproduire. En présence de ce phénomène nouveau, secondaire à l'efficacité de la médecine, l'homme a trouvé le moyen de diagnostiquer dès les premiers mois de la grossesse la trisomie 21. Il peut décider alors d'interrompre la grossesse et de détruire le foetus porteur de cette mutation. L'homme substitue ainsi son propre moyen d'élimination aux moyens utilisés naguère par la sélection naturelle des espèces avant que la médecine ne devienne efficace.
De toute évidence, l'homme ne laisse plus à l'évolution seule le soin de changer le milieu vivant, le milieu humain en particulier. Il a les moyens de prendre en charge et d'organiser à sa façon cette très importante tâche. L'évolution des espèces, mécanisme responsable avant l'homme du phénomène créatif, se trouve totalement dépassée. Est-il possible que le phénomène créatif ait achevé son rôle avec le métazoaire-homme et qu'il n'ait été programmé que jusqu'à cette réalisation exceptionnelle qu'est l'homme? Cette hypothèse ne semble pas devoir être retenue. L'homme se révèle en effet comme le grand créateur d'une société nouvelle.
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Le phénomène créatif doit se poursuivre avec lui.
Le transfert de l'évolution chez l'homme
Le phénomène créatif a assuré par des mutations l'évolution des primates jusqu'à l'homo sapiens. Depuis 40 000 ans, il semble qu'aucune nouvelle mutation ne soit venue modifier l'homme de façon bénéfique et on constate son apparente stabilité somatique sur le plan génétique. Mais grâce aux qualités de son cerveau, l'homme est capable d'évolution. Nous avons vu que l'homme modifie et augmente ses connaissances depuis des millénaires. Il en a aujourd'hui accumulé une quantité fantastique qui se trouve stockée dans les immenses mémoires extérieures à l'homme que sont les livres ou les ordinateurs. L'accroissement des connaissances humaines et leur mémorisation extra-somatique sont déjà un phénomène évolutif essentiel.
La capacité de mémoriser de chaque cerveau est limitée. Chaque homme est obligé de choisir, pour lui personnellement, une partie minime des connaissances: il se spécialise. La spécialisation est un autre phénomène évolutif essentiel. Plus la connaissance de la société humaine est vaste, plus le nombre des spécialités que peut acquérir l'homme est important. Le phénomène de spécialisation se développe et touche aujourd'hui des milliards d'hommes dans le monde. Il s'accélère et prend une vitesse vertigineuse avec le temps des industriels.
Il semble que le cerveau ne soit pas parfaitement le même pour chaque individu. Certains cerveaux bénéficient génétiquement d'un don particulier pour la musique ou le dessin, comme d'autres pour les mathématiques ou les langues. Le phénomène de spécialisation pourrait donc avoir, avant même toute action culturelle, un support génétique. Certains hommes ont des corps particulièrement aptes à la course à pied ou au lancement du javelot. Il existe déjà dans le capital chromosomique de chacun d'entre nous une spécialisation potentielle. L'abondance des gènes, qui peuvent être différents pour chaque individu dans le cadre de l'espèce humaine, est le support matériel de cette infinie variété de chaque être humain. Le phénomène de spécialisation-complémentarité a donc à la fois un support génétique et un support culturel.
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Complétant l'évolution intra-somatique située au niveau cérébral, apparaît une évolution extra-corporelle. Aux connaissances spécialisées accumulées dans le cerveau correspondent les outils utilisés par les hommes. Ils ont des pinces, des scies ou des bistouris. Ils ont des calculatrices ou des ordinateurs. Ils ont des outils individuels leur permettant de réaliser des tâches de plus en plus spécialisées. Mais ils sont également intégrés aux ensembles plus vastes que sont les usines ou les hôpitaux. Dans ces ensembles, ils sont aux commandes de structures spécialisées leur permettant d'appliquer, chacun à son niveau, leurs connaissances avec la meilleure efficacité possible. Dans les hôpitaux les médecins deviennent de plus en plus spécialisés et disposent de matériels de plus en plus performants. Certains se spécialisent par exemple aujourd'hui dans la chirurgie du foetus dans le ventre de sa mère. Il ne peuvent le faire qu'avec le soutien d'une immense structure spécialisée.
Il est un autre point qui montre combien l'évolution extra-corporelle de l'homme est importante. Grâce à une lourde infrastructure, chaque individu est aujourd'hui doté de prolongements lui donnant une dimension mondiale dans le domaine de la communication. Une société de taille mondiale ne pourrait être constituée solidement par des individus conservant une dimension locale. Elle serait fragile. Elle devient solide avec des individus munis de prolongements leur donnant une dimension mondiale.Grâce à la télévision, l'homme voit en direct tout ce qui se passe sur la terre. Il est à côté du mur de Berlin quand celui-ci s'écroule. Grâce au téléphone, il peut parler avec les correspondants les plus éloignés. La nouvelle taille mondiale de l'homme est aussi un phénomène évolutif fondamental. Notons que la vitesse de la lumière et la taille de la planète terre rendent possible sans aucune difficulté une telle mondialisation de notre vue et de notre parole. Aucun délai ne vient en pratique troubler notre vision ou notre parole. Une plus grande distance introduirait une difficulté, un retard dans la communication: quand on écoutait en direct le dialogue entre les astronautes marchant sur la lune et les hommes restés sur terre, la lenteur de la lumière troublait de silences ce dialogue. Cet inconvénient n'existe pas pour les communications sur la terre : l'homme y a trouvé les conditions les plus favorables qui soient pour atteindre une dimension mondiale dans le domaine de la communication.
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Ainsi, parallèlement à l'évolution des espèces, l'homme met en place son propre système évolutif. Chaque individu, ayant déjà un cerveau génétiquement légèrement différent de celui de son voisin, le remplit différemment. Chacun peut s'équiper d'outils, de machines ou d'usines lui permettant d'exercer un travail de plus en plus spécialisé, tout en ayant atteint une dimension mondiale dans le domaine de la communication.
La spécialisation-complémentarité
Depuis que le phénomène créatif existe, tous les existants responsables des futures synthèses se sont soumis à la règle de la spécialisation-complémentarité. Ils ont trouvé à leur niveau les moyens de se différencier des autres individus de même rang, de devenir ainsi éventuellement complémentaires les uns des autres et de pouvoir ensuite s'unir dans une nouvelle synthèse.
Nous venons de voir comment l'homme a su se spécialiser, comment il a été contraint de le faire du fait de l'ampleur de ses connaissances et de la petite capacité de son cerveau. Dans la société des paysans et des artisans, il avait déjà trouvé le moyen de se spécialiser, mais le phénomène avait été très rapidement limité: la spécialisation ne pouvait se réaliser que dans une population ne comptant que quelques dizaines de milliers d'individus.
Avec la société industrielle de taille mondiale, le phénomène de spécialisation-complémentarité ne touche plus quelques dizaines de milliers d'individus: il en touche des milliards, pratiquement tous ceux qui vivent sur la terre. La société industrielle se développe depuis moins de 300 ans. A l'échelle des temps cosmiques, il ne s'agit que d'un instant. Or pendant cette période, l'ampleur prise par le phénomène de spécialisation-complémentarite dans l'espèce humaine est fantastique.
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Dans un corps, les cellules sont regroupées en différents tissus spécialisés dans certaines fonctions. Le système digestif, qui assure l'apport calorique, englobe les cellules du foie, celles de l'estomac, celles de l'intestin grêle. Chacune de ces cellules est spécialisée et assure un rôle très précis. Dans la société humaine, certains hommes cultivent la terre et produisent des aliments, d'autres les transforment. Le blé est moulu puis transformé en pain. Il y a les hommes qui fabriquent des engrais ou des machines agricoles, ceux qui créent des espèces animales ou végétales, ceux qui assurent le transport ou la conservation des aliments. Une infinité de spécialisations devient indispensable pour fournir au moindre coût à chaque individu ce dont il a besoin pour vivre et pour vivre de mieux en mieux.
La spécialisation-complémentarité des cellules dans le corps humain a aujourd'hui atteint une stabilité totale. La spécialisation-complémentarité dans la société humaine est encore en pleine évolution et cette évolution est extrêmement rapide depuis quelques dizaines d'années.
La société humaine a des structures de plus en plus solides
De même que les cellules ont installé à l'intérieur du corps tout un réseau de transport d'information ou d'énergie, tout un système de protection contre les agressions, les hommes installent tout un réseau de transport d'information ou d'énergie et tout un système de protection contre les agressions.
Le corps se trouve réglé par des mécanismes, complexes mais pratiquement automatiques, assurant la stabilité de la tension artérielle ou la stabilité du nombre des globules rouges transporteurs d'oxygène. Il existe dans la société humaine des mécanismes assurant pratiquement de façon automatique la régulation de la production et de la distribution d'électricité. Tout fonctionne et se déroule sous les yeux de contrôleurs qui observent les voyants lumineux. Ils n'interviennent qu'en cas de défaillance du système régulateur.
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Dans de très nombreux domaines, l'homme installe des systèmes de régulation de plus en plus automatisés. Souvent ces systèmes sont encore très frustes et d'une efficacité limitée. Mais ils attei-anent déjà de remarquables performances dans certains domaines. Ils sont presque tout aussi élaborés que les systèmes mis en place dans un corps par l'évolution des espèces.
Il devient de ce fait de plus en plus impossible actuellement aux hommes de quitter la société dans laquelle ils sont chaque jour un peu plus intégrés. En apparence, il semble qu'un homme puisse se retirer de la société industrielle quand il le désire. Un besoin de liberté le pousse parfois à souhaiter quitter cette société dont les structures lui apparaissent trop lourdes à supporter. Mais en pratique, un individu ne peut plus vivre isolé sans courir des risques mortels. Il aura de grosses difficultés pour se nourrir correctement, il ne pourra plus se soigner ni envoyer ses enfants à l'école. Il n'aura plus aucun accès à l'information. Il aura peut-être l'impression d'avoir retrouvé la "liberté" du cueilleur-chas-seur ou celle du premier éleveur. Mais à la moindre difficulté, il sera obligé d'effectuer un retour dans la société qu'il avait essayé de quitter. Même le clochard est dépendant de la société humaine. Il en utilise les déchets pour avoir le moins de contraintes possibles, il mendie pour s'acheter du vin. L'individu est aujourd'hui lié à la société tout aussi solidement que la cellule est liée au corps. En cas de séparation, la mort les atteint tous les deux.
La société humaine a des qualités nouvelles
Par rapport aux existants de rang inférieur qui l'ont créé, un nouvel existant a toute une série de qualités nouvelles. Les qualités de la cellule vivante sont bien différentes de celles des molécules protéiques. La société humaine a aussi, dans tous les domaines, des qualités bien différentes de celles des hommes. Nous avons déjà vu au temps des paysans les remparts entourer les villes ou les bibliothèques servir de mémoire collective. Mais en pratique la société paysanne n'avait pas de qualités bien différentes de celles des hommes qui la constituaient.
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De même l'essaim d'abeilles n'a pas de qualités bien différentes de celles des abeilles. Nous avons déjà comparé les appareils de vision de l'homme et ceux de la société humaine. Celui de l'homme est merveilleux, mais il est très limité dans ses possibilités. Celui de la société humaine augmente chaque jour ses capacités. Il voit dans l'infra-rouge ou dans l'ultra-violet. Il voit avec les sondes spatiales qui traversent les espaces interplanétaires, avec les sondes qui pénètrent dans le corps, avec les caméras qui descendent dans les profondeurs des mers. Il voit avec les rayons X à travers les corps ou la matière. Il observe avec les ultra-sons les mouvements du foetus dans le ventre de sa mère. Il détecte avec la résonance magnétique nucléaire les tumeurs cérébrales. La liste des façons de "voir" s'allonge chaque jour. Dans le domaine de la défense, la différence est tout aussi spectaculaire. Avec une fusée transportant une bombe atomique à des milliers de kilomètres, les possibilités de défense de la société sont fantastiques comparées à celles des poings de chaque individu.
Mais c'est dans le domaine de la pensée que les capacités de la société humaine nous semblent les plus fabuleuses. La mise d'un satellite sur orbite nécessite un nombre très important de calculs effectués très rapidement. Les cerveaux humains sont totalement incapables de réussir une telle prouesse. Entre les ordinateurs et les cerveaux, il existe une différence de capacité fantastique. Avec les disques laser, la société humaine a trouvé un support nouveau pour mémoriser le son, le texte ou l'image, un support dont la qualité et la capacité étaient impensables il y a quelques années seulement. A l'enregistrement, on peut même éliminer les sons parasites qui se superposaient autrefois aux sons que l'on avait cherché à enregistrer. On peut entendre aujourd'hui la voix de Caruso sans les grincements des premiers disques. La qualité est merveilleuse, les capacités de ce nouveau support sont fabuleuses. On peut n'utiliser qu'un seul disque pour mettre toute l'information contenue dans une encyclopédie et accéder à cette information avec la rapidité et la précision que donne l'informatique. Déjà des banques de données d'une complexité infinie sont rapidement et facilement accessibles à tous.
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Dans tous les domaines, les moyens d'action de la société sont immenses comparés aux petits moyens de chaque homme. Mais, fait fondamental et nouveau dans le phénomène créatif, fait dépendant de la nature même du cerveau humain, chaque homme, individuellement, peut avoir accès à tout ce que la société humaine voit, entend ou pense. Il prend donc, d'une certaine façon, la dimension de la société qu'il construit. Déjà avec son cerveau, ses yeux et ses oreilles, il était capable de reconstituer en lui l'image de tout l'espace-temps. Il construit maintenant une société qui multiplie à l'infini ses capacités individuelles. Par rapport à la cellule vivante dans le corps humain, il a un avantage fantastique. Il reste individuellement informé et conscient de tout ce que fait ou fera la société qu'il construit. L'homme est donc bien, dans le phénomène créatif, un existant totalement à part.
La Terre est ronde
Si notre hypothèse est exacte, la "Planète Pensante", existant qui achèverait l'étape de la vie sur terre, doit être de structure sphérique. La terre est effectivement ronde et toutes les structures de la société humaine se trouvent rassemblées à sa surface. Or les existants sphériques ont, selon notre théorie, une place bien particulière dans le phénomène créatif. L'atome sphérique a achevé l'étape de l'énergie et servi d'élément de base à l'étape de la matière. La cellule vivante sphérique a achevé l'étape de la matière et été l'élément de base de l'étape de la vie. Nous trouvons dans la forme sphérique de la terre un argument supplémentaire nous poussant à considérer la société humaine comme l'ébauche de l'existant achevant l'étape de la vie.
Un acteur inconscient
La théorie du big bang donne à l'espace-temps une origine, un passé, un présent et un avenir. Ce que nous savons aujourd'hui de l'évolution de l'espace-temps nous amène à penser que le phénomène créatif apparaît comme une oeuvre parfaitement programmée.
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Depuis quinze milliards d'années, des existants inconscients ont su se spécialiser, devenir en certaines circonstances complémentaires les uns des autres et s'unir pour former un existant de rang supérieur. Au jour fou du big bang, l'univers n'était constitué que de particules primordiales d'énergie. Mais ces particules ne pouvaient qu'être parfaitement programmées, puisqu'en cinq créations successives sont nées les particules fondamentales, les atomes, les molécules, les cellules vivantes et les métazoaires. Quinze milliards d'années ont été nécessaires pour que ces cinq synthèses soient réalisées par des acteurs inconscients de leur rôle, inconscients de l'univers dont ils étaient les créateurs délégués et programmés.
Le métazoaire-homme entre alors en action. Première surprise. Il est programmé pour découvrir et comprendre l'espace-temps. Il le fait avec acharnement, avec obstination et réussit à en créer l'image. Il est le premier de toutes les créatures à avoir réalisé un tel exploit, à avoir eu les moyens et ensuite la volonté de le faire.
Deuxième surprise. Il est programmé pour prendre le relais de l'évolution des espèces. Il substitue d'abord des champs et des pâturages au milieu écologique dont il avait hérité. Puis, après avoir maîtrisé l'énergie, il commence ia création de la société industrielle. Par son action sur le milieu vivant, il rend totalement obsolète le vieux mécanisme de l'évolution des espèces.
Troisième surprise. Il se soumet comme tous ses prédécesseurs à la loi de la spécialisation-complémentarité et met en place les structures d'une société de taille planétaire, société dont la structure est chaque jour de plus en plus solide, société qui acquiert des qualités de plus en plus extraordinaires.
Quatrième surprise. Jusqu'à ce jour l'homme a agi dans la plus grande inconscience de la finalité de son rôle, comme une simple molécule protéique ou une simple particule fondamentale. Bien que conscient du phénomène créatif, il a créé sa propre société sans faire de rapport entre cette société et le phénomène créatif. Il a été inconscient du rôle qu'il pouvait éventuellement jouer. Il a donc été lui aussi parfaitement programmé dans ses chromosomes.
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L'homme envisage un jour que la société qu'il construit est peut-être un "existant" de rang nouveau et supérieur dans le phénomène créatif, un existant de taille planétaire qui achèverait l'étape de la vie. Avant une telle découverte, la vie du métazoaire-homme paraissait tellement dépourvue de sens qu'elle pouvait sembler absurde pour certains. Après une telle découverte, elle prend un sens totalement nouveau. L'homme devient le responsable conscient de la sixième étape de la création. Son oeuvre s'inscrit alors dans la longue série commencée il y a quinze milliards d'années.
Dernière surprise. La "Planète Pensante Terre" va exister. Dans un univers dominé par l'entropie, le phénomène créatif va aboutir sur terre, créant une nouvelle structure d'ordre, de taille planétaire. Jamais encore nous n'avons observé dans l'univers un tel existant. Mais il y a dans l'espace-temps des milliards d'étoiles et de planètes où le phénomène créatif a pu aussi intervenir.
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VI
L'ETAPE DE LA PENSEE
La fantastique intelligence du phénomène créatif
Plus nous approfondissons les "mystères" de la création, plus notre intelligence doit faire d'efforts, plus notre imagination doit être fertile pour continuer à comprendre le phénomène créatif. Les solutions retenues par ce phénomène pour assurer le bon fonctionnement d'une particule fondamentale, d'un atome et à plus forte raison d'un existant tel que le métazoaire, témoignent d'une habileté, d'une intelligence éblouissantes.
La nécessaire programmation de l'environnement et du comportement de chaque existant montre la parfaite domination d'un phénomène dont l'action s'échelonne sur quinze milliards d'années. Nous commençons à connaître le support matériel de la programmation des êtres vivants: le tout petit ruban d'ADN constitué d'acides aminés liés dans un certain ordre. Cette microscopique molécule protéique, constituée le jour de l'union de l'ovule et du spermatozoïde, a stocké toutes les informations nécessaires pour qu'un être vivant puisse réaliser à partir de l'oeuf son embryogenèse, devienne enfant puis adulte, se comporte dans le milieu écologique le moins mal possible, se reproduise, vive, vieillisse et meurt. Car son vieillissement et sa mort sont aussi programmés.
Tout a commencé avec l'infime grain d'énergie, tout a ensuite parfaitement fonctionné en utilisant une extraordinaire programmation et en aboutissant à des solutions de plus en plus intelligentes. Tout cela s'est fait dans un cadre parfaitement défini à l'avance pour aboutir à un engin de type nouveau: le cerveau humain.
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Premier engin de la série producteur d'un comportement non programmé, engin capable de découvrir et de comprendre petit à petit toute l'intelligence qui a été introduite dans tous les existants de l'espace-temps qui l'ont précédé. La création par ce curieux métazoaire d'un nouvel existant, la planète pensante, doté d'une capacité de pensée bien supérieure à la sienne, semble tout à fait plausible dans un tel contexte. La création de la planète pensante par l'homme va dans la droite ligne du phénomène créatif.
D'autres lieux d'émergence de la pensée
Ce n'est peut-être que sur la terre que le phénomène créatif est en train d'aboutir à l'achèvement de l'étape de la vie par la création d'une planète pensante. L'image que nous avons de l'espace-temps n'est guère compatible avec une telle hypothèse. Nous y voyons tournoyer trop de milliards de galaxies, dans lesquelles naissent, vivent et meurent trop de milliards d'étoiles. Pourquoi la petite terre habitée par les hommes aurait-elle été la seule à achever l'étape de la vie? Admettre qu'elle soit la seule pensée dans tout l'univers, admettre que seul l'homme ait réussi est en contradiction avec tout ce que nous savons actuellement sur le phénomène créatif. Toute la débauche d'énergie mise en place dès le départ, toute la débauche de matière répartie dans tout l'univers auraient été un fantastique gaspillage si elles n'avaient abouti qu'à une planète pensante isolée. Ceci d'autant plus que partout où nous pouvons le constater, les existants recherchent toujours, chacun à son niveau, la plus petite consommation possible d'énergie. L'hypothèse selon laquelle la pensée n'a émergé que sur la terre semble donc en contradiction avec tout ce que nous savons du phénomène créatif. Dans l'état actuel de nos connaissances, une telle hypothèse ne peut cependant pas être totalement rejetée. Le phénomène créatif trouverait alors son terme dans la création de l'unique planète pensante Terre. Le phénomène créatif se serait donc limité au déroulement de six synthèses en trois étapes: les étapes de l'énergie, de la matière et de la vie.
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II semble au contraire que pour un très grand nombre de planètes le phénomène créatif ait abouti aussi à des planètes pensantes. La parfaite programmation mise en place dès le départ pour l'ensemble de l'univers ne peut qu'avoir donné partout les mêmes résultats. L'observation scientifique nous apprend aujourd'hui que dans tout le cosmos le stade acide aminé a été atteint. Pourquoi ce stade n'aurait-il pas aussi été dépassé dans tout l'univers? L'émergence de la vie et de la pensée en de nombreux points de l'espace-temps est actuellement l'hypothèse retenue comme la plus probable. On considère l'émergence uniquement terrestre de la pensée comme une hypothèse bien trop anthropocentrique pour risquer d'être exacte. Depuis Galilée, le monde ne tourne plus autour de la terre, mais la terre n'est qu'une planète qui décrit dans l'univers immense sa petite trajectoire autour d'une étoile emportée dans une vaste galaxie. Les scientifiques, restant logiques avec eux-même, consacrent, aux USA et en France tout particulièrement, d'importantes sommes à émettre des messages porteurs de la pensée terrestre et ils alignent d'immenses "oreilles" pour capter un message pouvant éventuellement provenir d'une autre planète. Bien des astro-physiciens croient au fond d'eux-même à l'émergence multiple de la pensée dans l'espace-temps.
La création de la planète pensante Terre est l'achèvement sur la terre de l'étape de la vie. L'événement est fondamental pour les terriens. Mais dans le cadre du phénomène créatif pris dans sa globalité, il ne s'agit que d'une planète pensante de plus. Il ne s'agit que de l'achèvement d'une étape de la vie en un coin perdu du cosmos. Le phénomène créatif existe toujours. Il pousse tous les existants de même rang à s'unir entre eux pour créer un existant nouveau de rang supérieur. La sixième synthèse va avoir lieu sur terre. Préparons-nous à une septième synthèse.
L'étape de la pensée
La vision que nous avons du phénomène créatif est maintenant suffisamment précise pour que nous puissions envisager une approche rationnelle de ce qui pourrait se passer après l'achèvement de l'étape de la vie.
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Après les étapes de l'énergie et de la matière, l'étape de la vie est en train de s'achever sur terre par la création d'un existant sphérique, ce qui était prévisible d'après ce que nous savons du phénomène créatif. Il semble qu'en de nombreux points de l'es-pace-temps, d'autres planètes pensantes aient été ainsi créées. Il existerait alors dans le cosmos un très grand nombre de planètes pensantes. Le phénomène créatif a toujours poussé les existants à s'unir pour former un existant de rang supérieur. Il doit peser encore sur le comportement de toutes les planètes pensantes pour qu'elles s'unissent. La création de la planète pensante terre n'est plus une fin en soi, elle n'est qu'une étape dans un phénomène beaucoup plus vaste. L'union de la planète pensante terre avec les autres planètes pensantes est sans doute déjà inscrite au programme du phénomène créatif. Une nouvelle étape peut commencer. Il faut donner un nom à cette nouvelle étape. La pensée réfléchie étant la caractéristique essentielle de l'élément de base de cette éventuelle étape, nous l'appellerons donc "l'étape de la pensée", par analogie avec l'étape de la vie où la vie était la caractéristique essentielle de la cellule vivante puis du métazoaire.
Si les mécanismes que nous avons identifiés pour les trois premières étapes sont valables pour la quatrième, nous pouvons donner de l'étape de la pensée une description schématique. Il naît dans tout l'espace-temps de très nombreuses planètes pensantes, de structure sphérique comme la planète qui leur sert de support. La création de ces planètes pensantes achève partout l'étape de la vie et ces planètes pensantes deviennent en même temps les éléments de base de l'étape de la pensée.
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Puis, de même que les atomes ont trouvé dans le coeur des étoiles le moyen de se différencier, donc de devenir éventuellement complémentaires, les planètes pensantes devront aussi trouver dans leur structure le moyen de se différencier et ainsi de devenir éventuellement complémentaires les unes des autres. Une telle différenciation dans le domaine de la pensée ne semble pas bien difficile à imaginer. Nous savons déjà que jamais la pensée
d'un homme n'est identique à celle d'un autre. Nous imaginons assez facilement qu'au niveau planètes pensantes, les pensées de deux planètes ont forcément des différences. Nous pouvons alors envisager que deux pensées pourraient ainsi devenir complémentaires, réalisant les conditions d'une union solide aboutissant à un nouvel existant de rang supérieur, comme les atomes l'avaient réalisé en leur temps.
Les conditions d'environnement favorables à une telle union apparaissent plus difficiles à imaginer. L'union des planètes pensantes ne se réalisera pas comme celle des atomes à la surface gelée d'une poussière cosmique. Les planètes, supports physiques des planètes pensantes, sont solidement amarrées à leurs étoiles. Les planètes pensantes seront condamnées à rester à des distances fabuleuses les unes des autres. Or l'union de deux pensées peut se faire à des centaines ou à des milliards de kilomètres. Elle n'a pas besoin de la proximité physique pour se réaliser. Mais l'union de deux pensées exige l'échange d'informations, le rapide échange d'informations, le facile dialogue. En dehors d'un facile dialogue, on conçoit mal l'union de deux pensées. La lenteur de la lumière rend tout dialogue impossible entre deux planètes pensantes distantes de quelques années-lumière. Un dialogue créateur d'union entre deux pensées devenues complémentaires ne peut donc avoir lieu dans l'état actuel de nos connaissances. Jusqu'à nous, le phénomène créatif a toujours su programmer l'environnement pour que l'union devienne possible. Pour les existants "planètes pensantes", il n'a pas dû oublier de programmer un environnement favorable à leur union. Il serait illogique que tous les existants créés jusqu'à l'homme aient trouvé inconsciemment les moyens de s'unir pour former un existant de rang supérieur et que le premier existant vraiment conscient ne trouve pas les conditions extérieures favorables à cette union. Que chaque planète pensante reste isolée dans le cosmos et soit incapable d'échanger avec toutes les autres pensées nées dans l'univers n'est pas envisageable. Le phénomène créatif a certainement dû préparer des conditions d'environnement favorables à une telle union, mais nous ignorons encore ce que pourront être ces conditions.
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Dans l'état actuel de nos connaissances, l'hypothèse la plus crédible reste donc l'émergence de la pensée dans tout l'univers mais le phénomène créatif s'arrête actuellement pour nous à ce niveau, du fait de la lenteur de la lumière. Pourtant ce que nous savons du phénomène créatif s'oppose à une telle possibilité d'arrêt de l'évolution dans le cosmos. Une structure d'échanges rapides entre deux pensées planétaires doit pouvoir se mettre en place.
La septième synthèse: le cosmicule
II faut envisager la poursuite de l'évolution. Les planètes pensantes vont trouver le moyen technologique de dialoguer. De ce dialogue pourra découler la spécialisation, puis la complémentarité et finalement l'union des planètes pensantes. Un nouvel existant de rang supérieur, constitué de plusieurs planètes pensantes sphé-riques, verrait alors le jour dans une septième synthèse. Cet existant devrait avoir, selon les constatations que nous avons faites pour les autres étapes du phénomène créatif, une structure non sphérique, comme les molécules nées des atomes sphériques avaient des structures multiples et non sphériques. Si les planètes pensantes disposaient des conditions favorables à leur union, il pourrait se trouver dans tout l'univers des existants à structures multiples regroupant un nombre plus ou moins important de planètes pensantes.
Un tel existant n'ayant jamais été décrit, il nous est nécessaire de lui trouver un nom. Il est l'équivalent, pour l'étape de la pensée, du métazoaire pour l'étape de la vie, de la molécule pour l'étape de la matière et des particules fondamentales pour l'étape de l'énergie. Il est l'élément intermédiaire d'une étape de la pensée encore inachevée. On peut l'appeler "être pensant polyplanétaire", comme on appelle un métazoaire un "être vivant polycellulaire". Il semble plus facile de retenir le terme de "cosmicule". Ce nouvel existant n'est en effet qu'une partie de l'existant suivant dont, nous le verrons, la taille ne peut être, par définition, que cosmique.
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La huitième synthèse: l'ensemble cosmique pensant
Le cosmicule, regroupant dans un même existant des planètes pensantes, n'est dans l'étape de la pensée qu'un élément intermédiaire. Le cosmicule recouvre-t-il une galaxie, rassemblant toutes les planètes pensantes d'une même galaxie, ou seulement une partie d'une galaxie ou au contraire un ensemble de galaxies? Nous l'ignorons totalement. Les premières molécules ont été simples, ne regroupant que quelques atomes, les dernières ont été très complexes, regroupant un grand nombre d'atomes. Il en est de même pour les particules fondamentales ou pour les métazoaires. Pourquoi une telle évolution des cosmicules ne pourrait pas, elle aussi, avoir lieu?
Dans notre vision du phénomène créatif, le cosmicule ne correspond qu'à un secteur limité du cosmos, quelle que soit la taille immense de ce secteur. Il se constituera en d'autres points du cosmos d'autres cosmicules qui seront différents, donc éventuellement complémentaires les uns des autres. Une infinité de cosmicules pourrait ainsi apparaître dans l'ensemble de l'espace-temps. Tous ces cosmicules, sous l'influence de la boulimie d'union mise en place depuis quinze milliards d'années par le phénomène créatif, seraient poussés à s'unir en un vaste et unique ensemble pensant englobant tout ce qui pense dans l'univers. Ce serait un ensemble de forme sphérique, comme son support qui est la totalité de l'espace-temps en expansion et comme notre théorie nous permettait de le prévoir, puisque cet ensemble est un existant de fin d'étape.
Ainsi s'achèverait l'étape de la pensée. Comme ce nouvel existant aurait la taille cosmique, il serait condamné à rester unique.
La planète terre est jeune
Nous avons décrit l'étape de la pensée comme s'il s'agissait d'un phénomène futur, secondaire à la création de la planète pensante terre, création qui n'a pas encore eu lieu.
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Mais la planète pensante terre est une jeune planète et notre soleil est une jeune étoile, née il y a quelques milliards d'années seulement. Dans le cosmos des milliards de soleils existent, plus vieux de bien des milliards d'années. Si l'émergence de la pensée est un phénomène cosmique, le niveau planète pensante a dû être atteint dans le cosmos il y a déjà des milliards d'années. Ces planètes ont dû avoir déjà l'occasion de s'unir entre elles pour former des cosmicules et ces cosmicules l'occasion de s'unir pour former le vaste ensemble cosmique pensant.
Une hypothèse s'impose: cet ensemble doit être déjà créé depuis longtemps. Une telle pensée est troublante. Il existe dans le cosmos, autour de nous très probablement, une intelligence fantastique, regroupant tout ce qui a pensé et réfléchi dans l'univers. Nous ne savons pas encore communiquer avec cet existant qui a obligatoirement d'autres moyens de communication que les nôtres, sinon il ne pourrait exister.
Cet immense ensemble pensant n'est pas statique. Il accueille et perd sans arrêt des éléments. Les planètes naissent et meurent comme les étoiles dont elles dépendent. Mais cet immense ensemble cosmique conserve dans sa mémoire l'apport original de chaque planète. La mort physique d'une planète qui disparaît après la fin de son soleil ne s'accompagne donc pas de la disparition de ce qu'elle a su créer et mémoriser. Mort aujourd'hui, Raimu est tout aussi vivant pour l'homme qui le voit sur l'écran de sa télévision que le présentateur de l'émission qui parle en direct. Lorsque, dans quelques milliards d'années, la planète terre disparaîtra, elle laissera une telle somme de documents mémorisés dans l'ensemble cosmique qu'elle pourra revivre à travers eux pour tous ceux qui voudront les consulter. Ainsi revit Raimu, connu pratiquement de tous les Français alors que bien peu d'entre eux l'ont réellement connu.
L'immense ensemble de pensée et d'intelligence cosmique existe. Il a déjà perdu des milliards de planètes, mais chaque jour il en accueille d'autres, comme le corps humain perd chaque jour des millions de cellules pour en accueillir des millions de nouvelles.
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Les terriens arrivent trop tard pour être des créateurs de cosmicules. Ils sont attendus depuis longtemps dans l'un d'eux. Que sera cet accueil? Que se passera-t-il concrètement quand la planète pensante terre viendra y prendre sa place?
L'apparition d'une qualité nouvelle
Avant la création de l'existant marquant la fin d'une étape, il est toujours apparu chez les existants responsables de l'achèvement de cette étape, une qualité nouvelle caractéristique de l'étape suivante: les particules fondamentales ont possédé une certaine "matérialité", les molécules protéiques ont possédé des qualités proches de celle de la vie, les hommes ont été dotés d'un cerveau leur permettant d'atteindre le niveau de la pensée réfléchie.
Qu'en sera-t-il des cosmicules? Certains d'entre eux seront-ils dotés d'une qualité nouvelle, exceptionnelle, qui n'apparaîtrait qu'à l'état embryonnaire, qualité qui se développerait pleinement dans l'ensemble cosmique? Sans aucune base d'observation, il nous est difficile d'imaginer la qualité "extra-ordinaire" qui sera caractéristique de la pensée cosmique. Le vrai, le bon ou le beau semblent avoir jusqu'à maintenant été les aspirations profondes, constantes, presque utopiques de tout individu doué de pensée réfléchie. Il est possible que ce soit dans ce domaine qu'apparaisse la qualité extraordinaire de ce dernier existant du phénomène créatif. Il est possible aussi que ce soit dans d'autres domaines que cet existant trouve sa qualité fondamentale. L'infinie puissance, l'immortalité ou la perfection ont aussi toujours hanté l'esprit des hommes. L'ensemble cosmique aura-t-il ces qualités plutôt que les autres? Ou sera-t-il doté de toutes ces qualités à la fois? Il est difficile de tirer du comportement actuel du cerveau humain des indices pouvant orienter aujourd'hui vers telle ou telle direction. Mais, quel que soit le niveau de perfection atteint par l'ensemble cosmique, il se situera par rapport à notre pauvre pensée humaine à un niveau qui nous éblouira.
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La place de l'homme.
Nous avons vu qu'il existait une différence fondamentale entre le comportement des existants qui ont précédé l'homme et le comportement de l'homme. L'homme est, dans la montée de l'organisé, le premier existant à être conscient du comportement de l'existant de rang supérieur qu'il crée. Chaque homme pourra voir, entendre, comprendre ce que voit, entend ou comprend la planète pensante à laquelle il appartient, ce que ne pouvaient faire les atomes ou les cellules vivantes. L'homme peut ainsi atteindre dans le domaine de la pensée la dimension planétaire. Mais si nous estimons qu'une dernière étape achève le phénomène créatif - et nous pensons qu'il devrait y avoir une étape de la pensée - nous admettons qu'un jour la planète pensante terre pourra communiquer avec l'ensemble pensant cosmique par cosmicule interposé. Chaque individu pourrait alors communiquer, s'il le désire, avec la pensée de l'ensemble cosmique. On peut admettre une telle idée si l'on suit pas à pas l'analyse que nous avons faite du phénomène créatif. Il est par contre impossible de décrire concrètement à quoi pourra bien correspondre une telle situation. La science et l'esprit scientifique ne nous ont pas amenés pour l'instant jusque là.
Nous avons vu que l'homme était le premier existant à découvrir le phénomène créatif et à en reconstituer patiemment l'image grâce à sa pensée. Cette place privilégiée donne à l'homme un rôle de charnière. Avant lui agissait dans l'univers toute une série d'existants qui s'unissaient parce qu'ils avaient été programmés pour le faire. Pendant quinze milliards d'années s'est déroulé un programme d'une précision fantastique introduisant une somme d'intelligence extraordinaire dans les solutions adoptées. L'homme, par sa pensée, par son intelligence, par sa ténacité a reconstitué petit à petit la logique et l'intelligence de ce fabuleux programme. Avec l'homme le phénomène créatif trouve son chantre.
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L'homme prend dans le phénomène créatif une place de choix. Il crée la planète pensante qui sera l'élément de base de la dernière étape, l'étape de la pensée. Il met en place une des briques avec lesquelles sera construit l'ensemble cosmique pensant: un existant dont l'intelligence , somme de toutes les intelligences , le pensée, somme de toutes les pensées, troublent par leur immensite et leur peerfection.
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VII
CONCLUSION
Le phénomène créatif existe
Le phénomène créatif existe. Nous l'avons d'abord observé depuis les temps initiaux du big bang jusqu'à la constitution de la société humaine sur la terre. Nous avons ensuite imaginé son évolution finale selon les données que nous avons pu recueillir jusqu'à maintenant. Ce phénomène pousse certains existants à s'unir pour créer un existant de rang supérieur. Et cet existant de rang supérieur, une fois créé, s'unit aux existants de même rang pour créer à son tour un existant de rang supérieur. A la déprimante dégradation de l'énergie dans l'univers, phénomène en apparence principal dans l'évolution de l'espace-temps, s'associe cette série de synthèses successives. La dégradation de l'énergie n'est pas incompatible avec ce phénomène créatif, elle est peut-être à son service.
Notre observation nous a amenés à déduire certaines règles, certaines constantes du comportement des existants responsables du phénomène créatif. Ainsi nous avons divisé le phénomène créatif en quatre étapes: celles de l'énergie, de la matière, de la vie et de la pensée. L'étape de la vie est en voie d'achèvement sur terre. Nous avons constaté qu'à l'origine de chaque étape il se trouvait un existant de structure sphérique, comme l'atome ou la cellule vivante, tandis qu'au milieu de chaque étape se trouvaient des existants à structures multiples, comme les particules fondamentales, les molécules ou les métazoaires. La structure sphérique de l'élément de base s'oppose aux structures multiples des éléments intermédiaires.
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Nantis de ces informations, nous avons observé le comportement de l'homme. Nous avons petit à petit acquis l'idée qu'il était en train de mettre en place à la surface de la terre les structures sphé-riques de l'existant qui allait achever l'étape de la vie. Nous avons appelé ce futur existant la "planète pensante".
Le phénomène créatif nous apparaissant pendant quinze milliards d'années d'une irrésistible force, nous avons alors émis l'hypothèse que l'existant de structure sphérique que l'homme crée sur terre, la planète pensante, devenait à son tour l'élément de base d'une quatrième étape: l'étape de la pensée. Comme les trois autres étapes du phénomène créatif, l'étape de la pensée a un élément de base à structure sphérique, la planète pensante, un élément intermédiaire à structures multiples, "le cosmicule", et un élément final achevant l'étape de la pensée et le phénomène créatif dans sa totalité, "l'ensemble cosmique pensant". Cet ensemble de forme globalement sphérique, comme l'espace-temps en expansion, regroupe toutes les planètes pensantes qui ont été créées dans tout l'espace-temps. Actuellement ni l'observation, ni les calculs des scientifiques ne peuvent nous aider à décrire cet aboutissement, logique d'après notre théorie du phénomène créatif.
Enfin cet existant final serait né depuis des milliards d'années. Il regroupe déjà tous les cosmicules et il est prêt à accueillir la planète pensante Terre dès qu'elle aura trouvé le moyen technique d'entrer en communication avec lui et de s'intégrer à lui. Telle est la vision globale du phénomène créatif à laquelle nous contraint notre observation de l'espace-temps.
Un événement extraordinaire
Un jour, très proche dans le temps cosmique, ce qui ne veut pas dire très proche dans le temps terrestre, la planète pensante Terre trouvera le moyen de s'intégrer au cosmicule formé de planètes pensantes plus anciennes qu'elle. Ce jour sera un jour fondamental pour ses habitants.
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Avec le temps des industriels, chacun de nous a déjà quitté une vision individuelle et strictement personnelle de l'univers, vision limitée à notre entourage immédiat et à notre propre durée. En s'intégrant à la société mondiale qui s'édifie actuellement, la pensée de chacun de nous acquiert une dimension terrestre, planétaire. L'homme étend son champ d'observation à toute la terre et il commence même à apercevoir ce qui se passe sur d'autres planètes. Il étend aussi sa connaissance de l'histoire humaine jusqu'aux origines les plus lointaines Nous vivons quotidiennement ce changement fondamental de notre dimension et de notre durée.
Un jour la planète pensante terre trouvera le moyen de communiquer pleinement avec le cosmicule déjà existant, donc de s'intégrer totalement à lui sur le plan de la pensée. Ce cosmicule n'est qu'un des éléments de l'ensemble cosmique créé depuis des milliards d'années. Alors chaque individu adjoindra à sa vision planétaire de l'univers, acquise progressivement en trois siècles et limitée globalement à la terre, une vision englobant la totalité de l'espace et du temps. L'homme aura accès à une connaissance dont les éléments ont été accumulés depuis des milliards d'années dans tout l'immense espace-temps. Chaque homme sera relié individuellement à une pensée englobant tout l'univers. Avec la mise en place laborieuse de la société industrielle, chaque individu est passé en quelques siècles de la dimension que lui avait donnée l'évolution des espèces, celle d'un grand singe, à une dimension planétaire. Une telle mutation est déjà fantastique et passionnante, bien qu'elle soit progressive. Mais le passage de la dimension planétaire à la dimension cosmique sera d'une toute autre nature et risquera d'être rapide. De chenille l'homme deviendra papillon.
De l'alpha à l'oméga.
Nous nous sommes efforcés de reconstituer le phénomène créatif depuis le big bang qui en marque le début jusqu'à la huitième création qui en marque la fin. Nous sommes ainsi passés de la particule initiale d'énergie, infiniment petite et immatérielle, à l'ensemble cosmique pensant, infiniment grand et également immatériel.
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Nous sommes allés de l'alpha à l'oméga. Nous avons parcouru à notre façon le chemin qu'avait tracé l'eschatologie chrétienne, chemin qu'avaient ouvert Saint Paul et Saint Jean et qu'avait ensuite repris à sa manière Teilhard de Chardin. Mais nous avons parcouru ce chemin en prenant pour seul guide l'observation et le raisonnement scientifiques. Comme Jacques Mo-nod, nous retenons "dans le royaume des idées celles de la connaissance objective comme seule source de vérité authentique". Nous n'avons jamais pris pour guide les Livres Saints, même si nous y avons souvent fait allusion. Au terme de notre parcours, nous sommes étonnés par la convergence rencontrée entre une approche scientifique et une approche religieuse de l'avenir de l'univers. Cette convergence est peut-être, en partie, le fruit de notre culture personnelle, toute imprégnée de la religion judéo-chrétienne. Mais elle est aussi le résultat d'une vision globalement identique des faits, que la lunette utilisée soit celle du scientifique observant l'ensemble de la création ou celle du théologien analysant le contenu des Livres Saints.
Plus nous avançons dans la connaissance du phénomène créatif, plus nous admirons la complexité des solutions utilisées dans cette lente ascension de l'organisé dans le cosmos. Selon les théories en cours, la description des premiers instants du cosmos fait appel à des températures ou à des pressions fabuleuses. La naissance des premières molécules à la surface gelée des poussières cosmiques échappées de l'étoile voisine est étonnante. Le retour prin-tanier des hirondelles parties hiverner dans des pays chauds pose des problèmes de "programmation" bien loin encore d'être résolus. Tout, que ce soit dans le domaine de l'énergie, de la matière ou de la vie, apparaît chaque jour de plus en plus complexe. Cette complexité rend encore plus admirable la réussite du phénomène créatif.
La fabuleuse intelligence des solutions adoptées nous émerveille. Nous découvrons seulement le comportement des molécules dans le corps. Nous commençons seulement à comprendre une partie des mécanismes assurant la reproduction, la croissance, la vie et la mort des métazoaires.
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La fantastique intelligence, l'incroyable programme emmagasinés dans les molécules d'ADN des chromosomes posent une fois de plus de façon fondamentale l'origine de tels mécanismes.
L'homme découvre toute cette complexité, toute cette intelligence avec la pensée réfléchie dont l'a doté la micro-évolution des espèces, au hasard d'une mutation favorable. Il crée à son tour un existant où il multiplie les capacités de penser et de comprendre. Il joue un rôle essentiel dans le phénomène créatif. C'est lui le premier existant devenu conscient et disposant d'une certaine liberté: il devient véritablement un co-créateur.
Le rôle du hasard.
Démocrite pensait que "tout ce qui existe dans l'univers est le fruit du hasard et de la nécessité". Jacques Monod est allé encore plus loin dans l'importance à donner au hasard. Pour lui "l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard". Démocrite associait hasard et nécessité. Jacques Monod a pensé que le hasard seul pouvait être à l'origine du phénomène créatif. Il est évident qu'en de nombreuses occasions, le phénomène créatif a reposé sur le hasard et qu'un certain type de créations repose encore sur le hasard. Les rencontres de particules fondamentales dans les étoiles sont aléatoires. Les mutations bénéfiques qui ont abouti à l'homo sapiens dans le cadre de la micro-évolution des hominiens peuvent très bien n'être que le fruit du hasard. Le hasard a certainement été, dans de nombreuses étapes du phénomène créatif, un des outils dont disposaient les existants responsables de la future création. Les sciences statistiques rendent impossible aujourd'hui l'attribution au hasard seul de l'évolution générale des espèces. Si le phénomène créatif avait laissé au hasard seul la responsabilité d'une telle évolution, le phénomène vivant aurait eu besoin de beaucoup plus de temps pour évoluer, obligé qu'il était d'essayer toutes les solutions autorisées par des mutations purement aléatoires et ne retenant d'elles que celles qui auraient été favorables.
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Or l'évolution s'est faite beaucoup trop rapidement pour que toutes ces solutions aient pu être essayées. Nous sommes obligés, au nom même de la rigueur scientifique, "seule source de vérité authentique", d'abandonner le hasard comme seul responsable du phénomène créatif. Il faut aller du côté de la "nécessité" avancée par Démocrite.
Une fantastique programmation
Notre observation du phénomène créatif nous a poussés à conclure que deux conditions ont été indispensables à sa réalisation: les existants ont nécessairement dû être dotés d'un comportement leur permettant de s'unir et ces existants ont dû trouver l'environnement favorable à cette union. Il nous semble ainsi que la "nécessité" de Démocrite corresponde à ce que notre temps de l'informatique nomme "programation".
certains chercheurs, devant les difficultés possées par la création de la cellule vivante par les mollécules protéiques, émpettent l'hypothèse qu'elle a eu une origine autre que terrestre. D'autres, devant les difficultés que soulève l'explication du bing bang, lui donnent por origine la contration d'un espace-temps ayant existé antérieurement au nôtre. Les deux mêmes types d'erreur sont ainsi commis. Pour ne pas avoir besoin de donner une explication au phénomème créatif, on en repousse les origines dans l'espace. Mais si la vie vient d'une autre planète, comment y est-elle survenue? Si notre espace-temps est né d'un autre espace-temps, comment est né cet autre espace-temps?
Cette programmation détermine le comportement de tous les existants responsables du phénomène créatif. Elle implique donc que le minuscule grain d'énergie ait été porteur dans son propre programme du programme de tous les existants qui lui ont succédé. Le programme du minuscule grain d'énergie portait en lui le futur programme de l'homme que nous savons supporté par l'ADN. Il nous est impossible de repousser une telle hypothèse. Si nous le faisions, nous serions obligés d'admettre qu'une intervention extérieure modifiant le comportement des existants responsables de la montée de l'organisé aurait eu lieu, donnant par exemple aux molécules ou aux métazoaires leur propre programme.
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La programmation porte également sur l'environnement qu'ont trouvé les existants responsables des créations. Ils n'ont pu agir et réussir leur création que parce qu'ils ont trouvé l'environnement favorable à leur action. Il a donc été nécessaire que soient programmées parfaitement les conditions d'environnement et l'évolution de ces conditions d'environnement. Un mammifère a besoin d'oxygène pour vivre: il fallait que l'oxygène apparaisse sur la terre pour que l'homme y vive. Il y a donc eu une programmation de l'environnement à l'échelle cosmique. Nous constatons le fait et nous ne l'expliquons pas. Derrière cette programmation que nous sommes bien obligés de constater et d'admettre, mais que nous sommes scientifiquement incapables d'expliquer, nous avons tendance à mettre un programmateur. Notre besoin de comprendre et d'expliquer ne nous a pas abandonnés. Un programmateur doué d'une intelligence extraordinaire et doté de moyens d'une puissance inimaginable pour un cerveau humain. Nous n'avons sur ce programmateur aucun renseignement. La science est totalement muette sur ce sujet. Depuis la Bible, nous avons beaucoup avancé dans la connaissance du phénomène créatif, mais nous sommes aujourd'hui toujours aussi incapables de définir le créateur autrement que par ce que nous observons: la création.
Une reproduction?
L'étape de la pensée aboutirait à un ensemble cosmique pensant regroupant en son sein toutes les pensées organisées du cosmos, celles qui sont encore en activité dans le vaste univers, comme celles qui ont déjà disparu depuis des milliards d'années. Cet ensemble cosmique pensant contiendrait en lui la mémoire et l'image de tout ce qui a été créé dans l'univers par les existants doués de pensée. Cet ensemble cosmique aurait dans sa mémoire des informations que, par principe,ne pouvait avoir en lui le programmateur initial puisque les êtres doués de pensée ont eu une certaine liberté dans leur comportement.
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Cet ensemble cosmique final serait donc en principe plus riche en informations que le programmateur initial. Nous sommes pourtant contraints de penser que les qualités nécessairement possédées par le programmateur initial sont bien proches de celles que nous attribuons à l'ensemble cosmique pensant. Il nous semble qu'une identité profonde doit exister entre celui qui a été capable de concevoir et de lancer le phénomène créatif et celui qui en achève le parcours.
Le phénomène créatif nous apparaît alors comme un phénomène "reproductif. L'intelligence qui a lancé le programme l'aurait lancé pour que soit créée des milliards d'années plus tard une intelligence identique. Elle aurait en cours de route utilisé les métazoaires pensants pour édifier la pensée cosmique finale. Tout le phénomène créatif englobant la totalité de l'univers ne serait ainsi que les différentes étapes nécessaires à la reproduction d'une pensée fabuleuse. Les hommes et tous les métazoaires ayant atteint le niveau de la pensée réfléchie sur toutes les autres planètes seraient les co-artisans conscients de cette gigantesque reproduction.
Et si Dieu existait?
Le phénomène créatif est un fabuleux mécanisme reliant l'étape initiale de l'énergie à l'étape finale de la pensée, en passant par les étapes concrètes de la matière et de la vie. L'origine et la finalité du phénomène créatif se situent dans un domaine immatériel, tandis que les deux étapes intermédiaires de la matière et de la vie se situent dans le domaine matériel. Matière et vie apparaissent comme les nécessaires supports de l'essentiel qu'est la pensée. La pensée du programmateur initial ne peut rejoindre la pensée finale qu'après avoir parcouru les étapes de la matière et de la vie. Mais la pensée reste l'essence du phénomène créatif et sa finalité.
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Dans son corps génétiquement stable, l'homme n'a plus évolué depuis le jour où la micro-évolution des espèces l'a doté d'un cerveau capable de penser et de lui donner un comportement autre que le comportement génétique. Le corps de chaque individu, génétiquement bloqué dans son évolution en l'absence de toute mutation, reste totalement attaché et soumis aux règles du matériel et du vivant. Par contre la pensée de chaque individu évolue en permanence. Elle crée d'abord sur terre, en dehors du corps, la pensée planétaire. Chaque pensée individuelle a accès en permanence à cette pensée planétaire. La pensée individuelle prend ainsi une dimension planétaire, tandis que le corps reste un ensemble stable de quelques dizaines de kilogrammes de matière.
Le jour où la pensée planétaire s'intégrera à la pensée de l'ensemble pensant cosmique, la pensée de chaque individu sera à priori toujours reliée à la pensée planétaire. Elle sera également reliée et intégrée à la pensée cosmique, à la puissance, à la perfection, à l'intelligence d'une pensée cosmique capable de toutes les créations, à la vérité, à la beauté, à la bonté parfaitement élaborées dans une longue création de plusieurs milliards d'années.
La connaissance objective restant toujours notre seule source de vérité authentique, nous sommes amenés à penser que Dieu existe.
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GLOSSAIRE
ATOME. Existant né de l'union de particules fondamentales d'énergie. Il est l'élément de base de l'étape de la matière. En s'unissant à d'autres atomes, il forme les molécules, éléments intermédiaires de l'étape de la matière.
BASE (ELEMENT DE). A l'origine de chacune des quatre étapes du phénomène créatif se trouve un existant de structure sphérique responsable de la première partie de l'étape: la synthèse de l'élément intermédiaire. Nous incluons dans les éléments de base le grain primordial d'énergie, bien que nous ne connaissions pas sa structure. Les quatre éléments de base sont le grain primordial d'énergie, l'atome, la cellule vivante et la planète pensante.
BIG BANG. Nom donné à la théorie expliquant les origines de notre espace-temps et assimilant cette origine à une fantastique explosion. Cette théorie a pour origine les calculs découlant de la vision quantique et relativiste de l'univers. Elle est actuellement admise par l'immense majorité du monde scientifique. Elle a été confirmée de façon spectaculaire par des observations réalisées postérieurement, comme celle du rayonnement fossile ou celle de la composition chimique du nuage primordial.
CELLULE VIVANTE. Existant résultant de l'union des molécules protéiques. 11 est de structure sphérique et il est l'élément de base de l'étape de la vie. La cellule vivante en s'unissant à d'autres cellules vivantes engendre des êtres vivants polycellulaires. Parmi ceux-ci, les métazoaires sont les animaux porteurs d'évolution.
COMPLEMENTARITE. Voir "différenciation-complémentarité".
COSMICULE. Selon notre théorie, existant à structures multiples résultant de l'union de planètes pensantes. Il est l'élément intermédiaire de l'étape de la pensée. En s'unissant à tous les autres cosmicules de l'espace-temps, il crée l'ensemble cosmique pensant.
DIFFERENCIATION-COMPLEMENTARITE. Loi générale présidant à toute l'évolution du phénomène créatif. Un existant possède, du fait de sa structure, la potentialité d'acquérir des qualités particulières. Certains existants de même rang peuvent ainsi se doter de qualités complémentaires qui les poussent à s'unir. L'atome d'hydrogène et l'atome d'oxygène ont des qualités qui les poussent à s'unir pour former la molécule d'eau. La société humaine est soumise à cette loi générale.
ELEMENT DE BASE. Voir "base".
ELEMENT INTERMEDIAIRE. Voir "intermédiaire".
ENERGIE (ETAPE DE L'). Première étape du phénomène créatif. Elle a pour élément de base la particule primordiale d'énergie, pour élément intermédiaire la particule fondamentale. Elle aboutit à l'atome, élément de base de l'étape suivante.
ENSEMBLE COSMIQUE PENSANT. Existant de taille cosmique, probablement de structure sphérique, achevant l'étape de la pensée, donc le phénomène créatif tout entier. Selon notre théorie, il résulte de l'union de tous les cosmicules et regroupe ainsi en un seul organisme tout ce qui a pensé et pense dans l'espace-temps.
ENVIRONNEMENT (CONDITIONS D'). Pour que deux existants puissent s'unir, ils doivent disposer d'un environnement favorable à leur union. Ainsi la naissance d'un noyau atomique lourd a besoin de disposer de la très haute température d'une étoile tandis que l'union de deux atomes se réalise à la surface glacée d'une poussière cosmique. Une nécessaire coordination doit avoir lieu entre l'apparition de nouveaux existants et l'évolution des conditions d'environnement.
ESPACE-TEMPS. Vaste ensemble né il y a quinze milliards d'années et regroupant toutes les galaxies. Il semblerait en expansion depuis sa création. L'ignorance que nous avons encore actuellement de sa masse précise ne nous permet pas de dire si cette expansion s'arrêtera un jour. Selon les théories actuelles, il existerait d'autres espaces-temps que le nôtre.
ETAPE. Selon notre théorie, le phénomène créatif s'est déroulé en quatre étapes: l'étape de l'énergie, l'étape de la matière, l'étape de la vie et l'étape de la pensée. Chaque étape part d'un élément de base à structure sphérique. Puis ces éléments de base s'unissent entre eux pour former les éléments intermédiaires à structures multiples. Les éléments intermédiaires mettent en place la structure d'une société qui donnera naissance à un nouvel élément à structure sphérique, élément de base de l'étape suivante. Ainsi l'étape de la matière a pour élément de base l'atome, pour élément intermédiaire la molécule et s'achève par la cellule vivante.
EXISTANT. Elément de l'univers capable de s'unir à des éléments de même rang pour créer par synthèse un élément de rang supérieur. L'atome est par exemple un existant. Il est capable de s'unir à d'autres atomes pour former une molécule. L'étoile ou la montagne ne sont pas des existants. Elles ne sont pas capables de s'unir pour former un existant de rang supérieur. Dans notre vision du phénomène créatif, six existants sont déjà identifiés: la particule primordiale d'énergie (ou grain d'énergie), la particule fondamentale, l'atome, la molécule, la cellule vivante et le métazoaire. Selon notre théorie, trois existants devraient encore être observables: la planète pensante, le cosmicule et l'ensemble pensant cosmique.
Bien que le premier existant ne soit pas le résultat d'une synthèse et que le
dernier ne puisse participer à une synthèse dans le cadre de l'espace-temps, nous les avons inclus dans l'ensemble des existants.
GRAIN D'ENERGIE. Louis de Broglie nommait ainsi la particule primordiale d'énergie, la plus petite quantité d'énergie existante possible.
INTERMEDIAIRE (ELEMENT). Existant à structures multiples responsable dans le phénomène créatif de la découverte et de la mise en place de la structure aboutissant à l'élément de base de l'étape suivante, de structure sphérique. Les éléments intermédiaires des quatre étapes du phénomène créatif sont les particules fondamentales d'énergie, les molécules, les métazoaires et les cosmicules.
MATIERE (ETAPE DE LA). Deuxième étape du phénomène créatif. Elle a pour élément de base l'atome, pour élément intermédiaire la molécule et s'achève par la création de la cellule vivante, élément de base de l'étape suivante.
METAZOAIRE. Existant à structures multiples né de l'union des cellules vivantes. Le métazoaire est l'élément intermédiaire de l'étape de la vie. Selon notre théorie, l'union des métazoaires aboutit à la planète pensante. L'homme est le métazoaire chargé de cette réalisation.
MOLECULE. Existant né de l'union d'atomes. Les molécules ont des structures multiples et sont les éléments intermédiaires de l'étape de la matière. L'union des molécules protéiques a donné naissance à la cellule vivante sur la terre.
MONTEE DE L'ORGANISE. Depuis quinze milliards d'années, des existants aux structures de plus en plus complexes sont issus de l'union d'existants moins complexes, ce qui engendre dans l'espace-temps une "montée de l'organisé". Les cellules vivantes en s'unissant créent par exemple la structure très complexe et parfaitement ordonnée du métazoaire.
ORGANISE. Dans l'univers, les existants ont une structure précise. Cette structure est à l'origine d'un ordre qui n'était pas là avant la création de cet existant. Cet ordre correspond à ce que nous nommons "l'organisé".
PARTICULE FONDAMENTALE D'ENERGIE. Elle est issue de l'union des particules primordiales d'énergie. Elle est l'élément intermédiaire de l'étape de l'énergie. En s'unissant à d'autres particules fondamentales, elle crée l'atome. Le méson est par exemple une particule fondamentale d'énergie.
PARTICULE PRIMORDIALE D'ENERGIE Existant à l'origine de l'étape de l'énergie. Il est l'élément de base de cette étape. Les particules primordiales d'énergie sont issues du vide quantique à l'origine de l'espace-temps. De même que l'atome est par définition la plus petite quantité de matière existante possible, la particule primordiale d'énergie est la plus petite quantité d'énergie existante possible. Louis de Broglie la nommait "grain d'énergie". En s'unissant à d'autres particules primordiales, elle crée les particules fondamentales d'énergie. La particule primordiale d'énergie possède des potentialités évolutives. Le quark est par exemple une particule primordiale qui s'est dotée de certaines qualités.
PENSEE (ETAPE DE LA). Quatrième et dernière étape du phénomène créatif.
Elle a pour élément de base la planète pensante, pour élément intermédiaire le cosmicule et elle aboutit à l'ensemble cosmique pensant. Cette étape n'est que la conséquence de la théorie que nous avons avancée, elle n'a encore jamais été observée par les scientifiques, pas plus que le quark ne l'a encore été.
PHENOMENE CREATIF. Depuis que l'univers existe, depuis quinze milliards d'années, dans une longue évolution, certains éléments privilégiés de la création, les existants, se sont unis pour créer la structure d'un élément de rang supérieur, plus vaste et plus complexe. Ils ont disposé alors d'un environnement qui leur était devenu favorable et de qualités personnelles rendant l'union possible. "Le Phénomène créatif est cette cascade de synthèses successives. Phénomène inachevé qui s'accomplit en quatre étapes: les étapes de l'énergie, de la matière, de la vie et de la pensée.
PLANETE PENSANTE. Dans notre théorie, existant résultant de l'union des métazoaires pensants en un même organisme de taille planétaire. L'homme est un métazoaire pensant. La planète pensante, de structure sphérique, achève l'étape de la vie. Elle est l'élément de base de l'étape de la pensée. En s'unissant à d'autres planètes pensantes, elle crée le cosmicule, élément intermédiaire de l'étape de la pensée.
POTENTIALITE. La structure sphérique donne aux éléments de base d'une étape du phénomène créatif la possibilité d'acquérir des qualités individuelles différentes de celles de son semblable. Ainsi est mis en place le mécanisme assurant la différenciation et l'éventuelle complémentarité de deux existants à structure de type sphérique. Par exemple, la structure sphérique de la cellule vivante porte en elle la potentialité de se spécialiser en cellule hépatique ou nerveuse.
SOCIETE. Ensemble structuré d'existants qui restent unis entre eux du fait de leurs qualités complémentaires les maintenant en contact les uns avec les autres. Un tas de sable n'est pas une société de grains de sable alors qu'un essaim d'abeilles est une société unissant dans un même ensemble des abeilles. Une société peut être stable comme l'essaim d'abeilles ou l'ensemble ville-campagne regroupant les hommes du temps des paysans. Elle peut être évolutive comme l'a été la société des molécules protéiques qui a abouti à la cellule vivante ou comme l'est la société industrielle des hommes.
STRUCTURE. Manière dont sont unis entre eux les différents existants de même rang formant une société ou un existant de rang supérieur. Aucune création ne peut se faire sans que l'existant de rang inférieur ne découvre le moyen de mettre en place les structures de l'existant de rang supérieur. Il existe deux grands types de structures dans le phénomène créatif: les structures de type centré et sphérique caractérisant les éléments de base de chaque étape et les structures variables des éléments intermédiaires.
VIE (ETAPE DE LA). Troisième étape du phénomène créatif. Elle a pour élément de base la cellule vivante, pour élément intermédiaire le métazoaire et aboutit à la création de la planète pensante. Selon notre théorie, l'homme est le métazoaire qui a reçu la mission d'achever l'étape de la vie sur terre.
TABLE DES MATIERES
I LE BESOIN D'EXPLIQUER LA CREATION
La Création existe et l'homme a besoin d'en trouver une
explication 9
Zeus, Jupiter et tous les autres 11
La Genèse et les six jours du Dieu créateur 14
L'explication chrétienne de l'alpha à l'oméga 15
Galilée et la rotation de la terre 16
Darwin et l'évolution des espèces 18
Teilhard de Chardin et le phénomène humain 20
La percée des astrophysiciens et la théorie du big-bang 22
La biologie moléculaire et l'automne du Darwinisme 23
Le besoin viscéral d'expliquer est plus fort que jamais 26
L'homme devient à son tour créateur 27
La science au secours de la foi 27
II LA CRÉATION AVANT L'HOMME
Le temps fou des particules fantômes 32
Les premières créations : les particules primordiales 33
Les premières unions: protons et neutrons 34
Le départ des neutrinos et la stabilité des photons 36
Le temps de la formation des noyaux atomiques 37
Le temps de la naissance des premiers atomes 38
L'intervention des étoiles permet la création de nouveaux atomes 41
Les premières molécules 45
La création planétaire et les molécules de, la chimie minérale 46
Nos insuffisantes connaissances du monde de la vie 47
La naissance des molécules protéiques 49
La création de la première cellule vivante 51
La naissance du premier métazoaire 52
III L'IRRÉSISTIBLE PHÉNOMÈNE CRÉATIF
Le phénomène créatif existe 55
Des "existants" responsables 58
Les trois premières étapes du phénomène créatif: énergie, matière 62
et vie
Un existant de structure sphérique est au départ de chaque étape 66
Les existants intermédiaires ont des structures multiples 68
L'alternance des structures 68
La différenciation-complémentarité 70
La complexification progressive de l'univers 72
La nécessaire introduction de systèmes intelligents 73
La nécessaire adaptation de l'environnement 75
Une inévitable programmation 77
IV L'HOMME CRÉE UNE SOCIÉTÉ PLANÉTAIRE LES QUALITÉS PARTICULIERES DE L'HOMME
Le phénomène créatif jusqu'à l'homme 83
Le temps des hominiens 83
Les exceptionnelles qualités du cerveau humain 86
L'élaboration de l'image de la création 88
La création d'une société humaine 89
LE TEMPS DES CUEILLEURS-CHASSEURS. LE TEMPS DES PAYSANS ET DES ARTISANS
Les origines 92
La première spécialisation 93
Les structures physiques 95
La spécialisation-complémentarité 95
Les structures législatives 96
La création d'une mémoire extra-somatique 98
Une société dotée de qualités nouvelles 98
Tentatives vers de plus vastes ensembles 99
LE TEMPS DES INDUSTRIELS
La progressive mondialisation de l'économie
[m spécialisation-complémentarité à l'échelle mondiale 103
la dimension mondiale de l'individu 105
Une société planétaire structurée 106
Une société aux qualités nouvelles 107
la créativité humaine 108
V L'HOMME CRÉE UN NOUVEL EXISTANT
Un curieux parallélisme 113
Un homme conscient au sein d'une société planétaire 115
L'irrésistible phénomène créatif 116
La Planète Pensante 117
L'action de l'homme perturbe l'évolution des espèces 120
Le transfert de l'évolution chez l'homme 123
La spécialisation-complémentarité 125
La société humaine a des structures de plus en plus solides 126
La société humaine a des qualités nouvelles 127
La Terre est ronde 129
Un acteur inconscient 129
VI L'ÉTAPE DE LA PENSÉE
La fantastique intelligence du phénomène créatif 133
D'autres lieux d'émergence de la pensée 134
L'étape de la pensée 135
La septième synthèse: le cosmicule 138
La huitième synthèse: l'ensemble cosmique pensant 139
La planète terre est jeune 139
L'apparition d'une qualité nouvelle 141
La place de l'homme 142
VII CONCLUSION
Le phénomène créatif existe 145
Un événement extraordinaire 146
De l'alpha à l'oméga 147
Le rôle du hasard 149
Une fantastique programmation 150
Une reproduction? 151
Et si Dieu existait? 152
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Date de dernière mise à jour : 2021-07-05 10:42:30